Suite de l’article précédent.
Quand on est de ce monde, on ne peut faire autrement que se référer au temps. Et ce temps m’a dit que la descendante de M. Breguet, la dame avec laquelle j’avais eu un contact absolument fabuleux a fini son temps au mois d’avril. Il est des rencontres qui vous marquent comme si elles avaient duré tout une vie. Cela a été le cas cette fois-ci. Les regards échangés, les sourires spontanés, le fait que je m’intéresse réellement à Abraham-Louis Breguet et surtout le fait que nous parlions toutes les deux le russe a créé un lien particulier.
Désirant revoir la maison familiale, je me rends sur les lieux et fais la connaissance d’une autre personne de la famille qui me dit que le vœu de la dame qui parlait le russe avait été celui d’écrire l’histoire de la maison. Cela tombe bien, j’aime l’histoire, je trouve que les bâtiments, petits ou grands, sont témoins de bien des histoires, qu’ils rendent service et qu’on se doit de les respecter. Je reprends, dès lors, une photo de la maison.

Pour faire une photo de la maison actuelle sans voitures, sans passants et sans arbres… c’est demander la lune ! Mais on reconnaît bien le bâtiment.
La maison Breguet originale était en tous points semblable à celle d’à côté – vitrine entourée en vert avec l’écriteau en jaune – où se trouvent depuis 1830 les Papeteries Gaubert. La maison Breguet abrite encore des membres de la famille. C’est très touchant. Quant au nombre d’étages, le 3e, celui où a habité A.-L. Breguet, a été modifié , avancé, et on a ajouté deux étages.
M. Florent Arnulf, Papeteries Gaubert. Je remercie M. Florent Arnulf, propriétaire des Papeteries Gaubert. En effet, si j’ai pu mettre côte à côte l’allure de la maison du temps de la manufacture – on y voit l’enseigne – et celle d’aujourd’hui, c’est parce qu’il m’a permis de prendre en photo la gravure originale qu’il possède. C’est dire si, une nouvelle fois, je me sens portée par « la chance ». J’ai l’impression d’avoir présenté la carte de visite de M. Breguet.
À l’intérieur de la maison. J’ai eu la chance de pouvoir entrer une nouvelle fois dans la maison et de m’assoir sur le petit banc du deuxième étage. J’ai pu imaginer Abraham-Louis Breguet monter les escaliers pour aller chez lui au 3e étage et les descendre pour se rendre dans sa manufacture. C’est impressionnant. Je sens le bois craquer…

Lorsque j’ai commencé à écrire cet article, je m’étais demandé où était l’entrée de la manufacture car il y a des portes des deux côtés du bâtiment. Mais, le nom de la manufacture figure sur le devant et si on est horloger, l’entrée « Quai de l’Horloge » porte alors bien son nom. De toutes façons, pour accéder à son 3e étage, M. Breguet devait monter par les escaliers photographiés et dont l’accès se trouve justement peu après la porte d’entrée.
Le temps, ce temps que A.-L. Breguet a si bien mesuré a passé et le hasard qui est devenu mon ami vient de m’apporter une réponse. La manufacture se trouvait bien devant (la maison était mitoyenne avec celle de derrière) et au début, son adresse était 51, Quai des Morfondus et qui par un heureux concours de circonstances est devenu 39, Quai de l’Horloge. L’information a pris quelques détours pour me parvenir. J’ai reçu inopinément une offre gratuite pour consulter pendant trois mois la banque de donnée des Bibliothèques nationales de France, via RetroNews ; j’ai consciemment mordu à l’hameçon et me voilà riche de bien d’informations que je ne savais comment obtenir.
Quelques informations supplémentaires : « A.-L. Breguet s’est installé dans la maison en 1775 – maison construite sous le règne d’Henri IV – a logé tout de suite au 4e étage » (je ne sais comment le journaliste a compté les étages, à l’époque il y a bien quatre étages, mais si le premier est le rez-de-chaussée, celui où a habité l’horloger est le 3e) et installé sa manufacture au rez-de-chaussée. À ce moment-là, le bâtiment était la propriété de la duchesse de Polignac. Après la Révolution, en 1796, il a pu l’acquérir. Les générations dont je parle dans le premier article sont passées par là. C’est fabuleux de se dire que tant d’idées dans l’horlogerie, l’électricité, le téléphone ont pris forme dans ces murs. Je suis fascinée.
Remerciements au personnel qui a compilé et scanné les documents qui forment la base de données de RetroNews et qui m’a donné la permission de citer la source que vous pouvez consulter ici. Je remercie tout particulièrement l’auteur de l’article, le journaliste Claude Francueil.
Voici des photos de l’intérieur de la boutique dont les murs et les marches datent de l’époque d’Abraham-Louis Breguet.

C’est donc au rez-de-chaussée que se trouvait l’atelier d’A.-L. Breguet. Je suis émue de marcher dans ces lieux où toutes les inventions et créations de cet horloger ont vu le jour. J’ai évité à grand regret de surcharger l’article précédent avec des photos des montres, mais du fait qu’on « se trouve » dans les lieux, je ne peux que profiter de la situation pour les mettre ici et m’imaginer qu’elles sont sorties de ces lieux.

La finesse d’esprit d’A.-L. Breguet. On a lu dans l’autre article que l’horloger ne faisait pas deux montres pareilles. Même pas celles de souscription. Le succès frappant à sa porte, les copieurs, les faussaires sont venus se servir de ses inventions en fabriquant des montres à son insigne. Mais, Breguet est un fin esprit : chaque montre Breguet est dotée d’une signature en filigrane et d’un nombre individuel qui n’a aucune logique reproductible. De la sorte, toute contrefaçon était vite mise au jour. De plus, le guillochage artisanal, dont il avait fait une marque de fabrique et les cannelures qui ornaient les montres, soulignant encore le caractère élégant de la montre, rendaient la copie plus que compliquée. C’est un autre aspect de l’esprit d’A.-L. Breguet, auquel je rends hommage.
Château des Monts, Le Locle, Suisse. Comme cette histoire a trouvé ses débuts au château des Monts, musée d’horlogerie du Locle, je ne peux m’empêcher de mettre la photo de deux montres, qui se trouvent au musée et qui ont échappé à l’appétit de M. Hayek, ainsi qu’un portrait du héros (à défaut d’un selfie !).

J’ai mis volontairement les montres un peu plus haut que le personnage pour indiquer qu’elles sont sorties de son imagination.
M. François Aubert, président du comité du Musée, et Mme Marlène Rüfenacht, archiviste. Ils sont des personnages-clefs dans cette histoire et je les remercie de m’avoir facilité la prise de photos et d’avoir partagé avec moi leur savoir. J’en sors bien enrichie. Je sais par expérience qu’il ne suffit pas d’occuper un poste, il faut encore avoir l’amour de la chose et c’est leur cas.
Maintenant, on peut sortir de la maison et voir l’allure de la maison par derrière.

Vue de derrière, voici la maison qui va depuis la terrasse de « Ma salle à manger » à la boutique « Paire et fils », peinte en bleu. La carte de visite de M. Breguet continue de jouer son rôle et m’a permis d’entrer en relation avec la patronne de « Ma salle à manger » et celui de la boutique de chaussures « Paire et Fils » – très joli nom !
Ma salle à manger. Les choses s’imbriquent les unes dans les autres et Florence Rouffet, la patronne du restaurant, me dit qu’elle a eu un coup de foudre pour ce local il y a dix-huit ans, qu’elle l’a retapé à sa façon pour le mettre en valeur et qu’il avait été fait dans les années 1990 par Jean-Michel Wilmotte. En ces périodes de virus, elle fait au mieux pour le garder ouvert. Cela correspond bien à son caractère joyeux et pratique.

Daguerréotype. Le daguerréotype est le premier système – inventé par deux Français, Nicéphore Niépce et Louis Daguerre – qui permet de garder une image de façon permanente. Les dernières informations permettent de croire que le premier daguerréotype d’un être humain fut pris justement au pied de la statue d’Henri IV, sur le Pont Neuf. Il date de 1837, soit après le héros de mon histoire.
Le Pont Neuf. C’est la première fois qu’on construit à Paris un aussi grand pont et il l’est tout en pierre. Auparavant, ils l’étaient en bois et « habités »; c’est-à-dire que la plupart du temps des artisans y installaient leur boutique au rez-de-chaussée et habitaient au-dessus. Le tout étant en bois, les crues, les vents et le feu faisaient ravage ; si c’est Henri III qui le commence, c’est Henri IV qui le finit en 1607. C’est une prouesse architecturale qui utilisera la pierre calcaire. Ce pont, pour la première fois aussi un pont n’est pas couvert, reste le pont le plus ancien de Paris. C’est aussi la première fois qu’on construit des trottoirs ! Voici une photo.

L’Histoire. L’Histoire, avec H, ce sont les grands hommes, les grandes personnalités qui la construisent (je range les femmes là dedans aussi, je trouve ennuyeuse l’écriture inclusive. C’est comme si une fois que la soi-disant parité sera établie que les hommes voudront avoir leur peronnalite, car le mot personnalité sera considéré comme féminin ! On tombe dans le ridicule bien des fois). Mais l’histoire, avec un petit h est faite par des actes irréfléchis, incomplets, chargés parfois de rage, de vengeance. C’est ainsi que la statue d’Henri IV fut jetée à bas lors de la Révolution et remise en place en 1818. L’horloger eut le temps de l’admirer puisqu’il ne quitta notre monde qu’en 1823. Ce qui est intéressant c’est que pour la restaurer des gens de toutes conditions ont cotisé pour remettre le monument sur pied.
Breguet à la Tour Eiffel. Après toutes ces histoires, je vais à la Tour Eiffel, m’assieds sur un banc – quelle chance là aussi, pas beaucoup de monde en période de « virus » – je lève le regard et devant moi je lis :

La maison Breguet en 1832. Il y a quelque temps, j’ai vu une émission de la chaîne de télévision RMC au sujet de la construction des ponts et ai découvert le magnifique tableau de Canella qui se trouve au musée Carnavalet ; l’une des responsables du service de communication du musée m’a indiqué comment télécharger l’image. Je la remercie.

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Liens vers :
- Abraham-Louis Breguet – rencontre particuilère 12, 1er article ;
- Documents horlogers d’André Oppel au musée horloger du Locle ;
- Fabrique d’horlogerie Froidevaux, Neuchâtel ;
- Einstein, La Maison Einstein, Les Vies d’Einstein ;
- Le physicien Jean-Pierre Garnier Malet, rencontre 14 ;
- Serge Alzérat et « Sous les jupons de l’Histoire » ;
- Liste de tous les articles de Zully.