Fête des Vendanges 2024 – maquillages

Il y a des moments de la vie où l’on ne sait que dire ou faire… Mais, comme disait William S., l’un de nos copains d’école, Tout est bien qui finit bien !

Normalement, un article sur les maquillages est passablement court, mais ici c’est tout un pan de ma vie qui a failli passer à la trappe et donc c’est long… même si je n’ai pas pu faire beaucoup de maquillages.

En résumé : c’est bien la première fois qu’au moment où j’ai porté mes affaires à pied pour m’installer (planche, chevalets, chaises, cadres, matériel de maquillage), j’ai reçu de l’aide de la part de passants. Cela ne m’était pas encore arrivé ; j’ai été très touchée. Vendredi soir, j’ai eu quelques clients qui se sont annoncés pour samedi. Malheureusement, mon stand a été fermé par un membre du comité ce samedi après-midi, presque manu militari. Je me suis sentie dévastée. Cela a été tellement inattendu et ferme, que j’ai eu l’impression qu’on m’enlevait une racine de ma vie, une partie de moi. J’ai demandé à l’une de mes bonnes connaissances, l’une de celles du Neuchâtel d’autrefois, à qui je pouvais adresser une lettre expliquant ma situation. En effet, cela fait X années que je travaille à la fête des Vendanges, que je suis invitée ou accueillie par des stands, que mes clients sont clients du stand ou inversement et je me suis retrouvée brutalement hors combat. La personne en question s’est renseignée et mon destin a retrouvé un chemin plus serein : le président administratif du comité m’a téléphoné dimanche matin pour me présenter des excuses et dire que je pouvais passer à l’hôtel de Ville pour m’annoncer afin de me mettre en règle avec le règlement et qu’un collaborateur allait me conduire à ma place. Résultat des courses : dorénavant, je figurerai sur le plan de la fête des Vendanges et cela me donne l’impression d’entrer dans l’histoire de la fête. Je me demande si une nouvelle racine n’est pas en train de pousser parce que j’ai acquis, pour ainsi dire, un droit de cité. Je peux remercier le monsieur à l’origine de la mésaventure qui a tourné en ma faveur.

Mes maquillages sont des prétextes à des rencontres :

  • lors de mon premier voyage, un jeune homme, étudiant en droit de la santé, m’a offert spontanément de l’aide. Il n’avait pas l’intention d’aller jusqu’au stand de Xamax, où je suis installée, mais la conversation s’est engagée et finalement il est arrivé jusqu’au bout. Je lui ai dit que s’il rédigeait un travail de diplôme, je lui donnerais volontiers un coup de main dans la rédaction, ainsi il apprendrait à bien rédiger et moi, j’apprendrais un tas de choses de son domaine. Le droit de la santé est bien compliqué du fait qu’il y a plusieurs interlocuteurs avec des intérêts divers. Chose intéressante, l’une des jeunes femmes qui est venue se faire maquiller travaille dans le domaine et elle a dit qu’elle allait m’envoyer un mel pour que je donne ses coordonnées au jeune homme dont le prénom est Kofi, soit l’enfant du samedi (comme c’est joli ; ainsi Kofi Anan, l’ancien secrétaire des Nations Unies était aussi un enfant du samedi. Je l’ai admiré, maintenant, j’éprouve une certaine affection pour lui) ;
  • Lors de mon installation. Un monsieur s’est approché et m’a dit qu’il faisait la promotion d’artistes neuchâtelois et voudrait faire la mienne. Je lui ai dit qu’il n’avait pas encore vu mon travail. Il m’a dit qu’il sentait les choses et que cela lui suffisait. Il a une plateforme où un certain nombre d’artistes y figurent. Cela, m’a-t-il dit, lui avait pris quelques années, mais cela avait été un très grand désir et finalement il avait réussi. J’ai trouvé l’histoire formidable et lui ai dit que j’avais une plateforme où je ne racontais que des belles histoires. La sienne m’intéresse. Quand je lui ai donné ma carte il a vu que je travaillais dans divers domaines. On verra comment faire après la fête. Je lui ai dit que ces temps-ci je m’étais sentie sur le chemin du paradis et que là, pas de doute, je m ‘en approchais !
  • une jeune dame est venue avec sa fille et m’a dit : « Vous m’avez maquillée lorsque j’étais enfant »… Ciel ! Ce qu’elle est devenue entre temps ? Elle a étudié la biologie et travaille pour la protection des animaux. Je lui ai demandé si elle engageait des personnes qui aimaient les animaux mais n’avaient pas une formation adéquate. Elle a répondu que oui. Cela tombe bien. Je donne des cours dans le cadre de Midi Tonus et l’une des participantes change de cap et voudrait travailler avec des animaux mais n’a pas la formation qu’il faudrait. La dame va me donner des nouvelles ;
  • ensuite, c’est un groupe de jeunes adultes qui vient. Je ne sais jamais pourquoi je pose une question ou une autre ni pourquoi je fais un maquillage plutôt qu’un autre. L’un d’eux travaille dans la finance et se pose des questions existentielles, il sent l’influence des planètes… chose curieuse, mon maquillage était composé de planètes. L’autre travaille dans le même domaine, je lui parle d’un ami qui cherche un investisseur et on se verra aussi après la fête ;
  • Un groupe de trois jeunes femmes vient. L’une d’elles me demande de faire un motif bien précis à toutes les trois. J’explique que je me laisse inspirer par la personne ; que même si je fais dix fois le même motif, il est toujours en relation avec elle. Finalement, je peux faire les maquillages à ma façon. La jeune femme à la forte personnalité m’a dit que je l’avais bien cernée et a déclaré que j’étais voyante !

Un journaliste d’ArcInfo. Lorsque je n’ai pas de monde, je fais ma comptabilité ou lis. À ce moment-là, je lisais l’Autoportrait d’Einstein. Le journaliste, que je connais, m’a dit qu’il m’avait observée lire alors que la musique était tellement forte. Je lui ai dit que je pouvais en faire abstraction lors de la fête, mais que lorsque j’étais chez moi, je ne supportais pas le bruit de voisins inattentifs. Il m’a demandé si le livre était intéressant. J’ai mis un moment à répondre parce que ce n’est pas si simple. Einstein parle de notions scientifiques mais surtout de la façon dont il s’est détaché de certaines d’entre elles pour suivre son intuition. Ce n’est pas parce que tout le monde accepte une théorie, un axiome que c’est vrai. Einstein cherchait une explication universelle aux phénomènes physiques et cela est passionnant. Comme j’étais en plein développement de l’exposé d’Albert, j’ai dû réfléchir pour finalement dire « oui ! ». Il m’a demandé s’il pouvait me prendre en photo, j’ai donné mon accord. À propos du livre d’Einstein, je peux ajouter qu’il est intéressant de suivre ses explications sur la matière, le vide et la façon dont la pensée nous arrive ainsi que sur la façon dont nous nous forgeons des représentations du monde.

Le bruit et la douleur. Oui, je peux m’isoler dans une ambiance bruyante selon les circonstances. Il en va de même avec la douleur physique, je peux aller « ailleurs » dans mon corps lorsqu’une grande douleur l’envahit et je ne la sens pas. Je n’ai pas de recette à transmettre, cela se fait tout seul. Il est clair que je ne pourrais le faire en permanence.

Une fillette. Elle vient avec sa maman qui lui demande ce qu’elle veut. Je dis que je m’inspire de la personne… La fillette s’assied et me demande ce que je vais lui faire. Je lui dis que je ne sais pas, que je ne le saurai que lorsque j’aurai pris mon pinceau. Je lui dis que je ne le sais jamais et lui demande comment elle fait lorsqu’elle fait un dessin. Elle réfléchit et me dit qu’elle ne sait pas non plus. Voilà, nous nous sommes retrouvées dans un même monde ; mon maquillage est parti tout seul et lorsqu’elle s’est regardée dans le miroir, elle a trouvé que c’était très beau. Je lui ai aussi expliqué que le maquillage ne peut jamais être beau chez quelqu’un qui ne va pas bien, profondément bien. Une autre maman qui m’a aussi dit s’être fait maquiller par moi m’a amenée sa fillette. Cette dernière a huit ans et aime les mathématiques. Je lui dis qu’elle a de la chance parce que les mathématiques se retrouvent partout ; même pour créer les couleurs de mes maquillages il faut compter, mesurer. Comme elle sait déjà compter, je lui raconte que le chiffre zéro n’avait pas toujours existé, qu’on savait compter à partir de 1 mais que quand il n’y avait rien… et que ce sont les Indiens qui ont inventé le chiffre 0. J’ai senti la pensée de la fillette entrer dans le monde des mathématiques. J’ai eu l’impression que le temps s’était arrêté.

Au stand de Xamax. Je n’avais pas assez de rallonges pour avoir de l’électricité et vendredi c’est le stand des Scouts qui m’a prêté une rallonge. À ma surprise, en arrivant samedi matin, Christian Sydler, le responsable du stand de Xamax, m’a tendu une très longue rallonge. Cela m’a fait du bien. Lorsque le représentant du comité a coupé court à ma prestation, Christian m’a dit d’aller à un grand stand pour voir s’ils pouvaient me prendre dans leur périmètre. Malheureusement pour moi, il y avait déjà des personnes qui faisaient des choses semblables.

Photos. Je n’ai pas eu le temps d’en faire beaucoup… En voici quelques uns.

Avec les lumières du stand, il est difficile de faire des photos plus nettes la nuit. Il faudra que je trouve une solution

Mes affaires parlent. Après avoir été obligée de fermer mon stand, en rentrant à la maison, je me suis dit que j’allais ranger ma table et les chaises directement à la cave parce que je ne les avais pas beaucoup utilisées. C’est là qu’une voix intérieure s’est faite leur porte-parole : « Tu ne peux pas nous ranger comme cela, on a été dehors, on a passé une nuit presque à l’intempérie (en effet, je n’ai plus d’endroit pour ranger mon matériel les vendredi et samedi soir) et on t’a rendu service. Toutes les années, tu nous laves et répares s’il le faut » Je ne peux que leur donner raison et monte le tout dans mon appartement.

Mon destin retrouve son chemin normal. Ainsi que je l’ai mentionné plus haut, dimanche matin, j’ai appris que je pouvais reprendre mon activité. C’est là que j’ai remercié mon matériel de m’avoir fait savoir que je me devais de les traiter comme les autres fois.

Pas beaucoup de maquillages, en fin de compte. J’ai des clients qui viennent samedi et dimanche, d’autres que le samedi ou le dimanche. Afin de les renseigner, samedi, j’avais mis une pancarte. Dimanche a été une journée presque vide. Mais, j’ai quand même eu de belles rencontres.

La jeune femme ci-dessous travaille chez Decathlon. Elle est déjà venue l’année passée et m’avait appris que le magasin a un atelier de réparation. Je vais aller voir parce que je trouve la chose intéressante.

Le monde des enfants est bien différent de celui des adultes. Je suis charmée chaque fois que je les entends faire un commentaire, s’exprimer. Dans le cas présent, j’ai fait un cheval au garçon et quand il a vu le maquillage dans le miroir, il s’est exclamé : « C’est une licorne ! » Je n’ai pas hésité, je lui ai dit de bien regarder le maquillage, que j’allais changer quelque chose et qu’il devrait voir la différence après dans le miroir. J’ai donc ajouté la corne. Ensuite, il s’est regardé dans le miroir et m’a lancé, en souriant des yeux, un regard qui me disait qu’il savait bien que c’était une licorne. Je lui ai alors expliqué que du temps des empereurs chinois, la licorne était le symbole de la sagesse. Il a eu à nouveau le même regard. Ce sont des choses que je ne peux oublier.

Les ados. Je les remercie de me faire confiance. Ici, nous avons un jeune homme et une admiratrice de Xamax.

Parmi les choses qui arrivent à la fête des Vendanges, il y a eu ceci encore :

  • de l’aide. Dimanche, un collaborateur du comité m’a aidée à transporter mes affaires. Christian m’a donné de l’eau pour mes maquillages. Je me suis sentie traitée comme une reine !
  • les remerciements. Je sollicite l’aide d’un bénévole au stand de Xamax pour m’installer dimanche matin et quand je le remercie, il répond : « Avec joie ! ». C’est tellement joli. Je lui dis que grâce à lui, Julien, je vais pouvoir élargir les propositions que je fais aux personnes qui répondent souvent, après les remerciements, « de rien ». Je lui explique que le cerveau de la personne qui répond ainsi enregistre qu’il n’a rien fait et il ne se passe rien. Le personnel de vente, par exemple, qui dit régulièrement « de rien », se sent bien souvent vide à la fin de la journée. En effet, il a enregistré qu’il n’a rien fait alors qu’il y a eu un service rendu. La personne veut dire que ce qu’elle a dit ou fait de lui a pas coûté grand-chose, mais le fait de dire rien fait que le cerveau enregistre ce « rien » et ne fait rien non plus. Alors que dire « Je vous en prie », « Avec plaisir », fait que le cerveau émette des hormones de plaisir, de dopamine, de santé. Maintenant, grâce à Julien, je vais pouvoir ajouter « Avec joie » et c’est tellement joli parce qu’il fait en plus entrer le coeur !
  • le stand de cocktails. Lorsque j’ai rangé mes affaires dimanche soir, je suis passée vers le bar Moka et trois stands avaient une musique assourdissante. J’ai vu un monsieur qui rangeait aussi ses affaires à son stand de cocktails. Je me suis approchée de lui et lui ai demandé pourquoi il n’a pas de musique. Il devait être fatigué parce qu’il a répondu qu’il avait celle des voisins… Nous avons discuté un moment et avant de partir m’a fait cadeau de deux bouteilles où l’on peut mettre une boisson lorsqu’on part en randonnée. Je continue à me sentir comme une reine ;
  • Du pinot blanc et le cyrillique. Lorsque j’étais en train d’effectuer mon dernier trajet avec mes affaires vers la maison, j’ai vu en haut de la rue des Terreaux deux gaillards qui buvaient un verre à côté de deux caisses de vin. Ils attendent le propriétaire des bouteilles. Je ne sais quelle remarque j’ai faite, mais ils m’ont invitée à partager la bouteille avec eux. Je me suis dit que le destin continuait de me faire signe, qu’il fallait célébrer mon droit de cité et j’ai bu du pinot blanc que je n’avais jamais goûté auparavant. Je l’ai trouve bon. L’un des gaillards est bulgare. Je lui ai dit que je connaissais Sofia et Varna et lui ai demandé comment on dit au revoir en bulgare : « довиждане » (dovijdane), répond-t-il. Comme les Bulgarres utilisent le cyrillique, il me demande si je sais qui a l’a inventé. Je dis que c’est un moine, le moine Cyrille. Il ajoute qu’en fait ce sont deux moines, Cyrille et Méthode, son frère, tous deux bulgares. Ah, voilà une belle façon de finir la fête des Vendanges !

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