Je suis toujours émerveillée de voir comment les choses se lient les unes les autres dans ma vie. Toute vie a une trame, mais j’ai l’impression que la mienne prend une réalité à plusieurs dimensions, et que les événements qui viennent la mettre en relief lui donnent un aspect visible, presque tactile.
Ma rencontre avec Martial. C’est le hasard qui a voulu que je fasse sa connaissance. Il faisait partie du groupe d’artistes plasticiens chargé de peindre la rue des Chavannes. J’ai proposé ma collaboration et elle a été acceptée.
Martial expose à la galerie. Hunkeler est son nom de famille et Sial son pseudonyme. Les choses étant claires, on remarque que chez lui aussi le hasard fait bien des choses. Il rencontre un ancien copain d’école dans une gare, puis au tour du canton et ensuite dans des galeries d’art et voilà que le lien écolier devient amical et que la collaboration s’installe tout naturellement. C’est ainsi que Philippe Du Pasquier, le nouveau galeriste de la Galerie 2016 d’Hauterive (NE) a proposé à Martial les dates 21 août – 19 septembre de l’année courante pour qu’il expose ses oeuvres dans la galerie. Martial me dit : « Le genre d’oeuvres que je fais actuellement : tableaux, sculptures, sculptures murales (elles ne peuvent que s’accrocher, tels des tableaux) tout s’est parfaitement encadré. Les volumes de la galerie, son illumination, l’emplacement, tout était parfait. Bien sûr, le savoir-faire de Philippe a été primordial ; c’est un tout ».
La Galerie 2016 et son attitude en pleine pandémie. En cette période où les entreprises, les commerces et autres acteurs économiques courent après la rentabilité et suppriment des emplois, il faut célébrer la politique de la galerie qui ouvre ses portes à un artiste qui se construit une carrière. En effet, ouverture d’esprit, qualité et rentabilité peuvent faire bon ménage.
Style de Martial. Disons d’emblée que les créations de Martial sont abstraites. En ce qui concerne ses scupltures, il parle de squelette, de structure et de chair suggérée, du rôle de l’imagination à jouer avec les formes de ses oeuvres. Je me dis, en l’entendant me raconter comment son exposition a pris forme, que c’est comme s’il décrivait l’une de ses propres sculptures : les formes, les matériaux, les espaces, la consistance, les rencontres se sont unis pour donner naissance à cette exposition.

Flow W. C’est le nom de l’oeuvre et l’une des dernières créées. C’est aussi celle qui a attiré mon attention. Je la trouve légère, agréable à voir, reposante. L’imagination peut très bien jouer avec elle. On peut l’imaginer volant dans l’espace, un espace indéfini, s’agrandissant, revenant à sa forme, se rapetissant mais gardant toujours sa structure. Que dire d’autre sinon que c’est plaisant. De plus, elle m’inspire. Suite au prochain paragraphe !
Atelier du mouvement pour le corps et l’esprit. Je donne cet atelier dans le cadre de formations continues et me dis que ce tableau irait bien dans mon cours, car justement l’imagination et la vie de chacun peut y trouver sa place. il y a bien des façons d’entrer dans l’oeuvre ou d’interpréter ne serait-ce que le passage d’une couleur à l’autre ; l’oeuvre étant ajourée, on peut jouer avec les jours (rappel pour ceux qui comme moi l’avons oublié : le substantif du verbe ajourer – percé d’ouvertures, de jours – est justement « le jour ». C’est tellement joli… je me dis que se réveiller le matin c’est « voir le jour », c’est avoir une nouvelle ouverture… fascinant !) qui peuvent nous conduire à d’autres dimensions.
Article dans le Bulletin des Communes – dont le nom abrégé est Bulcom (journal régional). La journaliste Céline Smith consacre une page entière à l’exposition. Joli exploit pour Martial ! Voici un de ses commentaires : « Ainsi, ses dessins au crayon métallique semblent littéralement être en relief, et, à suivre la ligne, on se perd dans le trait, on est happé, hypnotisé par le motif qui tourne sur lui-même… Spirale du temps, enchaînement des mouvements, allégorie de la vie, ici encore ».
Le nom des oeuvres de Martial dans cette exposition sont en anglais, mais lorsqu’on va dans son atelier, il y en a aussi en français. Quelle importance ? direz-vous. Je tiens à la langue du pays où l’on vit, mais, il est vrai que l’on peut avoir des résonances avec certains sons ou concepts exprimés dans une autre langue et cela ne s’explique pas. Je fonds lorsque j’entends le russe… alors… Martial me dit que les titres de ses oeuvres lui viennent tout seuls.
Une surprise. Une fois de plus, le hasard, cet ami qui existe sans exister, vient à ma rencontre. Je demande à Philippe si les livres que je vois dans son atelier sont tous liés aux expositions de la galerie. Il répond affirmativement et m’en montre quelques uns. L’un d’entre eux n’a pas le nom de l’artiste. Il trouve cela curieux, car effectivement il n’y a pas de nom, nulle part. Je lui dis que je possède un exemplaire avec la référence Je rentre chez moi et trouve :

Jean-Claude Viellefond et Eva Montgomery. Eva est la femme de Jean-Claude. Nous nous sommes connues à l’époque où nous travaillions à Genève, elle à l’AELE et moi au BIT. Ensuite elle a travaillé à Lausanne où j’allais les mercredis à la séance de rédaction de L’Hebdo, revue pour laquelle je tenais la rubrique des conférences. D’ailleurs c’est moi qui y ai mentionné pour la première fois, hors du canton, les conférences de Frédéric Maire sur le cinéma. Eva et Jean-Claude sont venus chez moi. Jean-Claude a regardé les peintures que je faisais à cette période-là et m’a donné un conseil qui est devenu une partie de moi-même. Je l’applique surtout dans les maquillages fantaisie que je fais. Lorsque je revisite les photos que j’ai prises de mes maquillages, je croise celles que j’ai faites à Eva et une nostalgie m’envahit. Dernièrement, je me suis dit que la nostalgie ne servait à rien, que j’allais appeler Eva, et ai prié pour qu’elle ait conservé un numéro fixe de téléphone. C’est le cas, mais je n’ai pas obtenu de réponse. Pour en revenir au fameux hasard, Philippe pourra compléter ses archives !
Autre pan de mon histoire. Je dis à Philippe Du Pasquier que j’ai connu Alain Petitpierre, le cofondateur de la galerie ; il a été mon professeur de français à l’école. Il me semble le revoir, avec sa tête bien posée sur ses épaules, sa moustache et debout, à côté de sa table. J’aimais bien sa voix, son rire. Il est toujours de ce monde et je voudrais bien le revoir pour le remercier. Il était exigeant en matière de langue.
Moins de dix joura près. Finalement, j’ai retrouvé, en partie grâce à Philippe, mon cher professeur ! Il a la même tête,le même sourire, le même regard. Je le dis souvent, le temps n’existe pas toujours comme on le pense. Et surtout, il se dégage de mon professeur une telle bonté qu’on ne peut que lui répondre de la même façon. C’est magnifique !
Une réponse. J’avais reçu une remarque de la part de mon cher professeur, Alain Petitpierre, au sujet du choix d’un auteur dont j’avais étudié un poème. En bref, il n’avait pas approuvé mon choix et je n’ai pas compris pourquoi. Je lui rappelle l’histoire maintenant et il m’explique l’affaire alors qu’il m’invite sur une terrasse à boire un chocolat chaud. Pour le lecteur, cela n’a pas d’importance ni de qui il s’agit ni du pourquoi. Ce qui est fabuleux c’est que mon professeur m’a apporté la réponse à une question qui date de… quelques années et cela n’a pas de prix ! Toute question qui reste sans solution tourne en nous d’une façon ou d’une autre. Eh bien ! Cette insatisfaction a fait place à de la compréhension, à du plaisir et à une immense reconnaissance pour mon professeur.
Je reprends l’exposition. Voici la présentation qu’en fait Philippe sur la plateforme de la galerie.

C’est une très jolie composition, pleine de légèreté, de couleurs qui donne une idée des oeuvres de Martial. En regardant celles qui sont exposées, je me dis qu’elles peuvent très bien figurer dans toute sorte de lieux, des salons, des salles d’attente, tellement elles sont agréables à l’oeil en plus d’inviter l’imagination du spectateur à jouer avec les formes. Je l’ai dit plus haut, je pourrais même en utiliser pour mes cours.
Échantillon de visiteurs.

Le public. Les photos ne sont pas toutes claires. Je vous prie d’excuser la qualité, je suppose que c’est sur le coup de l’émotion que j’ai bougé mon appareil. Quoi qu’il en soit, on le voit, le public a réellement investi la galerie et ils ont tous l’air content, même « le studieux », celui qui est concentré sur la liste des oeuvres et des prix, lesquels, il n’est pas inutile de préciser, sont bien plus que modérés. Le plus jeune spectateur, tout en haut à gauche, mange littéralement la liste ! J’ai demandé si c’était sa première exposition, or non, elles se comptent par dizaines. Il sera un connoisseur (le dictionnaire de l’Académie française a accepté le mot ainsi orthographié jusque dans ses 4e et 5e éditions, soit au xviiie (*) siècle, siècle du baroque que j’aime tant ; ce n’est pas étonnant que ce soit cette orthographe qui soit venue automatiquement sous mes doigts.) !
Repas. Comme il se doit, un repas suit le vernissage. J’ai été l’une des heureuses invitées. Cela faisait un bail que je n’étais plus allée au restaurant et, de plus, je n’étais jamais allée au Silex qui est au bord du lac, près du Laténium. On a eu droit à un magnifique repas accompagné par une lune que le soleil a richement coloriée. Pas besoin d’en dire plus, on admire.

Note (*) : on le sait, les siècles s’écrivent avec des petites capitales, mais malheureusement ma plateforme n’en a pas. Cela ne constitue toutefois pas une raison suffisante pour que j’utilise des capitales. Le lecteur composera avec mes prétentions.
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