Photos de Knut

Knut est le photographe de l’école, c’est officiel. Il fait, par ailleurs, d’autres photos qui me comblent. Ce sont de vrais tableaux ! En voici un échantillon :

On se dirait dans un conte de fées.

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Histoire d’une bise et Jacques de Montmollin

Cette histoire est aussi une suite de celles de l’Entreprise horlogère Froidevaux S.A et de « Une montre parmi les affaires d’André ». ce qui fait que Jack est de la partie. C’est lui qui m’informe que Jacques de Montmollin se trouve au foyer de l' »Armée du Salut ». C’est fabuleux car c’est à Neuchâtel même et je vivais avec un sentiment de déception de n’avoir pas pu parler avec Jacques avant que lui ou moi ne quitte ce monde ! J’avais entendu dire qu’il ne voulait voir personne, mais je me suis dit que j’allais tenter le coup. J’y suis allée et cela s’est bien, très bien passé. Quelle chance !

Ma vie a été longtemps une suite d’événements enchaînés les uns aux autres. Jamais de façon consciente, tout simplement les choses se suivaient les unes les autres ou ouvraient des portes par-ci et par-là. Puis est venue une drôle de période où j’ai vu mon champ se retrécir. Depuis un bon moment, les choses reprennent vie, un cours, comme avant.

L' »Armée du Salut ». J’avais une jolie relation avec l’une des directrices précédentes, Heidi Vogel, et cela facilite en quelque sorte ma présentation mais un infirmier me dit que M. de Montmollin ne désire voir personne et qu’ils respectent sa volonté. Bon, me dis-je. Puis, je vois une employée de maison et lui demande si elle sait quelle est la chambre de M. de Montmollin. Elle me dit qu’elle va me conduire jusqu’à chez lui. Elle entre dans sa chambre et lui dit qu’il a une visite. Il est d’accord même s’il ne sait pas que c’est moi. Il me voit, je lui dis « salut » et il me répond « salut ». Je sais qu’il sait que je sais qu’il m’a reconnue. Nous sommes en pays connu.

Je lui raconte que c’est Jack Froidevaux qui m’a renseignée sur l’endroit où il vivait. Jacques me dit que Jack sait beaucoup de choses et qu’il est très discret. Je ne peux que confirmer et profite pour lui dire qu’il le salue bien. Jacques est content. Je ne sais plus ce que je lui dis, mais au moment de partir, j’ai le courage de lui dire que j’aimerais bien le revoir s’il est d’accord, il dit oui avec la bouche et avec la tête – ces deux moments sont restés gravés en moi comme une photo – il a un petit sourire. J’ai envie de lui faire la bise, mais nous n’avons jamais été proches. Il a toujours eu un air un peu distant, j’ai peur de le brusquer puisqu’on dit qu’il ne veut voir personne et m’en vais. Je suppose que le fait d’avoir été acceptée dans son environnement a fait que j’ai oublié de lui poser la question pour laquelle j’étais venue, le prénom de Mado, la femme d’Ernest Grize.

J’ai rendez-vous deux jours plus tard avec la responsable des animations. J’aimerais proposer une activité aux pensionnaires. Je ne pense pas que Jacques veuille venir ; à mon avis sa tête va bien mais physiquement il est plutôt sur un départ désiré. Je dois dire que le fait que Jacques se trouve dans le home de l' »Armée du Salut » me permet de réaliser le désir que j’avais d’offrir un cours à des personnes du quatrième âge, à celles qui ont construit le Neuchâtel dont j’ai hérité et qui se trouvent sur leur dernier trajet, pas toujours heureux.

Le mercredi, l’animatrice prend note de mes propositions. Elles seront examinées le lundi suivant. En attendant, je suis introduite dans la chambre de Jacques. Il me salue aimablement. Je lui raconte que j’ai trouvé la montre d’Ernest parmi les affaires d’André et lui demande de me donner le prénom de Mado. Madeleine, dit-il. J’ai ma réponse et je suis contente.

Je lui demande où il en est de son livre (j’avais entendu dire qu’il écrivait un livre sur tout ce qu’il avait fait dans la culture). Je ne sais plus comment les choses se sont liées, mais il dit que sa vie n’a plus d’importance et que son livre non plus. Je lui dis que je ne serais pas là sans tout ce qui avait été fait auparavant. « Tu as raison », a-t-il répondu.

  • Où est le livre ? lui ai-je demandé.
  • Il n’y a pas de livre, dit-il.
  • Tu n’as pas de manuscrit ? Tu n’as rien écrit ?
  • Non, tout est dans la tête.
  • Je t’aurais aidé à écrire. J’écris plutôt bien, sans fautes et fais de la révision de textes. Mais, tu pourrais me dicter des histoires et on pourrait publier des pages de la vie culturelle neuchâteloise sur ma plateforme puis je te lirai et tu corrigeras.

Jacques est d’accord et je dis que je vais repasser. Comme notre relation a trouvé un terrain d’entente, qu’on s’est rapprochés, je lui fais une longue bise en le prenant dans mes bras. Il répond et quand je m’éloigne, je vois qu’il bouge la tête en quête de la seconde et troisième bise. Instantanément il se passe plusieurs choses : il se rend compte que je n’y avais pas pensé, je me rends compte qu’il attendait autre chose, cela se passe en silence et chacun comprend l’autre. On se quitte avec le sourire et je lui demande s’il veut bien faire une sortie avec moi. Il dit que oui, mais que je dois lui passer un coup de fil avant. Je trouve la chose rigolote, mais lui donne mon accord.

L’animatrice me dit que depuis qu’il est au home, il n’a fait que deux sorties, il les a faites avec elle et ils sont allés restaurant « Le Cardinal ». Il y a bu un verre de vin et mangé une tarte au citron qu’il aime beaucoup. Je lui dis que je pourrais faire la même chose. On convient que deux jours plus tard, vendredi 14 juin, je viendrais le chercher.

Comme promis, je téléphone à Jacques et lui dis que dans l’après-midi, j’irai le chercher. On sort accompagnés d’une amie qui passe quelques jours chez moi. L’animatrice avait oublié de laisser une enveloppe avec des sous pour sa consommation et je n’avais pas d’argent sur moi. Je suis un peu inquiète, car sachant que Jacques ne veut voir personne, il n’a peut-être pas envie de traverser la moitié de la ville en chaise roulante pour aller à la banque. Je lui chuchotte à l’oreille si cela le dérange qu’on aille à la banque. Il me répond que je peux faire comme bon me semble. Quelle chance ! De plus, il fait beau, très beau. Il le dit aussi.

La première chose que Jacques nous dit lorsqu’on est sur le troittoir, à mon amie et à moi, c’est : « Si vous saviez comme j’aime cette ville ! J’ai beaucoup, beaucoup fait pour Neuchâtel. » Je trouve tout cela intéressant et me dis que j’aurai bien des choses à écrire. Je suis en joie !

Nous allons à ma banque, ma chère banque chère (autre article que j’ai écrit). On traverse la ville qui est assez animée. Jacques avait dit qu’il savait que c’était une journée spéciale. Il n’en a pas dit plus et moi non plus. Chacun savait que l’autre savait. Il y a des choses dont on est au courant quand on est dans le mouvement de la vie. Alors, la grève des femmes, on ne l’ignore pas !

Quand on arrive à la banque, on va à l’automate. Jacques dit que cela fait des mois qu’il ne va plus à la banque et qu’il ne sait pas comment fonctionnent ces appareils. Je lui dis que la prochaine fois qu’on viendra, je lui montrerai comment tirer des sous sur mon compte. Je lui demande par où il veut passer et si cela lui dit d’aller voir la manifestation des femmes vers l’Hòtel de ville. Il est d’accord. Il y a foule et avec la chaise roulante, je me demande si cela ira, puis je décide d’y aller et de me faire entendre lorsqu’il y a attroupement. Je dis plusieurs fois « Le Roi passe! », les gens s’écartent aimablement et une fille dit « Vive le Roi ! ». Jacques a entendu. C’est magnifique.

Nous arrivons au Cardinal. Je demande à Jacques s’il a une table particulière et il dit que cela lui est égal. On s’assied près de la sortie sud. La serveuse reconnaît Jacques, le salue et lui dit qu’il leur a manqué. Je ne me rappelle plus sa réponse, mais elle est du même genre. Il commande un verre de vin dont il a lu une réclame près de la fenêtre. Je lui demande s’il veut une tranche de tarte au citron et il dit « oui ». Je me dis tout de suite que j’aurais dû m’assurer avant qu’il y en avait afin de ne pas risquer une déception. Heureusement qu’il y en a. Jacques a tout mangé, jusqu’à la dernière miette.

Pendant ce temps, il me raconte des petites choses sur la vie culturelle, j’enregistre sa voix. Je lui dis que j’écris… Il m’interromp pour dire que je le lui en ai parlé. Je dis alors que l’on pourrait publier ses histoires sur ma plateforme et que je pourrai la lui montrer au home. Il est d’accord. Je suis contente, très contente.

Jacques dit qu’il aimerait rentrer. Il choisit de passer par la rue du Seyon. Pour monter au cinquième étage du home c’est toute une histoire, car s’il y a deux ascenseurs, seul un a la capacité de recevoir une chaise. Je passe un bon moment à essayer de faire que ce ne soit pas l’autre ascenseur qui s’ouvre jusqu’à ce que je trouve une combine et le dise à Jacques qui trouve cela drôle. Pendant ce temps, Jacques m’a raconté que l’autre jour il avait eu une douleur tellement forte au flanc droit, tellement forte qu’il avait fini par en rire ! Je trouve cela remarquable et regarde Jacques encore plus chaleureusement. On est du même monde.

Arrivés au cinquième étage, on va à une table pour qu’il puisse voir ma plateforme, son genre, ses rubriques et surtout l’endroit où ses « pages d’histoire » vont figurer. Il trouve tout cela très bien. Nous nous faisons la bise, trois longues bises, comme la première que je lui avais faite, mais trois parce que c’est le rituel et parce qu’on en a envie. Il dit qu’il me remercie pour ce moment et part dans sa chambre. L’animatrice m’avait dit que ses deux sorties avaient duré chacune 1 h 15 et qu’il était rentré fatigué. La nôtre a duré deux heures, mais cela avait été un jour très spécial.

Les deux jours suivants, je promène l’amie qui est en visite chez moi, je l’amène au port pour qu’elle fasse un tour en bateau. Cela fait des années, réellement, que je ne vais plus sur le quai ni me promener en bateau, ce que je faisais avec André, feu mon ami… Je me dis que je pourrais amener Jacques et que nous pourrions faire une promenade en bateau. Soudain, j’ai plein d’idées pour des promenades, ce n’est pas si compliqué.

J’ai téléphoné à Jack et lui ai tout raconté. Il trouve qu’il y a une ouverture et que c’est de bon augure.

Le lundi, je sais que le personnel du foyer de « L’Armée du Salut » discute de mes propositions et m’attends à une réponse dans l’après-midi. J’ai envie d’aller voir Jacques, mais je ne veux pas non plus m’imposer ni forcer les choses. Mardi, toujours rien. Alors, je téléphone et on me dit que Jacques a quitté ce monde, paisiblement à 02 h. Je ne comprends plus rien. On avait des projets….

Je me dis que je dois le revoir une dernière fois. Je ne vais pas tout raconter, mais il y a eu des miracles du genre « Joséphine, ange gardien » qui ont fait que je l’ai revu et que je lui ai fait trois autres bises qu’il emporte dans l’autre monde.

Mais, même si Jacques ne pourra plus me raconter ses histoires directement, je pourrai en transcrire une partie, car Mado, Madeleine de son prénom de baptême, m’a dit qu’elle a deux ou trois choses qui pourraient me rendre service en ce sens. Magnifique ! De plus, même si Mado habite dans un endroit peu accessible, comme elle le dit, Roger Peeters, le cameraman qui a fait son apparition dans ma nouvelle vie, m’a proposé de m’y amener. Je ne peux que répéter que c’est magnifique !

J’ai cherché, en vain jusqu’ici, une photo où Jacques soit coiffé…

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Rencontres particulières 8 : My favorite docker, Albert E. Golding

Life has sometimes funny ways to put things together. This story begins when I was working at the International Labour Organisation, Geneva, in the 1980s and continues in Neuchâtel in 2018.

I was in charge of analysing the survey done by the international dockers union based in London. It was the time when different ports were facing the introduction of containers which obliged the ports to construct special platforms for the containers that were moved by cranes and not any more by dockers. The unions hoped to be able to do something and wanted to have a worldwide view before acting. The questionnaires I had to analyse were in different languages and I remember that I went to ask a few questions to my neighbour, Mrs Bourquin, whose husband was the son of one of my former mathematics teachers, she was Hungarian. By the way, Mr Bourquin, the teacher, had been my teacher, my friend’s (André) teacher and the teacher of Gilbert Facchinetti ! Life is so funny sometimes…

The results were to be presented by the department for which I was working at that time, « Maritime », in London. So I went to London. At the seating I only saw men and I could see from far who was a docker and who was working with a crane. There was such a difference between those from Liverpool and those from Vienna! Those from Liverpool looked like the movies dockers, solid and with a whisky bottle in the pocket (I precise that I never saw anybody drinking) besides the slim ones working on cranes and in some way « alone ». Between those from Liverpool I could feel a real union. I cannot explain why I was marked by those examples as there were much more at the seating.

You already know the result. Liverpool had resisted and refused to see containers landing in their port… and the port had been bypassed, the situation was really difficult. Hereby you have a picture of some dockers in the 1950s. You can see their strength, their personality, they are just « one ».

Liverpool had been the major port of the British Empire and the first enclosed commercial dock of the world and a pioneer in the development of port technology, transportation systems, port management and building construction. So, you can imagine the situation with the new technology…

I was sad feeling that I could do nothing in this situation. I have been carrying this in my heart, in my « self » until 2018.

Years later after the survey, working at my ballet studio I see an English family take place into the apartment next to my studio in Neuchâtel. We had a nice relationship for a longtime. I had put some plants into their court yard that leads to my studio, they had appreciated and that was all. At Christmas 2016 I saw Do’s parents (Do and Martin are the names of my neighbours) and that was nice. In 2018 I see them again, it was the Summer, we have a talk and I discover that Albert, Do’s father, had been one of those Liverpool dockers that was working at the port by the time I had analysed the survey… In the end he had been obliged to change his profession! I couldn’t believe that I had in face of me one of these wonderful dockers. Immediately a love story started. His wife is not jealous, his daughter neither! It is as if I had History in face of me. And hereby you have Albert, my favorite docker, posing before the recent Liverpool football victory and wearing a T-shirt with « Never give up » written! That is fabulous ! Somehow I feel much better and have not any more this sadness I had for years. I cannot explain how it happened but it is so.

2022 ! Time has passed by and I would like to thank my favorite dock for he cured me of that sadness that had inhabited me for years. Now I can explain the why. It is linked to the way Albert E. appeared to me. Of course, we all have a whole range of sounds in our voice according to the situations we face, but the times I saw Albert Golding, I only saw tenderness and kindness. He is a tall and very imposing man and that is what is magic, he is (still for me) a docker from whom tenderness and kindness emanate. That is the way I see him. He was strong enough during his life to remain on his feet and keep calm. He incarnates the sentence « Never give up » alive ! That helps me a lot in life.

When we go through the history of kings, important men, there is always a woman, a wife behind. A warm thought goes for Albert’s wife.

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