J’amène une barquette avec des tomates. Je la présente et demande à des élèves de 8 et de 12 ans de me dire ce qu’elles diraient si elles étaient les tomates. Je suis curieuse de savoir comment elles « se vivent » en tant que tomates.
Présentation de toutes les tomates rouges.
Premiers commentaires : Elles ont l’air semblables, mais certaines sont plus rondes, d’autres plus allongées, certaines « grosses dans le ventre ».
Je précise que ce qui m’intéresse ce n’est pas la description, mais ce qu’elles diraient si elles étaient les tomates.
J’ajoute une tomate jaune :
Myriam : cette tomate (jaune) voudrait être comme les autres (rouges).
Fanny : elle est triste.
Sarah : elle est seule.
Zully : Oh ! mais elle se dit qu’elle se sent très bien et qu’elle a plein de place. Elle a de la chance, elle va bien !
Autre présentation : cette fois-ci, les tomates rouges entourent une fraise qui est au milieu
Myriam : Elles voudraient être comme la fraise, elles aiment sa couleur et ses cheveux, elle a de petits cheveux.
Fanny : Elles trouvent rigolo d’avoir une fraise au milieu.
Sarah : C’est drôle d’être en rond, et qu’il y ait une fraise au milieu.
Tilana : Elles sont en colère contre la fraise qui est au milieu et qui prend tant de place alors qu’elles sont toutes serrées.
C’est fascinant d’entendre de tels commentaires. Cela va de soi, ensuite on travaille ces remarques, les émotions, on finit par comprendre qu’être différent n’est pas un problème et que finalement tout le monde a de la place.
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Cela fait… un peu plus d’une année que Zully m’a demandé de faire un dessin de chacune de nous afin de les utiliser lorsqu’elle fait des résumés de nos conversations, échanges verbaux au sujet de ce que je sens, vois, observe, aime, n’aime pas, apprends, comprends, ne comprends pas, fais, ne fais pas, etc., etc., etc.
Zully sait que j’aime dessiner et que je suis passionnée par les mangas. Voilà le pourquoi de ces dessins. Ils permettent aussi de donner un autre ton aux histoires que nous écrivons.
Alors, je vous présente :
L’autre jour, je suis arrivée et lui ai dit « je sais que tu t’intéresses un peu à la langue et j’ai appris que le point sur la lettre « i » s’appelle « iota » !
Au moment de la rédaction de ce « résumé », mon élève a été chargée de raconter au public présent ce qu’elle avait appris. Elle raconte, après quelques explications de ma part, qu’en fait la lettre « i » n’a pas toujours porté un point. Il a été introduit lorsqu’on a commencé à utiliser l’écriture cursive, c’est-à-dire, l’écriture liée parce qu’il était difficile de distinguer un « u » suivi d’un « i » ou si c’était la lettre « m », voire un « n » suivi d’un i ». Bref, il y avait des difficultés et au xie siècle (je sais, les siècles s’écrivent en petites capitales, mais cette plateforme n’en tient pas compte), les copieurs ont décidé de la différencier en lui mettant un signe un peu oblique « í », puis l’imprimerie s’est répandue au xve siècle et le signe a été réduit à un point dans de nombreuses polices de caractères.
Je profite de la situation pour parler du tréma et de l’expression « ne pas bouger d’un iota ». On le sait, cette lettre était tellement petite, la plus petite de l’alphabet grec… qu’il a fallu lui mettre un signe pour la distinguer.
Magnifique !
Le thème étant acquis, on peut passer à autre chose et on danse !
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La série des rencontres particulières n’a concerné jusqu’ici que des personnes que j’ai connues physiquement et avec lesquelles j’ai eu des échanges. Le personnage d’Abraham-Louis Breguet s’est imposé de lui-même. C’est le genre de personne qui m’inspire et qui a toute mon admiration !
Le monde de l’horlogerie est entré dans ma vie de façon inattendue. J’ai voulu rendre hommage à André Oppel, feu mon compagnon, à travers les quelques dessins, catalogues et sigles horlogers qu’il avait faits lorsqu’il avait travaillé dans l’industrie et je me suis prise d’affection pour l’histoire de l’horlogerie qui est l’un des piliers économiques du canton qui m’a adoptée. Je me rends compte que l’horlogerie est devenue une racine puissante dans ma vie. Le nom d’Abraham-Louis Breguet ne m’était pas inconnu, puisque l’une des rues de Neuchâtel porte son nom.
Je ne connais pas la raison pour laquelle le prénom « Abraham » a été réduit à « Abram ». Manque d’espace ? Effectivement, si on ajoute le « H », il y a de la place, mais plus pour le second « A »… Cela me fait penser à une dame que j’ai connue et qui s’appelait « Dieu-de-Belle-Fontaine », elle était fâchée avec le service des impôts, car il y avait bien de la place pour le montant de la somme à payer, mais pas pour mettre son nom en entier ! Ah, les arcanes de l’administration !
Graphie Abram – Abraham : faisant des recherches sur la toile avec l’adresse de la rue ainsi libellée, je trouve trois villes qui portent ce nom en Suisse : Neuchâtel et la Chaux-de-Fonds où c’est l’orthographe ci-dessus qui est utilisée et Le Locle qui est la ville qui se distingue avec la bonne orthographe « Abraham-Louis Breguet » ! À noter que lorsque j’ai fait des recherches dans l’annuaire électronique, certaines institutions et certains habitants figurent dans les deux catégories car leur adresse est « Rue A.-L. Breguet », c’est ingénieux, même diplomatique !
Pour finir avec cette histoire de rues, à Paris on trouve :
L’odonyme (nom propre désignant une voie de communication) utilisé à Paris… selon Wikipédia, c’est en hommage à Abraham-Louis Breguet. On ne peut pas dire qu’on en voit de toutes les couleurs, mais de toutes les orthographes, si ! Celui qui a cru bon de corriger « Breguet » par « Bréguet » a eu tort.
Je viens de trouver une réponse : « Abram » était la graphie en usage à l’époque est c’est cette orthographe qui figure sur l’acte de baptême d’Abraham-Louis Breguet. Voilà une question de résolue. Il en surgit immédiatement une autre : quand a-t-il changé son orthographe ? Elle reste ouverte.
Saut en 2021 : Nous sommes en 2021 et je viens d’apprendre que sur son certificat de baptême, le prénom est, devinez… Abraham. Cela contredit ce qui est écrit dans le paragraphe au-dessus. Bon, on avance, on recule, on verra. Fin du saut et suite de l’article.
Le jour où j’ai remis les documents laissés par André au musée d’Horlogerie des Monts au Locle, j’ai entendu prononcer le nom d’Abraham-Louis Breguet accompagné des inventions qu’il a faites, mon intérêt est immédiatement éveillé.
Je me rends au musée Breguet à Paris, et là, le guide, M. Richard Vassor, va alimenter mon admiration pour le personnage Breguet. Il me donne envie le rencontrer… Pure illusion ? Il y a bien des façons de rencontrer quelqu’un, il n’y a pas que la dimension physique. De plus, je suis toujours convaincue qu’il faut célébrer les gens intelligents, fins, ceux qui apportent quelque chose aux autres et Breguet est un champion !
La première chose que me dit M. Vassor, est que Breguet est l’une des plus anciennes marques horlogères encore en activité. Il ajoute ensuite que le musée est dû à Nicolas Hayek. Ah ? Je connais le Nicolas Hayek de Swatch. Justement, me dit le guide, M. Hayek porte très haut le génie d’Abraham-Louis Breguet, car nul autre horloger n’a fait prospérer autant la branche que lui et sous bien des aspects. On peut le considérer comme le père de l’horlogerie moderne. Je me dis que j’ai eu raison d’être attirée par lui.
Abraham-Louis Breguet est né aux Verrières dans le canton de Neuchâtel, Suisse. C’est quand même étonnant, je n’ai jamais entendu prononcer le nom des Verrières que depuis que je sais que Freddy Landry y est né. Encore une de ces coïncidences dans ma vie. M. Breguet y est donc né en 1747 et quitte ce monde à Paris en 1823. Il fonde, en 1775, sa manufacture à Paris, au Quai de l’Horloge no 39. C’est un endroit que je connais bien, car l’horloge du Palais de Justice, à quelques mètres de là, est la plus ancienne horloge publique de Paris. Je suis même passée devant l’ancienne manufacture sans le savoir.
La liste des inventions et perfectionnements d’A.-L. Breguet est impressionnante. Ce qui m’intéresse ce n’est pas la quantité de ses réussites, mais l’esprit dans lequel il les a faites. C’est un esprit de réflexion, de recherche de solutions pour les clients, d’adaptation aux besoins, le tout accompagné d’astuces techniques en même temps que d’une esthétique qui lui est propre.
À son époque, on est encore dans le baroque, style très chargé pour certains. Quant à moi, j’aime ce style. Les montres de cette période ont donc des aiguilles et des chiffres gros et les décorations ne manquent pas.
Alors, les apports d’Abraham-Louis Breguet :
1. Esthétique : il devient le père de l’esthétique en réunissant simplicité et fonctionnalité. Les aiguilles et chiffres de ses montres seront fins et élégants.
Cette montre a appartenu à James Watt, celui qui révolutionna les transports avec la machine à vapeur ! Je trouve cela fascinant et la montre a l’air tellement moderne…
2. L’art du guillochage : vers 1785-87 Breguet a commencé à utiliser cette façon de faire. Ce sont les petites lignes, figures, qu’il grave d’abord sur les boîtes et ensuite sur le cadran. Le summum c’est de le faire à la main et ainsi chaque montre est unique. L’art perdure jusqu’à nos jours, mais rares sont les artisans à le pratiquer encore.
Ces deux éléments ont amené une révolution dans l’esthétique de l’horlogerie. D’ailleurs, on parlera des « aiguilles Breguet » faites souvent en acier bleu avec, vers la pointe, une pomme évidée, dite pomme excentrée. On parlera également des « chiffres Breguet » du fait de leur finesse. C’est la signature de Breguet !
3. Premier apport technologique, le système à secousses, la montre perpétuelle, la montre automatique : à l’époque on remonte les montres avec une clef et les horlogers cherchaient un autre moyen pour ce faire car le système n’était pas pratique. Si on ne pensait pas à remonter sa montre, si on ne savait où on avait mis la clef, on perdait la notion du temps et pour la retrouver ce n’était pas simple. Breguet est le premier à créer une montre qui se remonte lorsque le porteur de la montre bouge !
Il faut savoir qu’à l’époque on portait les montres en position verticale, dans une poche, Breguet a donc créé un système à secousses qui s’adapte aux mouvements du corps ou au pas de marche de son propriétaire. C’est ce système qui remonte les montres (à compléter, car pas clair… une masse qui tourne à 360° ne sert pas à grand-chose en position verticale. Ici, la masse oscillante est équipée d’un ressort qui la remet en place après le mouvement.)
On l’a compris, il s’agit de la montre dite perpétuelle. Mais, Breguet ne s’attribue ni l’idée ni la dénomination ; il dit que c’est à un moine jésuite allemand du xviie siècle (voir note* en bas de page pour l’écriture des siècles) qu’on les doit. Néanmoins, on n’avait jamais vu une telle montre auparavant !
Ces perfectionnements et inventions vont retenir l’attention du roi et de la reine de France, soit Louis XVI et Marie-Antoinette. L’une sera attirée par le coup de crayon, si l’on peut dire, et l’autre par le côté technique. Les montres Breguet commencent à être à la mode et Breguet fabrique des montres, toutes différentes, pour les têtes couronnées d’Europe et autres personnages importants. On est autour de 1782.
1783. Un admirateur secret commande à Breguet une montre pour Marie-Antoinette. Elle doit contenir toutes les sophistications de l’époque (en horlogerie, on parle de complications). Ce sera le cas. Il n’y avait aucune limite ni de temps ni d’argent. Ce sont des conditions fabuleuses pour quelqu’un ! La montre sera finie en 1827, trois ans après le départ de ce monde d’A.-L. Breguet. Marie-Antoinette ne l’aura pas vue, mais elle avait plusieurs garde-temps de Breguet dont elle était une admiratrice.
Voici un premier échantillon des clients de Breguet :
La reine Marie-Antoinette ;
Le roi Louis XVI ;
George IV ;
Napoléon ;
L’impératrice Joséphine ;
Charles-Maurice de Talleyrand ;
Sélim III, sultan ottoman ;
Maréchal Ney ;
Georges Washington ;
La reine Victoria ;
Après la mort de Breguet les personnalités continuent à se suivre : Giacomo Rossini, Winston Churchill, Arthur Rubinstein, etc.
Le prix des montres varie entre 3 et 7 mille francs or… (à vérifier)
Ci-dessous, le tsar Alexandre Ier, un passionné d’horlogerie et très bon client de Breguet.
Il s’agit d’un podomètre. C’est en fait un compteur militaire. Un métronome donne la mesure musicale, le podomètre donne la cadence du pas des soldats. On est autour de 1820.
4. Pare-chute : système qui protège les mouvements de la montre contre les chocs. Breguet est le premier à y penser ! On est en 1790. En bas du texte, on trouvera une anecdote à ce sujet de même qu’un mot à propos de l’orthographe du mot.
5. Les montres de souscription : la somme va tourner autour de 600 francs or, somme déjà importante, mais possible pour la nouvelle classe sociale. Fonctionnement du système : un acompte à la commande, et le solde à la livraison. Les montres de souscription ont le minimum d’éléments, mais elles sont fiables et précises ; si elles n’ont que l’aiguille des heures, le cadran est grand, très bien fait et l’on peut lire l’heure à une ou deux minutes près ! On est vers 1797. De plus, Breguet a conçu une montre réparable par un horloger moyen, ce qui n’était pas le cas des autres articles qu’il produisait.
C’estcurieux, mais la montre s’accommode très bien d’une seule aiguille. Elle donne l’heure à une ou deux minutes près ! Grâce à son nouveau système de paiement, qui lui a assuré des rentrées d’argent plus fréquentes, Breguet a pu continuer à fabriquer des montres à très grande complication– ces dernières lui demandaient bien plus de temps pour la fabrication.
6. Le tourbillon : c’est un système mécanique qui fait rêver tout passionné d’horlogerie, car il améliore la précision de la mesure du temps en annulant les effets de l’attraction terrestre sur la montre. La montre mécanique a son mouvement perturbé par la gravité terrestre. De plus, les mouvements, les déplacements de la personne qui porte la montre participent au dérèglement. Le système du tourbillon centre la montre, si on peut s’exprimer de la sorte, elle n’est plus perturbée et sa précision est améliorée par un système ingénieux (le mécanisme de la montre est à l’intérieur d’une cage mobile).
C’est l’une des rares fois où Breguet dépose un brevet. On est en 1805. À l’époque, il fallait déposer cinq documents et le Musée Breguet de Paris en a un, écrit de la main du fils Breguet.
7. Les montres à tact : il faut se rappeler qu’aux xviie et xviiie siècles (voir note* en bas de page) , les gens vivent dans la pénombre. De plus, une bougie coûtait une semaine de travail d’un ouvrier ! Même les gens fortunés n’avaient que quelques bougies d’allumées et les amenaient avec eux d’une pièce à l’autre. Alors, Breguet a inventé la montre à tact. D’un côté, il y a l’affichage avec l’aiguille ou les aiguilles et de l’autre une aiguille en relief qui donne l’heure par un système assez ingénieux : on fait glisser l’aiguille qui va se bloquer à l’heure affichée sur l’autre côté. Elle est synchronisée à la montre automatique !
Cette invention facilitait la lecture la nuit. Si on se réveillait et qu’on voulait savoir si on devait se lever ou s’il nous restait du temps pour dormir, on « touchait » la montre. De plus, lorsqu’on avait une réunion et qu’on ne voulait pas sembler indélicat, on glissait la main dans sa poche, on touchait la montre et on était fixé, pour ainsi dire. Voici un exemplaire :
C’est la montre médaillon que Joséphine Bonaparte a achetée à A.-L. Breguet.
L’aiguille est en relief, les diamants sont à la place des heures, midi, trois, six et neuf se signalent par de plus gros diamants, midi diffère par la chaînette. Ce système permet de savoir l’heure par le toucher.
Avoir du tact est une expression. Son origine serait due à la montre inventée par A.-L. Breguet et son sens est celui de respecter les règles de la bienséance de la fin du xviiie siècle, où il était inconvenant de regarder l’heure en société. Je suis comblée ! J’aime le français et si A.-L. Breguet y participe, mon admiration pour lui augmente ! D’ailleurs, au paragraphe 9 on va encore parler de la façon de connaître l’heure sans regarder la montre.
8. Les pendulettes de voyage : c’est aussi une invention de Breguet : jusqu’alors, lorsqu’on voyageait, on prenait sa pendule, on arrêtait le mécanisme et le remontait une fois arrivé à destination ; on retrouvait l’heure chez un voisin ou dans sa montre automatique et on la réglait. Breguet invente une pendulette avec un balancier qu’il n’y a plus besoin de régler. La première pendulette de voyage a été vendue au Général Bonaparte, 1798 ! La date à laquelle Bonaparte est allé à la manufacture est trois semaines avant son départ pour la campagne d’Égypte. C’est le jeune général. Le même jour, il acquiert deux montres de poche. Pour la petite histoire, les femmes, la sœur, les frères, bref, toute la famille de Napoléon sera cliente de la maison Breguet.
Extrait du registre tenu par Abraham-Louis Breguet. On distingue « Général Bonaparte ». C’est la consignation de la vente de l’une des montres mentionnées, celle-ci est à répétition des quarts.
9. Système d’alarme : Breguet perfectionne et adapte à l’utilisateur le système précédent. Dans la vitrine, on voit la montre-bague qui a appartenu au comte Alexandre Demidov, 1832. Non seulement c’est un exploit que de concevoir une montre sur une bague, mais c’est aussi une montre réveil à alarme. Le réglage de l’heure se fait par la couronne à droite, et celui du réveil avec la couronne de gauche. Ce système permettait cu comte de fixer l’alarme à une heure fixe et au moment précis un petit pic s’enfonçait dans le doigt et avertissait son possesseur que le temps était arrivé. C’était très pratique pour les entrevues, les visites. Je me dis qu’encore aujourd’hui ce serait intéressant d’avoir un tel système !
Bague du comte Alexandre Demidov, 1836; (le fond n’est pas uniforme, car la montre se trouve dans son écrin d’origine et je voulais la mettre en valeur). C’est une bague-montre avec des systèmes vraiment extrêmement ingénieux !
Je suis de plus en plus admirative de l’esprit d’Abraham-Louis Breguet. Il s’est réellement demandé comment il pouvait rendre plus simple en même temps que pertinente l’utilisation du garde-temps qu’est la montre. C’est certain qu’il n’a pas seulement appliqué ce que ses prédécesseurs ont inventé, créé, introduit, mais qu’il va aussi prendre chaque élément de la montre et l’amener à une certaine perfection. La preuve, dans certaines montres mécaniques d’aujourd’hui, il y a encore des inventions et perfectionnements introduits par Breguet il y a plus de 200 ans ! Comme déjà dit, pour les montres de souscription, par exemple, les éléments qui la composent sont simples à mettre et à enlever, ce qui fait que si la montre tombe en panne, un horloger moyen, et pas seulement dans sa manufacture, peut facilement la réparer. Breguet a pensé à tout !
10. M. Vassor est passionné par son métier, cela se sent. En l’entendant discourir sur la montre, je comprends que si l’on porte des vêtements, des bijoux et la montre, il y a quand même une différence avec la dernière. Les habits on les change, les bijoux, on oublie même qu’on les porte, la montre on la porte, on la consulte, on l’utilise presque tout au long de la journée ! C’est un objet personnel. Une preuve : Madame Joséphine Bonaparte a commandé une montre en 1800 et lorsqu’elle devient impératrice, elle retourne à la manufacture pour ajuster la taille des diamants. C’était sa montre et ce sera sa montre ! Ensuite, elle la fera personnaliser pour sa fille, Hortense de Beauharnais – qui devient reine des Pays-Bas – en y faisant incruster un H en diamants. Il s’agit de la montre médaillon vue plus haut.
11. Première montre bracelet : c’est encore Breguet qui l’invente pour la sœur de Napoléon, Caroline Bonaparte, qui devient reine consort de Naples. Dans les archives, elle figure comme « montre de bracelet à répétition », « à répétition » voulant dire qu’elle chante l’heure. Dans les registres elle figure ainsi : « Montre de forme oblongue à répétition sur bracelet d’or et de cheveux ». Elle a été vendue en 1810. C’est tout simplement fabuleux de penser à la naissance de cette forme de montre !
On arrive aux montres compliquées (dans le vocabulaire d’A.-L. Breguet) : ce sont des montres à répétition à la demande. C’est-à-dire qu’on a un poussoir sur lequel on appuie et qui va déclencher la sonnerie de l’heure, au quart d’heure ou à la minute près. Et pourtant, extérieurement, ces montres sont aussi esthétiquement épurées que les autres ! En fait, Breguet a déjà inventé, 1783, le ressort-timbre qui remplacera le timbre ou cloche sur les montres. Ce qui a permis de diminuer l’épaisseur des montres à sonnerie. Il perfectionnera le système jusqu’à donner les heures, les quarts et la seconde après le dernier quart. Les autres horlogers vont le suivre.
12. Chronomètre de marine : c’est Louis XVIII qui nomme Breguet « Horloger de la Marine ». À l’époque un pays fort a une marine forte pour le commerce et les guerres. Avant l’invention du GPS il y a le chronomètre de marine qui permet de savoir où le bateau se trouve sur une carte. Si un navire peut calculer sa position au milieu de l’océan du nord au sud grâce à la position des étoiles et du Soleil, il ne peut le faire de l’ouest à l’est. Dans le domaine du chronomètre, Breguet apporte aussi des innovations aux mécanismes. Il invente le chronomètre à double barillet. Je suppose que les experts savent ce que cela veut dire. On est en 1815, mais Breguet avait déjà construit des chronomètres pour la marine espagnole. La collaboration avec la marine française va durer trois générations.
Le GPS et les téléphones portables d’aujourd’hui font le point de la distance entre trois satellites différents autour de la Terre et c’est grâce à la différence des temps que l’on saura le temps qu’on vit et à quel endroit on est localisé.
1823 décès d’Abraham-Louis Breguet. Mais sa manufacture continuera d’exister pendant près de trois générations dans la famille. En 1870, l’horlogerie change : on sait fabriquer des montres précises et de qualité en plus grand nombre. C’est aussi l’époque de l’électricité et le fils de Breguet va s’y intéresser. C’est également l’époque du télégraphe, du téléphone. Ensuite, Louis-François-Clément, petit-fils, cède la manufacture à son chef d’atelier Edward Brown. La maison Breguet reste chez les Brown pendant près de 100 ans, soit jusque vers 1970. On doit à cette famille le fait que l’entreprise ait survécu à la première guerre mondiale, à la crise de 1929, à la seconde guerre mondiale. Pas facile du tout. Chose formidable, la famille a aussi continué d’alimenter les archives. S’en suivent deux autres investisseurs avant d’arriver en 1999 dans le giron de Swatch Group par Nicolas Hayek.
Après le décès du fondateur de la manufacture, on continue de voir les descendants et alliés jouer un grand rôle dans les changements technologiques.
Horlogerie, télégraphie, téléphonie, aviation : ce sont les domaines où ils brillent. Le fils Antoine Louis a inventé la première montre à remontoir sans clef, le petit-fils Louis-François Clément, celui qui a vendu l’entreprise, est intéressé par l’électricité, l’arrière-petit fils, Antoine Breguet se rend célèbre avec la dynamo électrique et le téléphone. Le premier appel téléphonique fait en France s’est fait entre le 1er et le 3e étage au 39 Quai de l’Horloge ! Ce n’est pas rien ; et Louis-Charles Breguet, fils d’Antoine, est l’ingénieur du premier hélicoptère volant en 1907 (il a alors 27 ans) ! il est aussi le fondateur de la « Compagnie des messageries aériennes », origine d’ « Air France » dont il est aussi le fondateur !
J’en reviens à Abraham-Louis Breguet, car c’est lui qui m’intéresse. Je le trouve fascinant et je crois bien que j’envie un peu M. Richard Vassor de travailler dans un endroit si plein d’histoire et d’êtres qui ont marqué le monde. Je trouve qu’il n’y a rien de plus remarquable que de participer à l’agrément de la vie des autres. On le fait tous, mais certains plus que d’autres. Je salue particulièrement Louis-Abraham Breguet !
Notes :
comment ces différents garde-temps sont-ils arrivées au musée ? C’est Nicolas Hayek et sa famille qui se les sont procurés lors de ventes aux enchères. On les remercie pour cette magnifique action ;
toutes les montres du musée ont été conçues par des Breguet, sauf une, par la famille Brown. L’armée française avait lancé un appel d’offres au sujet d’une montre pour ses pilotes. Breguet l’emporte ! Heureusement que les Brown ont gardé le nom Breguet. Ils sont ses dignes successeurs ;
les montres produites par Breguet portent toutes une signature et un numéro. Ce numéro figure dans les archives Breguet où on trouve également le nom du propriétaire, les spécificités de la montre, la date de fabrication et d’achat. Les archives remontent au xviiie (voir note* en bas de page) siècle et le musée de Paris en est très fier ;
Breguet n’a jamais fait deux montres pareilles. L’une de celles que j’ai vues a les phases de la lune, c’est la montre personnelle de Marie-Louise, la seconde femme de Napoléon ;
Breguet ne garde pas toutes ses inventions et améliorations pour lui, il les transmet à ses élèves et collaborateurs. Il était convaincu qu’on ne pouvait avancer que par l’échange !
l’anecdote au sujet du système de protection des montres lors d’une chute : Abraham-Louis Breguet se trouvait en visite chez Talleyrand et parle de son système. Afin de prouver ce qu’il dit, il lance sa montre au sol et Talleyrand dit : « Ce diable de Breguet veut toujours faire autrement que mieux ! »
le mot pare-chute n’apparaît pas dans mes dictionnaires. Le plus fiable est celui d’Alain Rey. Il parle de « parachute », construit selon la logique du « parapluie » et qu’il fait remonter à 1784 ; quant au mécanisme horloger il le situe en 1832, soit après la mort d’Abraham-Louis Breguet. Cela va sans dire, je pense qu’A.-L. Breguet a raison car il fait appel au verbe « parer », tout comme on dit « pare-feu » ou « pare-brise », c’est un mécanisme qui protège des chutes, donc « pare-chute ». Je vais faire une recherche et me dis que j’ai un rôle à jouer ici grâce à Breguet ! Décidément, mon intuition et intérêt pour lui sont plus que justifiés ;
Note* liée à l’écriture des siècles. En français, les siècles s’écrivent en petites capitales, or le logiciel de cette plateforme ne connaît pas ce bas de casse. J’ai pensé contourner l’obstacle en faisant un copier-coller à partir de Word – qui, lui, reconnaît les petites capitales, mais une fois le siècle collé, les I en petite capitale sont devenues de « i ». Je me suis dit qu’en PDF l’affaire serait résolue… Même résultat, dommage !
Comme je le disais au début, il faut célébrer les gens qui ont contribué à améliorer notre vie et c’est le cas d’Abraham-Louis Breguet. Il ne me reste plus qu’à montrer le bâtiment de la manufacture où j’ai eu le privilège d’entrer et d’aller m’assoir au salon, d’y passer des moments inoubliables avec l’une de ses descendantes. Tout cela me donne l’impression que l’esprit de M. Breguet est derrière une porte que je ne vois pas mais que je sens.
On voit les fenêtres allumées, on dirait qu’A.-L. Breguet est à son établi en train de penser à l’une de ses inventions !
Je publie cet article un 1er mars, jour de l’indépendance de la République et canton de Neuchâtel. Jour qu’Abraham-Louis Breguet aurait célébré avec joie s’il avait été de ce monde en 1848, tellement il était un être indépendant. Être indépendant, ingénieux, apporter des innovations nourrissantes, c’est magnifique !
Dans le temps que je vis, j’ai la chance de pouvoir revoir des endroits. Je suis donc retournée au musée Breguet et M. Vassor m’a à nouveau accueillie avec son enthousiasme communicant. J’ai donc maintenant une photo du garde-temps d’Antoine Louis Breguet, le fils d’Abraham-Louis Breguet. Montre fabriquée entre 1804 et 1817. Il est indiqué que c’est un garde-temps expérimental, mais c’était aussi sa montre personnelle. Le fils devait avoir entre 30 et 40 ans.
Je suis très reconnaissante à M. Vassor pour ses explications et je le remercie de m’avoir permis de faire des photos des pièces du musée.
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