Fête de la danse – Neuchâtel.2023

Samedi : jour de cours, dimanche : spectacle.

La vie sociale semble reprendre son cours après la période de la pandémie. Cette fois-ci, je donne deux cours.

Quelle chance ! ils ont lieu, une fois de plus, au théâtre du Passage qui se prête toujours à l’exercice. En cliquant sur le cours vous avez le descriptif :

Mes cours. Je suis toujours fascinée par ce que les participants apportent. Dans mes cours, comme dans toute chose, il y a une recette, des règles, un apprentissage et après, c’est cet « après » qui est intéressant, c’est ce que les gens en font. Cela n’a pas manqué lors de cette série et tour à tour les participants disent lors du cours sur la valse :

  1. J’aime guider, contrôler, je ne peux pas me laisser aller ;
  2. Même chose pour moi ;
  3. Je n’ai jamais pu danser la valse, cela me donne le tournis, même voir les danseurs tourner me donne le tournis.
    • Et les trajets en train dans le sens contraire de la marche ?
  4. Pas possible.
    • Vous avez un point que vous pourriez masser dans votre main et cela devrait mieux aller. Le jour où ce point ne fait plus mal, le sympôme n’est plus là. Tant que cela fait mal, il faut continuer. Je lui montre et les autres participants approchent leur main pour que je le leur indique. C’est le signe qu’on forme vraiment un groupe. Je suis touchée.
      • Et on commence.

J’explique les principes que l’on va appliquer, on s’exerce en musique et deux personnes qui dansent ensemble bougent les jambes de la même façon. Je leur demande s’ils sont ensemble seulement pour le cours ou si c’est plus. « C’est plus ! » disent-ils. Je leur dis qu’ils sont bien assortis parce qu’ils font le premier pas d’une certaine façon ! Tout le monde rigole. Je leur explique qu’à ce moment-là, il faudrait déposer le poids du corps avec le genou plié.

Pour l’un des partenaires c’est allé tout seul et pour l’autre, cela a pris un peu de temps. J’explique que nous sommes tous différents (je sais, on est tous égaux, mais en traitement) et donc avons nos propres ressources, plus ou moins prononcées et que selon les besoins on les développe. Nous avons tous un parcours différent.

Le principe masculin et le principe féminin. Il n’est pas figé, une fois nous sommes le principe masculin qui guide et une fois le principe fémini qui se laisse guider, c’est à tour de rôle. Une fois l’explication donnée et des exemples fournis, j’entends au propre et au figuré un « ouf ! » de soulagement, de plaisir d’exister. Là, je me dis que j’ai donné mon cours.

Exemples de partenaires de valse, de couples. Je donne une feuille à chaque participant et lui demande d’écrire des exemples de couples. L’un des participants dit : « Je suis venu danser, je ne m’étais pas préparé à écrire. » Je lui dis que c’est justement la valse de la vie, il faut faire avec. Voici quelques-uns de ces couples :

La taille du « Moi » est relative, il ne faut pas tirer des conclusions hâtives.

Autre version :

La présentation est bien différente.

La valse est présente dans les deux cas ! Pour en savoir plus, il faudait assister à un atelier. Ce cours, je le destine à des entreprises, associations, groupes, voire à des fêtes de famille.

Le cours a lieu plus tard, c’est une évidence, mais c’est un samedi, en plus, c’est le week-end de la fête des mères, et les gens prennent leur temps pour ce qu’ils ont à faire. J’ai plus de participants et cette fois-ci, il n’y a pas d’homme.

Chose curieuse : aucune des participantes ne se connaît et pourtant il y en a trois liées à l’ethnologie. Ici aussi, j’explique la recette et on danse sur des poèmes inspirés des haïkus.

Le mouvement et la personne. Chaque mouvement est révélateur de la personne. Personne ne doit se sentir mal à l’aise en bougeant en musique. Je suis là pour aider les gens à vivre leur corps en entier. J’ai peu de temps, 45 minutes, c’est un peu court pour entrer dans le monde des autres. Néanmoins, je réussis à faire prendre conscience que les mouvements ne vont pas jusqu’au bout des doigs, que le tronc ne bouge pas, que les pieds sont inactifs, etc. À la fin du cours, j’ai demandé aux participantes si chacune partait avec quelque chose. La réponse a été oui. Quelle chance pour moi ! On n’arrive pas toujors a entrer en communication avec les autres.

Images, mouvements : à un moment donné, dans l’un des haïkus présentés, un nuage apparaît. Certaines participantes l’ont vu, suivi du regard et vu disparaître, une’autre était ce nuage un peu enveloppant, une autre encore s’est mise dans un coin et attendu qu’il passe et une autre l’a vu gris, comme une barre, elle l’a pris et s’en est occupée.

Commentaire. Je ne cesse de le répéter : en danse classique, il n’y a qu’une seule façon de faire un pas, les autres sont fausses ; dans d’autres disciplines il y a autant de personnes que de façons de vivre les choses. On le voit très bien dans le paragraphe précédent. Le plus important est de le savoir et de savoir où l’on en est. C’est ainsi que l’on a fait un exercice, le même pour toutes les participantes et que leurs ressentis ont bien différé. Ils étaient tous « justes », pas un n’était faux. C’est perturbant mais c’est ainsi. C’est un peu comme la mesure du temps, à Neuchâtel il est 15 h 27, à Irkoutsk il est 9 h 27, à Chicago 22 h 27 et à Hoululu c’est déjà le lendemain, 3 h 27 !

On a fini par :

Images :

  • Les fleurs en folie était pour toutes les participantes, sans exception, le printemps ;
  • Le désordre a été pour certaines la façon dont ce printemps pousse et pour deux le désordre à la maison ;
  • La fête a été en général la joie.

On n’a pas eu le temps d’entrer en profondeur dans les sujets et images, mais le principal : « vivre avec le corps, soit avec les mains, les bras, le tronc, la tête, les jambes et les pieds » a été compris. Là aussi, j’ai donné mon cours.

On est dimanche

Dix minutes. C’est le temps qui m’est imparti. J’ai choisi de présenter trois solos. Un solo dansé ne peut être trop long et comme j’en avais deux qui se suivaient, il fallait penser à un costume qui pouvait aller pour les deux danses. J’ai trouvé une solution. Pour la troisième, les organisateurs me permettent de passer en deux fois, soit après une ou deux autres écoles, c’est en fonction du style. C’est parfait.

Je me suis préparée en conséquence. Surprise toutefois, parce que le premier groupe est absent et je passe en premier. Heureusement que j’étais prête. C’est la vie et je joue le jeu. Tout se passe bien, je preésente deux danses qui sont de la danse-théâtre. Cela fait un moment que je fais une conversion de mes spectacles. Quant à la dernière danse, l’Adagio d’Albinoni, j’ai regardé dans ma collection de costumes et ressorti un costume de l’Opéra de Bucarest. Là, j’ai eu besoin de l’aide du ciel, comme on dit.

Ces temps-ci ont été passablement « pas en folie » et « pas en désordre » pour reprendre le poème du haut, mais inattendus. J’ai aidé un ami qui a créé sa propre montre à l’exposer à la foire de Genève. J’ai donc appris comment fonctionne une montre et préparé des textes dans les sept langues que je parle. Puis, j’ai appris la fermeture du magasin de pêche le plus ancien de toute la Suisse, Au Pêcheur, et deux connaissances ont décidé d’aller dans un jardin plus lumineux que celui de notre monde. Ce sont quand même trois départs que je dois vivre. Le magasin de pêche appartenait à Denis Demange, un homme que je trouve remarquable et qui vit la chose de façon hors du commun. Il est dans le thème tant de la valse que dans celui de l’atelier. Je lui donne un coup de main et me dis que l’inspiration pour la danse viendra au bon moment. Puis, c’est Christine Martin, horticultrice à Saint-Aubin, celle par laquelle j’en suis venue à mieux connaître les planges qui habitent mon balcon. Je ne pouvais faire autrement que d’aller lui dire un dernier aurevoir terrestre et assister à la cérémonie. Je me suis dit que l’inspiration allait venir. Et le miracle a eu lieu ! J’étais au temple de Saint-Aubin et tout à coup c’est « mon » morceau, l’adagio, qui est joué et, tenez-vous bien, dans la version raccourcie que je me suis arrangée ! Christine s’est dit « Je suis sûre que Zully va venir à l’église et je vais lui donner un coup de main ! ». Dans mon monde, c’est ce que je me dis.

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Au Pêcheur – fin d’un commerce.

Ce n’est pas seulement un commerce, un simple commerce qui ferme, c’est le plus ancien magasin de pêche de Suisse qui s’en va. Il met un terme à ses activités tout comme une série dautres établissements commerciaux qui viennent de fermer leurs portes à Neuchâtel, C’est triste. Ma ville se désagrège, se dissout…

Dès que j’ai su la mauvaise nouvelle, je suis allée voir le patron, Denis Demange, pour lui dire que je désirais être à ses côtés et lui donner un coup de main ; je lui ai dit que je voulais représenter le Neuchâtel d’autrefois, celui où les valeurs d’autrefois prévalaient, qu’il fallait toujours garder la tête haute quoi qu’il arrive dans la vie et que nous allions fêter la chose avec une bouteille de Mauler rosé. Une fois ma tirade finie, je me suis dit qu’il avait le droit de penser différemment, mais, j’ai eu de la chance, il m’a dit que c’est bien ainsi qu‘il agissait et que ce serait avec plaisir avec, cependant, une condition : il fallait se tutoyer. Comme c’est joli !

La fin mais aussi le début. On le sait, chaque chose a une naissance, un développement, une fin et la fin engendre un nouveau cycle. C’est le cycle d’engendrement dont parlent les Chinois. Le fait de savoir que le cycle existe apporte-t-il une consolation, une certitude que les choses vont s’arranger ? En tous les cas, Denis me dit qu’il y a eu quelques étapes un peu compliquées mais qui ont trouvé des solutions et il a fêté chaque solution. On est du même monde et c’est magnifique. On voit sur la photo que la bouteille de Mauler repose sur une nappe à l’image de Paris. Je lui dis que pour moi Paris n’est jamais loin lorsque je fête quelque chose et il me dit qu’il aime aussi cette ville.

Mars 2021, c’est à ce moment-là que j’ai écrit mon premier article sur lui. Je n’ai pas pensé que j’allais vivre la fin du magasin.

Les raisons ? Il y a tout une chaîne de causes : la covid, une crue du lac qui l’a rendu impossible à la navigation, puis pas assez d’eau, encore une bactérie et une politique qui supprime les places de parc en ville. Cela fait des années que la tendance a commencé et que des amis me disent qu’ils ne viennent plus à Neuchâtel parce qu’il est très difficile de se parquer. Maintenant, on vient de supprimer les places de parc près de la gare ; à croire que seuls les jeunes en short et sac à dos voyagent. J’exagère… Cet article, ni aucun des miens d’ailleurs, n’est pas le lieu d’une polémique, je ne fais que dire ce que tant de personnes constatent : ma ville se désagrège, se dissout, le paysage commercial disparaît. À cela s’ajoute le fait que les grands centres commerciaux et Internet vendent des articles à bas prix et que souvent le personnel a une connaissance très limitée des articles qu’il vend. Au début des années 2000, l’opticien Luther me disait : « Les gens viennent se renseigner chez moi, se faire faire des examens et ensuite vont acheter dans la filiale de la chaîne X (pas besoin de leur faire de la réclame ici !). Ils ne viennent acheter que dans des cas difficiles. » Denis me dit que tout dernièrement deux clients, et ce ne sont pas les seuls, sont allés chez lui avec deux cannes à pêche achetées dans un de ces centres et lui ont demandé de la leur monter. Ils lui ont aussi expliqué que puisque c’était leur premier achat, ils ne voulaient pas trop dépenser. Denis leur a demandé leur profession. : « Ingénieurs chez Y » fut la réponse. Il n’y a rien à ajouter mais la tristesse m’envahit en l’entendant m’égrener les raisons de la fermeture de son magasin. Je lui ai demandé si son service de monteur de cannes à pêche avait été payé : « Non, je suis un passionné ! » Là non plus il n’y a rien à ajouter.

À propos de la filiale de la chaîne X, Denis me dit qu’en Suisse allemande la chaîne ne marche pas parce que les gens tiennent à leurs magasins locaux. J’admire !

Denis me raconte : « Dans mon magasin il y avait des personnes seules qui venaient non seulement pour acheter, mais aussi pour se confier. Je me demande ce qu’elles vont devenir ». Je dois dire que c’est une sorte de révélation pour moi. Je n’ai pas pensé qu’un commerce comme le sien s’y prêtait. J’en prends pour mon grade. J’ai eu ce genre de relation avec les commerçants d’il y a quelques années. Aujourd’hui, je les compte sur les doigts d’une main. Une relation entre le commerçant et le client est aussi empreinte d’amitié, de compréhension, on se rend aussi des services non monétaires . Les commerçants locaux sont remplacés par des filiales de gros commerces. C’est une partie de l’âme de la ville qui s’en va.

Pour le moment me voilà apprentie en inventaire d’articles de pêche, de nettoyage et de démontage de meubles ! J’aime l’apprentissage de toute sorte de métiers et, surtout, j’aime rendre service. Cette fois, je suis bien tombée, Denis est un patron en or : il a quelque chose en commun avec feus MM. Schneitter, le droguiste, et Vautravers, commerçant en articles ménagers : un certain sens de l’humour mais aussi le respect des articles mis en vente. J’avais déjà remarqué un sens très prononcé de l’ordre, du classement chez Denis. Cela se vérifie en cette fin de vie commerciale. Le plaisir que j’ai de l’accompagner en cette période est en plus enrichi à bien des égards : voir une personne mettre fin, par obligation, à une activité qui date de 1882, de façon élégante est une belle leçon. Denis a le sens du devoir, il aime et respecte ce qu’il fait, il est même méticuleux. Il me rend meilleure et c’est un délice. Je parle d’apprentissage non seulement parce que c’est mon sentiment, mais aussi parce qu’à un moment donné, je devais aller dans mon studio de danse chercher les flûtes à champagne et juste avant de fermer la porte, il me dit : « Tu as les clefs ? ». C’est bien le patron qui parle à l’apprentie !

Apprentissage chez Denis. On a commencé par prendre les différents articles, les cataloguer et les photographier. Puis, on a simplifié et on a fait des cartons spécifiques. Je peux dire que j’ai vu l’ordre régner à toutes les étapes. Fascinant !

Son père. J’aime ma ville et ceux qui l’ont construite. Le père de Denis, Christian Demange, en fait partie ; cela fait que j’ai une affection particulière pour lui. Je le dis souvent, nous ne sommes rien sans les autres, et surtout sans les précédents. Alors, la fin de l’enseigne doit marquer Denis. Il me dit que c’est le cas et qu’à un moment donné, il est allé parler à son père sur sa tombe. La semaine qui a suivi lui a apporté les solutions pour son magasin. Je trouve cela magnifique et suis traversée par une onde vibratoire au moment où il me le dit. On trinque à la santé de son père ! Lorsque Denis prend un objet qu’il ne va plus vendre pour le mettre dans la caisse qui sera débarrassée, il m’arrive bien souvent de reprendre l’objet et de dire « Mmmm ! cela peut servir ». et Denis de commenter : « J’ai l’impression d’entendre mon père ! »

« Cela peut servir » était donc l’une des phrases de M. Christian Demange. C’est aussi la mienne. Elle est plus fréquente chez ceux qui ont vécu la guerre ou qui ont vécu dans des pays où il n’y a pas tout. C’est ainsi que je récupère un certain nombre de choses chez Denis. « Tu vas faire quoi avec ? » me demande-t-il. Je n’ai pas toujours une réponse claire, parfois je trouve l’objet beau, parfois c’est pour compléter ce que j’ai, parfois j’ai l’impression que l’objet me dit de le prendre ; alors, je prends. Denis me dit : « Tu vas avoir tout mon magasin chez toi ! » Il exagère, bien sûr.

Attitude remarquable. Il a trouvé un repreneur qui lui dit qu’il peut vider le magasin de la marchandise et de ne pas s’occuper du reste ; puis, il se ravise et lui dit que ce serait bien d’enlever encore ceci et encore plus tard qu’il vaudrait mieux ne rien laisser. Denis avait déjà fait son plan de travail. Mais, il est un gentleman. Il aurait pu dire que l’accord avait été conclu d’une certaine façon. Il n’a rien dit, il s’est exécuté et j’ai trouvé cette attitude remarquable. Chapeau !

Dernier jour ouvrable de la semaine. Les circonstances de la vie on fait que je n’ai pu « aller au travail » que de 15 h à 16 h. Denis avait un rendez-vous après. Il avait préparé mes taches. C’était du nettoyage. Il avait tout calculé et j’arrive à faire ce qu’il fallait. Au moment de partir, le ciel envoie une belle averse. « 

  • Tu sais pourquoi il pleut ? demandé-je à Denis. C’est que le ciel a vu que je n’ai pas eu le temps d’arroser les plantes de mon balcon et s’est dit qu’il allait me donner un coup de main.
  • Tu as un parapluie ?
  • Non, j’ai toujours des paquets et ne saurais où le mettre.
  • Tu ne vas pas partir ainsi. Tiens ! il reste une veste de pêcheur. C’est juste ta taille.
    • Je ne l’avais pas vue et même jamais pensé en porter une fois. Je lui dis qu’il pourrait la vendre. Il m’écoute, regarde par la vitrine et me tend la veste.

Découverte dans le démontage. Je trouve des traces de l’écriture de son père et peut-être des anciens propriétaires sur des étiquettes et les meubles. Je suis touchée. Je trouve même une annonce « Maidenform » collée à un arrière panneau. C’est la marque des soutien-gorge que ma mère a portés bien des années plus tard. Mon Dieu, que cela fait remonter des souvenirs ! Je dis à Denis qu’elle doit dater des années 1930, au moment où la boutique vendait des habits aussi (cf. l’autre article sur le magasin). Je me dis qu’il y a une porte temporelle que je pourrais ouvrir pour revivre ce temps qui me semble tout proche.

Le dernier ticket de caisse : c’est le mien ! Un ou deux jours avant que Denis ne ferme son magasin, je lui ai dit que je désirais acheter un couteau (inutile de lui dire « un bon couteau » parce qu’il ne vend que de la bonne marchandise) et que je lui demandais que ce soit sa dernière vente. Il s’est exécuté. Voici les deux objets.

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C’est donc le dernier ticket de la lignée qui a commencé en 1882. Je me sens liée à l’histoire. Il a été imprimé le 29.04.2023 à 16 h 15, le prix est en francs suisses et en euros. Le verso du ticket indique combien Denis est soucieux de son environnement.

Dernier article vendu. J’ai donc demandé à Denis de me choisir un couteau. Il me choisit un Opinel. J’ai de la chance, Opinel est une excellente marque française. L’entreprise fait ses premiers pas en 1800, Joseph Opinel invente son premier couteau en 1927 et la firme a une reconnaissance mondiale. Je suis, je l’ai déjà dit, dans l’histoire. De plus, je suis très sensible au français et viens d’apprendre que Larousse a inclus dans son dictionnaire opinel, en même temps que bic, frigidaire et solex. Larousse va parfois trop vite dans certaines acceptions, mais là, il s’agit d’une reconnaissance historique.

Inventaire et démontage en images :

En réalité… j’ai reçu trois fois cette quantité. J’ai aussi reçu des sortes de perles que je vais partager avec les filles de mes amies. Inutile de dire que je suis de toutes les générations !

Denis me dit que c’est la date de naissance de son père.

Ordre et élégance chez Denis. Denis a enlevé les tiroirs des meubles, les a rangés dans sa vitrine afin de faciliter le travail de la personne qui les avait achetés. Plusieurs choses dans cette photo : de l’ordre, du respect pour les meubles, et de l’élégance parce qu’il se met à la place des personnes qui vont charger les meubles et leur allège la charge. C’est le portrait de Denis. Je répète : toutes les étapes ont été sous le règne de l’ordre et de la propreté. Cela a été comme une danse.

Chaque tiroir numéroté. Tout est parfait, mais au moment du déménagement des meubles, on n’a pas le temps de chercher lequel va où et Denis dit que tous les tiroirs vont partout. C’est réellement le cas. Je me dis qu’avec les meubles actuels… Vous avez raison, dit l’acheteur, on ne peut même pas le bouger de la place où on les a montés. Une nouvelle fois je suis émerveillée par le travail fait. Ces meubles ont servi des années et des années et sont toujours en bon état.

« Bonne nouvelle vie ! » a été la phrase de Denis aux meubles en les touchant au moment où la remorque s’en allait avec eux. C’est tout simplement beau.

Ce que l’aventure m’a apporté. Je me dis que je ne m’étais pas trompée en écrivant le premier article sur le personnage et le fait de le connaître mieux me fait l’admirer pour son attitude si élégante face à des inconvénients. J’aime aussi l’ordre, les choses mises en évidence, les beaux rangements, mais de voir travailler Denis me fait aller plus loin. Je ne saurais l’expliciter, je le vis. Je lui suis reconnaissante de m’avoir permis de vivre cette fin de vie commerciale et historique. C’est un fait pour moi. On a aussi bien rigolé parce que, comme déjà aussi dit, il a un certain sens de l’humour. J’ai appris à mieux manier certains outils, j’ai pu apporter une fois ou l’autre mon concours et une fois ou l’autre ses observations m’ont bien nourrie. Cela fait maintenant partie de moi. J’ai grandi et me sens meilleure. À un moment donné, il m’a confié une tâche en me disant qu’il avait bien pensé que j’allais aimer la faire. C’est vrai, j’aime le travail manuel. C’était à la fin du sixième jour de travail :

  • Demain, il ne restera que quelques affaires à liquider et à trouver quelle clef va dans quelle porte.
  • Magnifique, ce sera la danse des clefs !
  • Toi, tu aimes tout faire !
  • Oui, pour entrer en communication avec quelqu’un, il faut avoir la bonne clef, c’est comme une porte. Tout n’est que symbole dans cette vie…
    • Et on a ri avec l’âme parce que la vie peut être tellement simple !

Célébrations variées. Comme je le dis au début de cet article, il faut toujours garder la tête haute et fêter les choses. Alors, le premier jour de travail commun, nous l’avons fêté avec du Mauler rosé, le deuxième avec un autre genre de rosé, du jus de d’oranges rosées, le troisième avec des gâteaux d’une amie qui partait au ciel, le quatrième avec l’amitié tout court parce que c’est mon jour de jeûne, le cinquième avec du silence afin de ne pas déranger les voisins avec le chargement de la remorque qui emportait les meubles, le sixième avec un sentiment d’exaltation parce que l’on avait accompli un très grand travail, chose qui à un certain moment était apparue impossible et septième et dernier jour avec le sentiment du devoir accompli (ne pas oublier que Denis a fait plus qu’il n’avait été convenu, mais lui se dit qu’il a ainsi le sentiment d’avoir achevé son travail) et, bien sûr, du Mauler rosé. On le voit le cycle se termine comme il avait commencé et c’est signe du départ d’un nouveau cycle.

Voilà la table improvisée sur la vitrine où le Mauler rosé règne sur un fond parisien.

Ouverture du Mauler. Normalement, j’ouvre les bouteilles. Le premier jour, je n’ai pas réussi. C’est bien la première fois et j’ai dû céder la chose à Denis. Cette fois-ci, je me dis que je dois réussir. Cela prend du temps et il dit :

  • Faut pas avoir soif !
    • Dieu sait la tête que je fais, et il ajoute :
  • Faut pas être dans le désert !
    • Je n’en ai cure, réussis à ouvrir la bouteille et là on éclate de rire. C’est cela passer du temps avec lui.

Le fait de participer à toute cette aventure me fait me sentir partie prenante de l’histoire et sens une nouvelle racine pousser pour aller rejoindre l’année où le magasin a été créé. Je la laisse aller plus loin, volontairement, parce que ceux qui étaient vivants en 1882 avaient leurs propres racines et qu’elles se lient aux miennes.

Solutions, c’est le mot de la fin. On rejoint le premier paragraphe, celui où Denis dit qu’il a fêté chaque solution qui lui est apparue. C’est magnifique. On ne peut que lui souhaiter bon vent !

Le plaisir. Bon, cette fois c’est le dernier mot et il se nomme « plaisir ». Le plaisir est un sentiment qui devrait nous accompagner tout le temps. Je le répète à tous mes élèves. À Denis, il n’y a pas besoin de le dire parce qu’il le dit lui-même : quand on a du plaisir, tout va tout seul. Comme il a souvent du plaisir, je l’imagine s’en aller dans la vie dans le bateau du plaisir.

Lien vers le site temporaire de Denis où vous pourrez acheter des articles pour la pêche : aupecheur.ch.

Liens vers des articles sur le commerce au centre-ville ou des personnalités de la ville :

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Spectacle.