Les effets de l’exposition de Mandril à la galerie 2016 à Hauterive : Luc Michel l’encadreur à Paris (en cours)

On le sait, Mandril est un dessinateur accompli et ses oeuvres font autant preuve d’imagination que de travail. L’exposition me donne l’occasion de voir plusieurs de ses oeuvres en un seul lieu.

Article en cours parce qu’il me manque des explications sur le tableau qui suit. J’attends que Mandril ait du temps…

Le roi des escargots (photo de Mandril)

Le roi des escargots. Ce qui m’a attirée, c’est la tête mais surtout l’effet trois dimensions comme si j’étais en présence d’une statue en cuivre. Chaque détail est si soigneusement fait que j’ai l’impression de pouvoir me promener dans les motifs et sentir le cuivre repoussé. Je n’ai vu que la tête, avec ses deux faces : celle de gauche si puissante, si sûre de savoir où elle va ; quant à celle de droite, elle me fait penser aux proues de bateaux. Cela peut aussi être le regard vers le futur et vers le passé. Je reste un moment devant la photo-tableau.

Mandril arrive et m’explique : « C’est le pommeau d’une épée de (époque ?) Napoléon iii. et un ami, Luc Michel, encadreur à Paris, m’a fait le cadre en bois de cèdre correspondant tout à fait à l’époque napoléonienne. » Je reste en admiration et comme je vais à Paris, je lui demande si je peux avoir son adresse. Il me l’enverra via WhatsApp.

Adresse de l’atelier (je me sers du cadre doré de Luc Michel dans cet article. C’est ma façon de lui dire qu’il m’inspire).

Mars 2024, Paris et l’atelier. Je vais à l’atelier qui se trouve à la cité internationale des arts, près de l’hôtel de Ville. Luc Michel n’y travaille plus. Je suis reçue par M. Schäffer, lui aussi encadreur, qui l’a repris il y a plus d’une année ; il fait de la restauration. Il me raconte que son père et Luc Michel avaient fait des expositions ensemble et donc je suis toujours dans un atelier d’encadrement et la tradition continue. J’aime les endroits où les histoires se perpétuent.

Luc Michel. Finalement, Mandril reprend contact avec l’ancien encadreur et j’ai un numéro de téléphone. Je l’appelle. Bon, c’est un peu compliqué de dire à quelqu’un au bout du fil que nous ne nous connaissons pas mais que cela m’intéresse de le rencontrer. Finalement, on se donne rendez-vous dans un bar près du pont Marie-de-Médicis, dit pont Marie. Je devrai le rappeler quand je serai dans les environs parce que je n’ai pas compris où se trouve le lieu du rendez-vous.

Comme au cinéma. Mon téléphone ne fonctionne pas en France et je dois demander de l’aide aux passants. À un moment donné, je rencontre un groupe de personnes et l’une d’elles appelle le monsieur. On s’explique, on cherche le nom des rues que Luc Michel donne de l’autre côté du fil, je ne vois pas d’issue et tout à coup l’une des personnes voit un monsieur passer avec son téléphone à l’oreille et l’arrête. C’est lui ! C’est une vraie scène de cinéma. Je ne l’aurais pas vu. Je suis très reconnaissance à ces personnes et pars avec Luc Michel vers le bar où le patron se réjouit de le revoir après longtemps.

Cadre. Comme le cadre fait par Luc Michel est le début de cette histoire, j’encadre les images avec le cadre du tableau de Mandril.

La première idée qui me vient à l’esprit c’est de demander au patron du bar la connexion Wifi afin de téléphoner à Mandril.
Signature de Luc

Conversation entre Luc Michel et Mandril. Comme on le voit, Luc Michel a l’air très content de parler avec Mandril (on a de la chance de tomber sur un moment où ce dernier n’est pas occupé !). En fait, Luc a un caractère heureux et rit à la première occasion. Je lui demande quel est son nom et il me dit : « Luc » – « Et ‘Michel’ ? » – c’est le nom de mon arrière-grand-oncle, mort à la guerre. Je voulais lui rendre hommage. Cela en dit long sur le personnage ! Puis, Luc me raconte sa vie en abrégé : il est né en 1946. Sa mère a travaillé dans l’imagerie sanctuaire ; elle peignait des santons à la main. Il est entré dans l’atelier à l’âge de 16 ans et a aussi peint des santons ; c’est sa mère qui l’a dirigé vers l’encadrement. On fait le calcul et Luc me dit que pendant 51 ans il a travaillé en tant qu’encadreur. Je demande à Luc de me donner un autographe. Je l’encadre à droite.

Meilleur ouvrier de France. C’est en 1997 que Chirac, alors président, l’a nommé meilleur ouvrier de France. Luc Michel a beaucoup aimé Chirac et moi j’ai une grande admiration pour cet homme. Cela nous unit.

Carte de meilleur ouvrier de France, 1997. Carte valable à vie !

1997 – Meilleur ouvrier de France, suite. Je suis en admiration totale ! Il me raconte qu’il a mis trois ans pour ce concours qu’il a gagné avec un cadre style Louis xiv avec des tiroirs. Je lui demande s’il a des photos. Mais, non, sa vie professionnelle a mal fini et son appartement est trop petit pour y mettre ce qu’il avait. Il explique qu’il a attrapé la covid, qu’il a dû rester un mois à l’hôpital et qu’il a mis du temps à se remettre. Ensuite, le toit de sa maison a brûlé et à la suite de manipulations inappropriées pour le sortir de la maison on lui a abîmé le dos, raison pour laquelle il sort peu, mais il commence à reprendre du poil de la bête. Il a coupé le lien avec ses clients. Il a tout vendu et laissé dans son atelier la dernière cisaille (machine de coupe à deux lames) achetée chez Rigo ! Mais, une fois de plus il tourne la page et me raconte que les copains du syndicat des encadreurs, le SNDE, qui lui non plus n’existe plus et dont il a été l’un des derniers membres, lui avaient offert lors de son diplôme de meilleur ouvrier un chien dalmatien qui l’a accompagné durant 17 ans. Il l’a incinéré dans une très belle boîte en bois (« Oh, elle était belle ! » s’est-il exclamé). « Et, il s’appelait comment ! » demandé-je. – « Mof » – « Heu… » – « Mof, Meilleur ouvrier de France ! » et il a éclaté de rire.

6 mars 2020 – Luc dans toute sa splendeur ! Mandril a gagné une résidence d’artiste cette année-là à Paris et a rencontré Luc avec qui il a traité. Voici Luc dans son atelier du temps où les affaires marchaient bien. On voit l’ordre qui règne dans les murs et la créativité sur la table de travail. C’est magnifique !

L’encadreur encadré !

L’histoire devant moi. J’ai l’impression que l’histoire est devant moi. Malgré les périodes difficiles, Luc a gardé son caractère heureux, c’est une chance ! Il me dit que la prochaine fois que je viendrai à Paris, on se revoit. Je le remercie et lui dis que le cadre fait pour Mandril est très beau (après la conversation, Mandril a envoyé la photo qu’on voit au début de cet article) et qu’il inspire des gens. Sans lui, nous ne nous serions pas rencontrés. Nous sortons du café ensemble et comme il marche lentement, au moment où on traverse une rue, des voitures klaxonnent, c’est alors qu’il sort l’expression :

Il n’y a pas de meilleure fin pour cet article !

Le tableau de Mandril. Je le reprends car en relisant l’article, je me dis que le sujet se prête bien à toute cette histoire du passé, du présent et du futur…

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