C’est l’histoire d’un couple, dont le mari part au ciel.
Ils ont vécu longtemps ensemble, dans les 50 ans. Il émanait du monsieur une autorité certaine. Il avait des idées issues de longues recherches dans le domaine ésotérique et il était une bibliothèque ambulante dans divers domaines. Vers la fin de sa vie, il a assisté aux changements que nous voyons et s’est senti désabusé par les voies empruntées par la société actuelle. Il avait espéré apporter un mieux à ce monde…
Il faut ajouter qu’Il s’était toujours senti à part, dans sa famille, dans la vie, et au moment de quitter ce monde, il constate que. certaines de ses convictions sont mises à mal. Cela l’avait destabilité, mais, Il avait fini par en rire et sa phrase favorite était devenue « cela n’a pas d’importance ». J’ai quand même pu le remercier pour tout ce que j’ai appris de lui et pour ce qu’il avait appris aux autres.
C’est une chance que de pouvoir parler avec quelqu’un qui est près de quitter ce monde et d’avoir un échange de pensées sur une même longueur d’onde. C’est ainsi que nous avons parlé du physicien Jean-Pierre Garnier Malet et que j’ai vu le monsieur devenir plus gai, retrouver une certaine brillance dans le regard.
Le monsieur est maintenant au ciel est il aura découvert les derniers mystères qui lui avaient échappés.
Je rencontre sa femme aujourd’hui, et elle me dit que bien qu’elle soit submergée par un tas de démarches et des papiers à remplir, elle reprend sa personnalité, elle se sent redevenir elle-même.
Comme je le dis plus haut, le monsieur avait une certaine autorité et sa femme lui avait laissé le champ libre. Au moment où elle a vu que son mari perdait pied dans ce monde si irrationnel, elle l’a encore soutenu en s’oubliant. « Mais, ajoute-t-elle, je l’ai fait spontanément, c’est maintenant que je le vois ». Je lui dis que c’est par amour qu’elle a agi ainsi.
Elle me dit aussi qu’elle a trouvé des petits mots qu’il lui avait écrits pour la remercier de tout ce qu’elle faisait pour lui bien qu’il ne les lui ait jamais donnés. Je trouve cela beau. Il arrive, effectivement, qu’après le départ que quelqu’un on trouve une chose ou une autre qui nous apporte une réponse, même des mots rapportés par une personne et c’est une sorte de message direct. Je trouve cela magnifique.
Elle se dit contente d’avoi pu parler avec son mari de façon profonde et claire avant son départ ; elle l’a remercié tant pour les bons que pour les mauvais moments. Elle se dit que tout cela fait grandir. Je lui dis alors que son mari lui a fait le cadeau de partir avant pour qu’elle puisse se retrouver. Je vois alors un sourire, un joli sourire, un sourire plein de lumière, se dessiner sur les lèvres de la dame, laquelle dit : « Je n’avais pas pensé à cela ». Je me dis, voilà pourquoi je me suis arrêtée aujour’hui pour parler avec elle. Ce sont des idées que le monde d’ailleurs m’a transmises pour elle. Nous nous séparons dans une sorte de félicité.
Cet endroit, témoin de ma vie, m’est arrivé comme un cadeau. J’avais fini mes études de danse à l’École de chorégraphie de Bucarest, suivais les cours d’économie politique à l’université de Neuchâtel et donnais en même temps des cours dans la cave qu’une amie me prêtait. La cave appartenait à ses parents et quand ils ont découvert que j’y donnais des cours et que leurs vins étaient soumis à des hausses de température, j’ai été priée de partir. Bon… Je pleure dans la rue et rencontre Ernest Grize, le premier régisseur du Centre culturel neuchâtelois qui s’appelait à l’époque aussi Théâtre de Poche neuchâtelois (TPN). En plus du bâtiment où était situé le théâtre, il y avait un local un peu plus loin appelé la Cave perdue. Le nom est significatif car il faut savoir où l’endroit se trouve pour y accéder ! À ses débuts, il avait été un endroit pour le bricolage et le dépôt de décors ; puis, des répétitions ont eu lieu. Mais, le lieu est une sous-cave, passablement humide et froide et l’équipe du TPN y avait installé des chauffages roulants. Une fois, ils ont mis une couverture dessus et oublié d’éteindre le chauffage… Alors, elle a retrouvé son vide, si je puis dire. Ernest parle de ma situation, ses collègues hésitent et finalement c’est son point de vue qui l’emporte et le local, retrouve, avec moi, un sens culturel. Encore une fois, c’est à Ernest Grize que je dois d’habiter cet endroit.
Remerciements à Ernest Grize. Sans lui, je n’aurais pas pu développer mon école, je n’aurais pas pu aider plein d’élèves, de parents, un tas d’autres personnes, et n’aurais pas rencontré le compagnon de ma vie, André Oppel. Il n’y aurait pas non plus la reconnaissance posthume d’un des employeurs d’André, M. René Froidevaux, patron de la Fabrique d’Horlogerie Froidevaux S.A – Neuchâtel, et il n’y aurait pas eu de documents faits par André pour cette entreprise au musée Des Monts du Locle ni les montres d’André dans ce même musée, ni tant d’autres choses encore. Je trouve cela fantastique. C’est comme des flux qui se lient les uns aux autres. J’essaie d’en faire une image.
Et ceux qui ont connu Ernest savent qu’il n’aurait pas été qui il a été sans Mado, sa femme, qui était partie intégrante de toutes ses aventures sur cette Terre !Et Ernest ne se serait pas battu pour moi si Jacques de Montmollin n’était pas tombé amoureux du théâtre, n’avait décidé de créer le TNP à Neuchâtel et si sa mère ne l’avait aidé à avoir le local actuel du Théâtre du Pommier. Et le reste de l’histoire remonte au début des temps. Vertigineux !
Le TPN – Centre de culture, 1968, devient en 1971 le Centre culturel neuchâtelois et bien plus tard on y ajoutera Théâtre du Pommier.
Alors, faisons une visite virtuelle du lieu qui est devenu mon studio de danse, mon atelier, ma Cave perdue. Une fois qu’on est entré (à droite de la photo) on trouve :
Le mur de droite :
Le rideau du Théâtre de Poche neuchâtelois. À ses débuts, la scène avait été conçue comme celle d’un théâtre à l’italienne, avec un rideau qu’on ouvrait et fermait. Je me rappelle très bien les mouvements de ce rideau lorsque j’assistais à des spectacles. Puis, il y a eu des transformations et le rideau a disparu. C’est une grande chance que j’aie pu le récupérer. On l’a déjà dit, la Cave perdue est quelque peu fraîche… et le rideau qui était posé à ses débuts n’était pas idéal. C’est Jean-Luc Charpilloz, l’administrateur du CCN qui l’a sorti du sac où il avait séjourné pendant bien des années. Je lui ai donné une seconde vie et suis émue à chaque fois que je le vois, car je le sens porteur d’histoire.
Costumes. J’ai eu la chance d’entrer en possession de costumes qui ont été sur diverses scènes : Bucarest, Saint-Pétersbourg, Moscou. Ils donnent une belle atmosphère à l’endroit.
Décors. André a fait la plupart des éléments de décor de mes spectacles. Je me fais un plaisir d’en exposer quelques-uns.
Photos de Knut. Knut est devenu « le » photographe de l’école et de bien de mes activités.
Théâtre du Passage. Les costumes exposés ont habillé les loges du Théâtre du Passage lors de son inauguration ! Les autres costumes que j’avais prêtés se trouvent aussi à la Cave perdue, on les retrouvera plus loin.
Les fils de suspension. Ils proviennent du magasin Au Pêcheur, de Neuchâtel. Je suis végétarienne et pourtant… je dois une fière chandelle à son aimable patron, M. Demange !
Pressing Blanc-Sec. Cet ancien pressing a aussi participé à mon bien-être. Les housses en plastique qui couvrent tous mes costumes ou qui les empêchent de se salir contre le mur proviennent de ce pressing. Je remercie les patrons qui l’ont tenu.
Mes activités. Se trouve aussi, dans ce mur, un panneau avec mes activités, par ordre alphabétique :
Les activités qui actuellement prennent le plus d’ampleur ce sont les spectacles intimistes que je propose à des petits groupes, les cours pour l’ossature et les articulations ainsi que la révision de textes. Je suis ainsi faite, je m’intéresse à bien des choses, alors, je propose et le destin dispose ! Mais, on retrouve partout le même fil conducteur : apporter quelque chose de nourrissant aux autres.
2. On finit le mur de droite et on arrive sur la scène :
Le sol. Depuis qu’Ernest a posé ce sol, bien des amateurs et professionnels du théâtre, dont Laurent Terzieff, Robert Bouvier, directeur du Théâtre du Passage, ont marché sur ce sol. Je viens d’apprendre que l’actuel directeur du Jardin botanique de Neuchâtel, Blaise Mulhauser, y a également joué ! Des élèves de mon école, de l’École de chorégraphie de Bucarest – dont l’une, Greta Niță, est devenue soliste et vient d’interpréter Giselle pour la première fois (Opéra de Bucarest), dont une autre, Miruna Miciu, est danseuse étoile au théâtre de Zagreb, ont aussi utilisé ce sol. Mais, tous ceux qui l’ont foulé ont gagné quelque chose ; tout le monde a appris quelque chose. Et toujours sur le même sol. Fantastique !
Le miroir. Tout danseur a besoin d’un miroir, non point par besoin narcissique ; tout simplement parce que le miroir lui dit si l’image qu’il donne correspond au mouvement qu’il imagine. Tout danseur a aussi besoin d’un maître de ballet. C’est un avantage par rapport à bien des professions. Les corrections font partie du quotidien d’un danseur et tout avis lui est utile. Cela favorise l’ouverture de l’esprit. J’avais donc besoin d’un miroir, c’est le magasin ABM qui me l’a fourni lors de sa fermeture. Je l’ai transporté avec l’aide d’amis. Avec le temps, l’humidité a déformé le mur en bois de soutien et c’est Jean-Luc Charpilloz qui a eu l’idée de renforcer son armature. Je le remercie.
Les fonds de scène, les rideaux. Le premier rideau avait eu pour fonction de cacher le miroir lors des spectacles et filmages. Puis, je me suis dit que ce serait bien d’avoir un fond de scène. Par la suite, le répertoire s’enrichissant, j’ai eu le besoin et l’idée d’avoir un fond rouge et un fond blanc. De plus, Knut, le photographe, a aussi eu besoin de varier le fond de ses photos. Le premier système c’est aussi Jean-Luc qui l’a posé. Le dernier c‘est Roger, cet ingénieur si pratique qui s’est dévoué. Les rideaux roulent ! pour ainsi dire.
Le plafond de la scène. On retrouve ma vielle compagne : l’humidité. Lorsque je suis arrivée à la Cave perdue, le plafond était celui d’une cave du xviiie siècle, soit poutres visibles et sable. Lorsque le voisin du dessus marchait, le sable tombait sur mes 33 tours… Jean-Luc, le même personnage pratique du CCN déjà mentionné, a alors posé un faux plafond. Mais, l’humidité l’a dégradé. Cela s’est fait peu à peu et personne n’a apporté de solution sans devoir tout démonter et changer ou faire des travaux importants. Voilà que Roger me suggère d’y mettre du tissu. Il aurait voulu un autre système que j’ai trouvé très compliqué et suis arrivée à celui qu’on voit. Cela donne des allures d’un palais impérial, n’est-il pas ? comme diraient les Anglais.
Nouvel éclairage de scène. L’ancien système posé par Ernest revenait vraiment très cher. J’ai demandé à Gilles Pernoud, le patron de Sound Patch, de me donner un coup de main. Il a été remarquable tant avec les idées qu’avec sa manière de procéder. La lumière tamisée trouve son origine chez Ticu, l’un de mes amis à Bucarest. Il voit dans la rue, du temps du socialisme, une dame avec un sac en plastique avec une image de la ville de Zurich. Il lui demande le sac. On ne sait ce que la dame a pensé, mais elle le lui donne. Il le découpe et entoure l’abat-jour de sa lampe. Tous les amis allaient admirer sa lampe. Retour à Neuchâtel, maintenant. J’ai des lampes Ikea que je voudrais rendre plus jolies, reçois un sac en papier de chez Cighélio, le bureau d’impression de Neuchâtel, il est rose… La chose doit travailler dans ma tête car j’en demande un second et habille mes lampes. J’aurais voulu en avoir une réserve, mais il n’y en a plus. Je les traite avec beaucoup de soin.
Les chaises de Freddy Landry :
Lorsque j’ai repris la Cave perdue, il m’a manqué des chaises. Le sort a voulu que j’hérite des chaises de Freddy, des chaises dignes d’un palais. J’en ai sept, nombre magique s’il en est ! Je dois en prendre soin assez constamment car l’humidité, une fois de plus, se fait sentir. Mais, j’ai trouvé une parade grâce à Claude Lienher de l’atelier de menuiserie d’Évologia et les choses vont bien. Les chaises sont contentes d’assister à toute sorte de choses et je suis contente de montrer celles qui sont devenues mes Freddy-chaises !
Un écriteau fait par André :
Écriteau composé par André et découvert sur place quand j’en suis devenue la locataire principale.
Bon, les usagers sont avertis… J’aime cet écriteau parce que le texte abonde dans mon sens et surtout parce que l’écriture est tellement représentative d’André, du graphiste qu’il était, du personnage si présent et dont l’écriture est le portrait.
3. Mur de gauche :
Ileana Iliescu. Elle a été danseuse étoile à Bucarest. Ce qui m’a marqué chez elle, c’est sa présence sur scène, elle la dominait. De plus, elle dansait naturellement. Je dirais aussi qu’elle était une danseuse racée. Le port naturel qu’elle avait sur scène, elle le garde encore aujourd’hui. Elle l’avait de naissance, mais Maître Anton Romanovski, l’avait aussi et il l’a aidée à le mettre en évidence.
Rudolf Noureev. Danseur dont la personnalité prenait toute la scène. Je l’ai aussi vu danser et la netteté de ses pas était le reflet de l’école Vaganova. Sa photo, ainsi que celles d’Ileana Iliescu, ont été « montées » par l’atelier Cighélio.
Photos de Knut. Knut a photographié les danses de ces dernières années et fait de très jolis effets.
Affiches des années 1990. Lorsque j’ai repris le local, j’ai trouvé des affiches de Bernard Haller et d’autres affiches de la Cité universitaire. Il faudra voir à qui je peux les transmettre.
Une porte. Elle se trouve à la fin du mur de gauche.
L’arcade au-dessus de la porte a été réparée par des travailleurs de l’entreprise Facchinetti. J’ai connu M. Gilbert Facchinetti et une fois que les travailleurs ont su cela, je suis devenue un membre de la famille !
Atelier de menuiserie d’Evologia. Cet atelier fait aussi partie intégrante de ma vie. Je lui dois bien des conseils avisés et des éléments de rangement pour mon local. J’ai rafraîchi cette porte avec une teinture provenant de l’atelier. Je viens d’apprendre que son chef et formateur, Claude Lienher, part à la retraite. J’ai pensé qu’il resterait toujours…
Afin de lui donner un genre, je l’ai décorée.
L’année passée, j’ai ramené de Paris l’écriteau sur les Champs-Élysées. J’aime Paris, je m’y sens bien. Je crois bien que c’est l’écriteau qui m’a choisie et pas le contraire.
Je retiens de ce qui est écrit sur le nom de l’avenue de Paris qu’elle « signifie aux promeneurs qu’ils ont le privilège de pouvoir se reposer dans les jardins du roi ». À l’origine, c’est le lieu où les héros et les gens vertueux goûtent au repos après leur trépas. Chez moi, personne n’a trépassé, mais comme la porte mène aux coulisses, on peut dire que là reposent les costumes et décors de mes spectacles. Comme la porte mène aussi à la salle d’eau, tous ceux qui ont fréquenté mon local sont aussi passés par là. C’est en tous les cas un endroit qui respire la tranquillité.
4. Mur du sud :
On arrive au dernier mur de la salle. J’y ai accroché deux décors faits par André pour des danses de mes spectacles.
On y voit aussi quatre chaises, trouvées en ville lors d’une promenade. On y voit l’un des costumes utilisés pour l’un de mes spectacles intimistes.
Meubles dessinés par André, faits par Ernest et rajeunis par moi :
Chaque fois que je vois ces meubles, ils me ramènent dans une dimension où André et Ernest sont présents. J’ai toujours eu soin de toute chose, mais, je me surprends à chaque fois à me dire que ce n’est qu’aujourd’hui que j’en suis vraiment consciente. C’est ainsi qu’au début, afin de protéger la table de divers usages, je l’ai couverte d’une toile noir brillant. Lorsque j’ai repris le local, j’ai enlevé la toile qui avait passablement souffert, j’ai lavé la table et l’ai repeinte. De même que le banc. Je leur ai peint une décoration de mon genre. Aujourd’hui, je les ai cirés et brillés et une fois de plus, je me suis dit que c’était à ce moment-là que je prenais conscience de tout ce qu’ils représentaient.
Droguerie Schneitter. Diverses peintures, produits de nettoyage, colophane, ainsi que des conseils proviennent de chez Schneitter.
Des éléments incontournables dans mes cours :
Essence : c’est le squelette. Mais, c’est un squelette qui pense. On le voit penser à droite. Il a des pensées plus ou moins en ordre. Ce qu’il y a d’intéressant ce sont les idées très ordonnées à côté, prêtes à entrer dans sa tête alors que dans sa tête il y a une pensée qui… à vous de décider « une idée qui tombe juste à pic » ou « zut, une idée qui s’en va ». C’est le genre de choses que l’on voit dans mon cours « Visitons les chambres du cerveau », cours donné au sein du Passeport Vacances.
Tout un ensemble !
J’ai des choses très diverses dans mon studio et pourtant elles participent de l’atmosphère qui y règne. Il y a une unité. Je suis moi-même un ensemble de connaissances acquises dans divers endroits et provenant de tous ceux qui ont croisé ma vie. Et pourtant, tout ce que je fais porte mon empreinte. Je ne serais pas qui je suis sans les autres et sans les choses qui ont traversé ma route. Je suis de l’avis que tout est important et qu’on doit prendre soin de tout, tant des choses que des gens. Nous ne sommes rien sans les autres il n’y a pas besoin de faire appel à des théories philosophiques, le simple bon sens suffit !
5. Après la porte qui mène aux Champs-Élysées.
C’est l’arrière-salle, c’est l’endroit où l’on trouve les costumes utilisés lors des spectacles, les réserves de chaussons, les supports de musique, du matériel divers.
J’ai mis un rideau pour continuer avec une atmosphère de château et aussi, disons-le, pour couper le froid en hiver.
À droite. Divers décors : un poisson qui rêve dans les airs, une jupe de répétition de l’Opéra de Bucarest, des affiches du « Lac des cygnes », dont mon amie, Ileana Iliescu, ancienne danseuse étole de ce même théâtre, a fait la chorégraphie, et divers objets d’autres spectacles.
À gauche. La porte ouvre sur des escaliers que j’ai utilisés pour des rangements de costumes.
À droite, le corps humain. J’ai pu suspendre ces deux affiches inspirée par les systèmes d’accrochage des rideaux par Roger.
À gauche, la salle d’eau. Je l’ai aussi décorée avec une réclame ancienne de savon de Marseille et d’autres éléments de spectacles.
Les costumes, des réserves de tout genre et des décors se trouvent aussi dans l’arrière-salle. Mais, cela prend trop de place ici. Ce sera une autre fois.
Je ferme la boucle : sans le geste d’Ernest, rien de tout cela n’aurait eu lieu. Il n’a pas pensé jouer un tel rôle et c’est cela qui est magnifique. Je le remercie. Prendre conscience de tout cela me force à faire de mon mieux pour que son geste reste vivant.
Introduction. Stories don’t always have the same way to start. This one is linked to my late friend, André Oppel, graphic designer and artistic director of the Théâtre du Pommier in Neuchâtel, Switzerland, and who left me some affairs that I kept hoping that once they would go to the right place.
My friend and me always lived in the present. We seldom talked about the past, his or mine, not because we desired to avoid something, in fact it didn’t come in our way. He knew a lot of people and among them there was Jack. He greeted him and I greeted him. The hazard, this famous hazard that doesn’t exist, let me to know that Jack’s family name was « Froidevaux ».
For years I told myself that if I had a website I could insert all the works my friend had left in this world. I scanned his drawings and different works, but there was no unity. A friend told me very kindly that it looked like « widow remembrances ». He was right as I had one piece from here and another from there. But, nevertheless, I kept them.
Once, looking at them again, I saw some collages and a catalog from the « Fabrique d’Horlogerie Froidevaux » and remembered that my fried had told me once that Jack’s father had been a manager. Time passes by and today, as I showed the catalog to Jack, he says that it was the catalog of his father’s company ! He says that my friend André had worked for the company as graphic designer. I ignored that and feel richer of a new element of my friend’s life and has the impression that he waves me from the world where he is now. Jack tells me about the story, absolutely fascinating, of his father’s company, Mr. René Froidevaux.
Mr. Froidevaux developed, after the Second War, the small factory that he had bought. He felt that Italy was going to recover economically and created a lot of watches sold in this country. At that time watches were sold under the name of the traders who had ordered them or under the name of the shops that sold them. That is why his name didn’t appear on the watches. Mr. Froidevaux produced watches of the top of the middle range. Here we have some of his trades : Forte – Pryngeps – Escudia – Soly, etc. Cadola was the trade sold in Switzerland and it is my friend André who designed it and made the graphics !
What i find remarkable :
Mr. Froidevaux watch factory is the first company to have introduced the English week within the work frame, that means that the workers were free on Saturday mornings !
Mr. Froidevaux was a manager, a helmsman who cared about the well-being of his workers within and outside his enterprise. He founded a provident found which he endowed of a rental property worth 450’000.- Swiss francs of that time out of his own pocket ! The apartments were rent, in priority, to his workers ;
another example : when the company received a letter asking for payroll deductions of a worker due to debts, Mr. Froidevaux asked the worker to come to his office and asked him wether he agreed that he, Mr, Froidevaux, would pay the debt and and offered him a reasonable spread of the debt avoiding him any prosecution and that without interests ! in that way the worker continued to work and his family was safe ;
Mr. Froidevaux also felt that his workers deserved a canteen and for this purpose fitted out premises in a building he had constructed opposite the factory ;
next to the factory he built a swimming pool which he also made available to his staff ! He makes me think of Mr. Gilbert Facchinetti who also had a similar gesture for people with disabilities ;
Mr. Froidevaux used to care of his workers and their family. The caretaker had a disabled son who after compulsory school should have gone to a specialized center far from his family and in an unenviable environment. He asked his foreman what the boy could do. The boy took his time but he became an excellent worker ! So much so that he aroused the jealousy of some of his colleagues who commented that he should not be paid like them !
Mr. Froidevaux’s factory was a social model. The Swiss watchmaking federation sent members and visitors so that they could see how the company was operating.
Not so long ago, Mr. Schneeberger, the caretaker we spoke above, left our world. Jack went to the funeral. People went to him and his brother and told them how Mr. Schneeberger had been grateful to Mr. Froidevaux for his attitude and used to tell that he had lived the best time of his life under his leadership This was echoed in the homily. Hats off !
Then came the economic crises of the 1970s. Mr. Froidevaux did not see it coming. The company ceased operations in 1975 as a result of nasty maneuvers of people next to him and to opportunistic competitors. What a pity ! Further information can be found in the last paragraphs on the other article on Mr. Froidevaux. The link is at the bottom of this one.
Even though Mr.Froidevaux is no longer of this world, I am moved to know who he was. He is the kind of example to follow !
The surviving catalog of its long history has no date, we must be at the end of the 1950s. Here are a few pages.
The cover ot the catalog by which the story happened. Note that it is in perfect condition. Jack tells me that André disigned this watch. What an emotion !
Watch hands have turned many times since the beginning of this article. Jack and I agreed to met so that he ould retrieve the catalog of his father’s business. It is a moving moment for me, it is a piece of Neuchâtel history to which I am now a part. It fills me with joy. I really admire Mr. René Froidevaux. I have just learned that when he decided, in 1942, to buy the factory from his original owner – the company run buy a couple at the end of the line had then six employees and produced small series – the town hall appreciating an entrepreneur who had the courage to start when there was war and the national economy had some difficulties told him that he could benefit from a tax package to let him grow his business. Obviously they didn’t know Mr. Froidevaux, as if he had a character, let’s say, rather difficult, he had undeniable human qualities and principles ; he did not want to owe anything to anybody and paid his taxes 100 % ! In 30 years he grew from 6 to 150 employees and developed a thousand points of sale in Italy, a country, as mentioned earlier in this article, was developing very well after the War. Magnificent !
Here we see Jack leafing « his » catalog which looks brand new – we know time doesn’t exist and the 1950s were yesterday !
The article may be getting rather long, but I can’t resist the temptation to add drawings made by André.
And here is a Cadola arrived by the Web, so to say A gentleman bought a Cadola and sent me his picture. As we can see it is in a very good shape, looks good and looks as a sister of those of our time ! His owner says he wears it « with respect and pleasure » when it is not on display. I often say that the way we treat objects says a lot about us. No need to make a comment on the present case ! Moreover, this gentleman says that he has something in common with Mr. Froidevaux : » Pleasure at work and respect for collaborators (who give it back to you). In addition, he adds, the model exudes good humor, simplicity and lightness ».
December 2021. I get a Christmas present ! Fabio, an Italian, lets me know that he is passionnated by Italian watches – Mr. Froidevaux exported a lot to Italy – and he sent me two wonderful pictures of the two Cadola of his collection and they are in perfect working order. What can we say ? Time doesn’t stop ! Here they are :
Janvier 2022. Benoît, another watch passionnated.
Benoît tells me that the watch jumped out at him when he saw it at the flea market. I would say that the watch knew that it was going to go to the right place and would find again a part of its past life. So, did Benoît chose the watch or is it the watch that chose Benoît ? Anyway, they are well together ! En tous les cas ils se sont trouvés !
I ask the collector how many watches he possesses : around 300 – 400, he answers. « At home, I always saw watches and I find them a beautiful jewel for men ». Your oldest one ? A Cyma from 1916-1917, he replies. And here is when the magic of life appears : on the very same day I had given a ballet-theater performance to some people I had just met, and one of them was the director of Tavannes Watch Co. In fact, Cyma belonged to the Tavannes manufacture and it is the last one who made the Benoît’s oldest watch. I already had in mind to write an article on this watch makers because the director had told me so many interesting things about his enterprise while we were having a drink on my studio after the performance. Life is telling me now that I am on the right way. Suite, au prochain épisode ! (So, on to the next episode ! )
This watch collector sent me a series of photos that I couldn’t resist. The fact that I saw the watch in this way made me almost feel and even hear all the protagonists to its adventure in this world. Voici donc la même montre dans tous ses états !
No 1 c’est nous avant l’exercice dont traite cet article et No 2 c’est notre corps pendant l’exercice.
La synovie. On le sait, chaque articulation doit être lubrifiée. Ce qui la lubrifie, c’est la synovie et la synovie se produit lorsqu’il y a mouvement. La synovie permet à une articulation de bouger dans toute son amplitude. Elle empêche donc les frottements. On peut avoir une articulation en fort mauvais état et cependant n’avoir aucune douleur ; l’inverse est également valable, on peut avoir une petite déformation dans une articulation et avoir de grandes douleurs. Le mouvement a sa raison d’être et en fait, tout dans notre univers bouge : tant l’infiniment petit que l’infiniment grand.
Notre univers bouge aussi. Je viens de revoir avec un ami passionné de physique le mouvement de la Terre, du Soleil, de notre Galaxie et des autres galaxies. Cela me fascine. Voici le lien avec l’article.
Ici on voit la Terre tourner autour du Soleil, la Lune – dans le cas présent est en éclipse et c’est pour cela qu’on ne la voit pas. Mais, il faut ajouter mentalement toutes les autres planètes et leurs lunes tourner autour du Soleil. Ensuite, il faut imaginer le Soleil tourner autout du centre de notre Galaxie et toutes les autres galaxies tourner aussi. C’est un mouvement infini, une danse extraordinaire.
Dans la session présente, nous traitons de divers sujets et voilà qu’on arrive à faire des cercles avec le corps. En principe, on fait bouger le corps à partir d’une ou deux articulations, mais cette fois-ci, j’ai senti que l’on pouvait aller plus loin et les notions revues avec Knut, le passionné de physique, se sont faites présentes, sont remontées à la surface et ont dit qu’elles avaient une utilité. Alors, on a imaginé que toutes les articulations faisaient un cercle, dessinaient une orbite. Quand je dis toutes, c’est vraiment toutes : dans les chevilles, les genoux, les hanches, entre chaque vertèbre. C’était un vrai univers. Pour la petite histoire, nous avons 360 articulations.
Le nombre de cercles dans notre exercice et les fils dans le qi gong. J’ai fait du qi gong pendant des années et j’ai eu du fil à retordre – expression fort bien venue – avec les fils qui sortaient du dan tian ou centre sous le nombril et qui étaient liés à différents points du corps. Dans la danse classique, on a un univers plus clair, limpide. Tous ces fils brouillaient ma vue… Or, il se trouve que du travail s’est fait et que cette fois-ci, je pouvais voir tous les cercles et tous les fils selon les mouvements de mon corps. Nous sommes tous différents et je n’ai jamais entendu un participant au cours dire que l’histoire des fils leur posait un problème, mais voilà, chez moi maintenant, je peux les suivre même lorsque je suis en train d’écrire cet article. Ils sont harmonieux et pas un ne s’emmêle !
Fin de l’exercice. Il faut dire qu’auparavant, nous avions fait de la réflexologie un long moment. Alors, avec ces cercles en plus, le corps avait besoin de se reposer. C’est ce que nous avons fait. Cela a aussi été le moment d’aller remercier les cellules qui nous composent. Elles travaillent tout le temps. Cela a aussi amené un beau moment de tranquillité mais où l’on sentait tout le corps « vivant », comme dit Anne, l’une des participantes au cours.
Mon cours. Oui, nous avons tous un corps, mais on l’utilise sans y penser la plupart du temps. C’est comme tout notre environnement, notre mère, nos profs, nos affaires. Si on en a besoin et que cela « fonctionne », on « prend », mais si nous avons mal à une dent, à un coude, on se rend compte que tout dans notre corps est important. Aussi, prendre des moments pour le ressentir et le remercier me semblent importants. Le remerciement fait tant de bien !
Comme je le dis dans l’article consacré à Knut : On le sait, l’appétit vient en mangeant. Il en va de même dans les relations. Knut est devenu « le » photographe de mon école et ma curiosité pour les sciences, la mathématique en particulier et la physique par conséquent, a trouvé où se nourrir, chez lui, puisque son premier choix d’études fut la physique ! Eh oui ! la photo, la danse, la mathématique, la physique, tout cela va ensemble. La série d’articles commence aujourd’hui.
Café atomique – définition : Knut m’invite à boire un café, en fait c’est lui qui boit le café, moi, je prends de l’eau chaude et on discute physique, atomes, particules, énergie, etc. Spontanément m’est venu le nom de « café atomique » pour désigner nos conversations.
La vitesse de la Terre. Je ne sais plus comment cela s’est fait que j’ai choisi ce premier thème. Il me semble me rappeler que je cherchais à expliquer à une élève que les choses sont relatives et que je me suis dit que c’était curieux que la Terre tourne et que je ne le sente pas.
Raison : nous ne sommes pas sensibles à des vitesses constantes. Je sais bien que la Terre tourne autour du Soleil, etc. Mais, c’est fascinant de voir surgir à mon esprit les astres et galaxies quand Knut les nomme : la Terre, notre planète bleue, tourne autour d’elle-même, à une vitesse = 1 000 km/h ; elle tourne aussi autour du Soleil, notre étoile, à une vitesse supérieure = 107 000 km/h ; le Soleil lui-même tourne autour du centre de notre Galaxie, en même temps que les autres 100 à 200 milliards d’étoiles, à une vitesse encore supérieure à celle de la Terre, soit = 850 000 km/h ; la Galaxie, la nôtre et toutes les autres, tourne à son tour à une vitesse encore plus rapide = 2,3 millions km/h. Cela continue, car notre amas de galaxies tourne lui aussi !
Vitesses constantes : nous ne ressentons donc rien, car ce sont des vitesses contantes. On le remarque lorsqu’on est dans une voiture fermée, immobile ou qui roule à une vitesse constante, on ne ressent rien du tout. C’est quand même fabuleux ! Nous ne sommes sensibles qu’à des accélérations et des descélérations. Au fond, c’est comme dans une relation, un couple, quand tout va bien, on vit tout simplement et quand il y a des disparités, cela tangue…
Remarque : la Terre tourne sur elle-même dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, elle tourne autour du Soleil aussi à gauche. On se demande pourquoi les aiguilles d’une montre tournent à droite. J’ai déjà vu des horloges tourner à gauche. Certains courants philosophiques disent que le temps vient de la gauche, raison aussi pour laquelle, on traite parfois certaines parties du corps d’abord à gauche.
La Lune : on ne la voit pas dans ce dessin car elle est en éclipse. Mais elle est là !
Dans ce dessin, il nous faut ajouter mentalement les planètes et leurs lunes tournant autour du Soleil. C’est vertigineux !
Conséquences de quelques changements. Si la Terre venait à perdre de sa masse, elle serait absorbée par le Soleil. Si elle gagnait en masse, elle irait ailleurs.
Ce qui me fascine : l’harmonie, la mathématique qu’il y a dans cet univers.
Au fond, c’est une danse continuelle : la Lune tourne autour de la Terre, la Terre tourne autour d’elle-même et en même temps autour du Soleil, le Soleil tourne autour de la Galaxie et les galaxies tournent aussi. Quand j’imagine cette danse, elle me procure une immense joie !
Les astres et lalangue française. Moi qui aime tant les langues, je ne peux m’empêcher de citer quelques expressions : être dans l’orbite de quelqu’un, par conséquent « être hors orbite », être le soleil de quelqu’un, avoir une place au soleil, être bien luné, être dans la lune. On aura remarqué que l’astre s’écrit avec majuscule et que lorsqu’on en fait un usage dans notre langage courant il est habillé d’une minuscule. Ah oui ! Je demande conseil par moments soutenus à un expert en langue française, Chambaron de son nom de plume, un personnage remarquable, et comme cela faisait un moment que je n’avais plus fait signe il m’a dit « je sais que vous êtes à éclipses ». C’est tellement joli. Heureusement que je ne suis pas tout le temps à me rappeler aux uns et aux autres.
Je me cite : « Eh oui ! la photo, la danse, la mathématique, la physique, tout cela va ensemble. »
Dès que l’occasion se présente… Les notions bien ancrées n’hésitent pas à revenir à la surface à la première occasion. Cette fois-ci, c’est pendant le cours que j’ai créé « @articulations – jouons avec elles ». Nous avons un exercice où l’on fait faire un cercle à une articulation. L’idée m’est venue d’imaginer que toutes les articulations tournaient. En fait, c’est vrai, elles tournent toutes, mais on n’en est pas conscient. Dans le cas présenti, chaque articulation a eu son « orbite » à faire, même celles entre les vertèbres. C’était un spectacle magnifique ! Ici bas, vous avez une vague représentation de ce que nous avons vécu au cours :
no 1 le corps avant de partir « en orbite » ;
no 2 le corps « en orbite ».
On tourne un certain nombre de fois et ensuite, on se couche par terre pour écouter ce que le corps dit. En plus d’imaginer les articulations tourner, il fallait être conscient que la synovie se répandait dant chaque articulation… Tout aussi vertigineux que les planètes, les lunes, les soleils et les galaxies qui tournent… C’est un moment très intense et particulier pour chacune des personnes qui le fait. Il n’y a pas de règle pour le ressenti.
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Tout au début de la pandémie, des gens ont dit « c’est une leçon, on doit changer notre mode de vie », d’autres ont dit « c’est un complot, on veut nous contrôler ». Je ne sais qui a raison, mais j’ai été témoin de personnes qui n’arrivaient pas à se débrouiller et cela m’a permis de développer certaines aptitudes.
Nouveaux métiers. De façon générale, j’aime faire beaucoup de choses. En l’occurrence, j’ai proposé mon aide et suis devenue : décrocheuse de rideaux très compliqués, teinturière de cheveux (je sais, le terme n’existe pas, mais si je mets coiffeuse, le compte n’y est pas), coupeuse de cheveux pour dame et pour homme, barbière aussi, de même que régleuse de programmes de TV alors que je n’ai plus de TV et que le système a changé depuis 20 ans…, et dernier en date, régleuse du téléphone sans fil. Pour ces métiers, j’ai eu recours à diverses informations dont celles sur la Toile. Se couper soi-même les cheveux, c’est une chose, les couper, bien les couper à quelqu’un d’autre, c’est différent. Quant au dernier métier, celui de régleuse de téléphone sans fil, il m’a coûté des sueurs, car si le téléphone ne fonctionnait pas, ce n’était visiblement pas une question de batterie. En plus, je voyais ses propriétaires inquiets, se demandant comment ils allaient faire et moi je me disais que ce devait être simple à régler à condition de connaître la logique de celui qui avait conçu l’appareil.
La logique des uns et des autres. Il est évident que celui qui fabrique un appareil, le fait de façon logique et que lorsqu’il le vend, il y a un mode d’emploi logique. Mais, bien des gens savent que les modes d’emploi, souvent des traductions, ne sont pas clairs. Cette fois-ci, j’ai finalement aperçu une clochette (on ne doit pas écrire une petite clochette, mais elle était vraiment petite… même très très petite) barrée sur l’écran. Là, je me suis dit que le contructeur et moi avions la même logique). Je me suis dit que ce devait être la sonnerie qui avait été coupée par on ne sait quelle manoeuvre. Mais, allez trouver le même signe dans le mode d’emploi ! Rien, rien de rien. Le cas n’a visiblement pas été prévu. Finalement, en pressant ici et là, j’ai retrouvé la sonnerie (sans le dessin de la fameuse clochette dans le menu !). Quel soulagement pour les propriétaires et surtout pour moi, car je sais que j’ai rendu service et, surtout, acquis de nouvelles compétences !
Une année plus tard. Je rends service à une voisine qui dit que j’ai l’âme du bricoleur. Je ne l’avais pas remarqué et reste un peu dans une interrogation. Voici que les personnes que j’aide et qui me font découvrir de nouveaux métiers ont un problème avec les lumières de leur cuisinière. Je n’y connais rien, mais je vois se dérouler une sorte de mode d’emploi dans ma tête grâce aux mots de ma voisine et il me dit que ceux qui ont installé le système ont pensé que les utilisateurs seraient des gens simples et que, par conséquent, je dois pouvoir ouvrir la vitre qui protège les ampoules. J’ai pris du temps et poussé à droite, à gauche et encore une fois à droite et à nouveau à droite, poussée par je ne sais quel instinct et finalement, j’ai réussi. Le système était bloqué à cet endroit-là. Ce qui compte le plus c’est le soulagement dans les yeux du locataire de l’appartement ! J’ai un nouveau métier et ce n’est pas fini.
Non, ce n’est pas fini. Je rentre chez moi et entends mon téléphone fixe qui sonne. Ce téléphone, je l’ai uniquement pour les réclames et inscriptions sur des plateformes. Je ne le décroche pratiquement jamais. Il a d’ailleurs une sonnerie qui doit déranger la voisine d’en bas. Forte de tous ces remerciements et de la remarque de ma voisine, je m’essaie une fois de plus avec ce téléphone pour lui faire baisser le son. Dans les réglages normaux ou avancés il n’y a rien. Je ne sais plus quelle rubrique j’ai pressée, je crois bien « sonnerie » et après l’avoir changée, je me dis que j’aurais au moins réussi cela, est apparu… devinez.. le volume ! Non, mais des fois (comme oon dit en bon neuchâtelois) ! Je vous le dis, la logique des uns n’est pas celle des autres. Cela ne fait rien, j’ai réussi (cela faisait quand même quelques années que la sonnerie me tapait sur le système). J’espère que cela me servira à quelque chose quand je serai au ciel même si Einstein dit qu’en dehors de notre planète le temps et l’espace se déforment. Mais, bon, il n’a pas parlé des sonneries, je verrai bien !
Tant qu’on vit… C’est vrai, tant qu’on vit on a de nouvelles expériences. Voici le dernier de mes derniers métiers : réparatrice de guirlande de Noël ! Je sais, on est en plein été et voici que la guirlande que j’ai offerte au couple de personnes que j’aide depuis quelques années (c’est fou ce que le temps passe !) a éteint ses lumières. C’était déjà arrivé au début du printemps lorsque le monsieur, désirant couper les plantes de son bac a malencontreusement coupé le fil de la guirlande. C’est Roger Peeters, un horloger en devenir et protagoniste de quelques unes de mes aventures dans ce monde, qui m’a dit comment faire. J’ai finalement réussi. Il y a quelques jours, le monsieur déplace les lumières et, hop, les lumières n’ont pas aimé. J’ai dû faire bien des essais parce que le système d’allumage est compliqué et qu’on ne sait si c’est allumé ou pas ni si les variantes de jeu de lumières fonctionne ou pas. Mais, j’ai réuissi là aussi. Cela me fait d’autant plus plaisir que j’aime l’électricité. J’aime ce phénomène que l’on voit mais que l’on ne peut toucher.
Un début. Il faut un début à tout, et je prends celui de mon histoire. J’avais une amie qui me prêtait sa cave, en fait c’était la cave de ses parents ; elle avait un joli sol en bois, sol idéal pour mes cours de danse. C’est comme cela qu’Olivier Soerensen, qui en plus d’avoir été un merveilleux pianiste et doté d’un joyeux caractère, a pris ses seuls cours de danse. Il avait aussi de très jolies jambes, je les vois encore dans le collant noir que je lui avais prêté. Sa carrière de danseur s’est arrêtée assez vite, à mon grand regret, car il a fait une chute dans un escalier… Bref, je donnais mes cours là. Un jour, les parents de mon amie l’apprennent et se fâchent parce que c’était une cave à vin et que la présence de plusieurs personnes augmentait la température… chose nuisible pour le vin. Je me retrouve, pour ainsi dire, à la rue. Cela fait que je marchais dans la rue en pleurant et que je rencontre Ernest Grize.
Un autre bout. J’avais mon diplôme de l’école de Chorégraphie de Bucarest, Roumanie, et donnais des cours de danse à Neuchâtel dans cette cave en même temps que j’allais à l’université, section sciences économiques. Je donnais aussi des cours à l’École Supérieure de Jeunes Filles. C’était la première fois que l’on enseignait de tels sujets à l’école. Madame Lucette Junod dispensait des cours de théâtre et avait organisé un spectacle au Théâtre de Poche, Centre culturel neuchâtelois. Mon groupe de danse y participait. Ernest Grize, le régisseur du théâtre, en avait fait la régie. Voilà le début du commencement, comme l’on dit.
Cave perdue. Je suis donc en train de pleurer dans la rue, Ernest me voit et me demande ce qu’il m’arrive. Je lui raconte. Il me dit que le théâtre a un local qu’ils n’utilisent pas et qu’il va en parler avec ses collègues. Résultat : j’ai pu occuper la Cave perdue et donner un nom à mon école. Mais, ce n’est qu’il y a quelques mois que j’ai su, par Mado, la femme d’Ernest, que cela avait été sur l’insistance de ce dernier que les membres de la direction, Jacques de Montmollin, directeur administratif, et André Oppel, directeur artistique, avaient donné leur accord. Ernest ne m’a jamais dit le rôle qu’il avait joué. Cela me touche profondément et m’incite à être meilleure.
2020, Mado Grize me rend visite. Mado Grize, la femme d’Ernest, est toujours de ce monde et vient passer deux jours chez moi. C’est une fête que de la recevoir. Elle fait partie de mon monde d’avant et elle est la gentillesse même, une joie de vivre aussi. Il n’y a pas de conversation où elle ne fasse entendre son rire si chaleureux. Elle vient à Neuchâtel pour recevoir un don pour son association « Action chèvre de Mado » (ACHEMA).
Mado me raconte l’histoire d’Ernest, l’aventure du CCN, celle de la Cave perdue. Je suis en joie, car cela fait un moment que je cherche des informations sans en trouver. L’ancien directeur du CCN m’avait dit que les archives n’intéressaient personne, s’en était débarrassé et lors de la célébration des 50 ans du CCN… des miettes. Ce jour-là, Jacques de Montmollin, le premier directeur administratif, n’avait pu y assister. La seule survivante de l’équipe des débuts, Mado, qui aurait pu le faire, n’a pas été invitée ; justement, par manque de connaissance de l’histoire du CCN. Il m’arrive souvent de penser que la branche la plus importante à l’école devrait être l’histoire. Si on ne connaît pas son histoire, on passe à côté de bien des choses.
Histoire d’Ernest 1. Il avait été abandonné à la naissance, pas reconnu par son père biologique et placé dans une pouponnière aux Bayards, puis en pension chez Madame Perret à Neuchâtel. Son futur était tracé, il irait dans un asile pour orphelins. Heureusement pour lui, la famille Grize, qui habitait la maison à côté, est tombée sous le charme du bambin et l’a adopté. L’adoption lancée, Ernest vit avec la famille. La procédure pour avoir légalement l’enfant dure quand même trois ans ans avec force péripéties dont la reconnaissance officielle du père biologique. Avec l’adoption, la vie semblait sourire à Ernest, mais, il perd son père adoptif peu après l’adoption officielle , il a 9 ans. Trois ans plus tard, c’est sa mère adoptive qui meurt ; Ernest a 12 ans. Il devient alors un enfant de la Maison de Belmont – institution qui reçoit les enfants qui n’ont plus de famille et il a un tuteur.
À son décès, sa maman adoptive lui laisse la somme de presque Fr. 8 000.- sur un compte bancaire. J’ai le relevé. À l’époque c’était une grosse somme. Il devait la toucher à sa majorité. Écolier, Ernest a un rêve, devenir photographe, mais son tuteur ne le suit pas. Il entre alors à l’École des Arts et Métiers pour devenir serrurier constructeur. À l’école, il a un copain de classe dont la maman tient une pension. Ernest devient pensionnaire chez elle. La dame a une amie qui s’appelle Nina – Nina est la dame qui tenait feu le kiosque du Fbg de l’Hôpital (j’ai bien connu Nina, car j’habitais dans la feue maison des Meubles Meyer, à côté du kiosque. Eh oui, tout s’entrecoupe, se mêle pour ne faire qu’un) – et Nina loge dans une pension où Mado, qui était devenue une jeune fille indépendante, et avait donc quitté la maison, louait une chambre. Il n’en faut pas plus pour réunir des protagonistes pour une histoire. Mado va manger tous le dimanches à midi avec Nina dans la pension où Ernest loge.On devine la suite : Ernest et Mado tombent amoureux, vivent ensemble un temps et un jour Ernest se dit qu’il ferait bien d’épouser Mado. Il a bien fait. Il a suivi son intuition. C’est sa chance. La chose arrive en 1957.
Histoire d’Ernest 2. Depuis qu’Ernest a rencontré Mado, il n’a plus été seul pour faire face aux difficultés qui sont venues entraver son chemin. Peu avant son mariage, Ernest est devenu majeur et a pu quitter sa tutelle. Il avait raconté à Mado que sa mère lui avait laissé la somme susmentionnée à la banque ainsi qu’une vigne à Auvernier, mais que le tuteur disait qu’il n’avait que Fr. 1 000.- Mado lui a dit qu’il fallait se renseigner et porter plainte ; ils ont pris un avocat. Celui-ci est arrivé à la conclusion que personne n’allait dénoncer personne ! (cela laissait entrevoir qu’il y avait connivence entre diverses institutions… Pas joli, joli !) Mado et Ernest ont été convoqués par l’Office des tutelles. Proposition : « Si vous acceptez, on oublie tout et on vous donne la somme de Fr. 1 000.- « . À l’époque Ernest et Mado n’avaient pas 20 ans. Ils n’ont eu d’autre choix que d’accepter. Je trouve cela triste. À cela s’ajoute le fait qu’Ernest apprend, peu après son mariage, la façon dont sa mère était morte: elle avait été assassinée.
Ernest et Mado ne font plus qu’un depuis qu’ils se sont rencontrés.
Formation d’Ernest 1. Le rêve d’Ernest aurait été d’aller à l’école de Photographie de Vevey. Son tuteur n’y a pas donné suite. Mais, Ernest ne laisse pas tomber son rêve grâce à Mado qui sait l’épauler au propre comme au figuré. Alors, il s’inscrit à l’école dont la carte d’immatriculation est ici à droite. C’est magnifique d’imaginer Ernest en train de recevoir ses cours par la poste et de poster ses devoirs. Je sens sa joie.
Formation d’Ernest 2. Afin d’en savoir plus, il part à Paris suivre l’École technique de photographie et de cinéma (ETPC). C’est fabuleux. Il transmettra plus tard son savoir puisqu’il formera les premiers régisseurs de la région. Il fallait quand même un caractère particulier. Ernest a dû avoir un sentiment de satisfaction énorme. C’est une reconnaissance professionnelle, reconnaissance officielle, qui doit lui avoir fait beaucoup de bien.
Départ d’Ernest au ciel. Ernest n’a pas prêté grande attention à la vie spirituelle tant qu’il a vécu, mais après avoir fait la connaissance d’une femme pasteur lors d’un spectacle à La Cité universitaire, il a dit à Mado : si je pars avant toi, j’aimerais que ce soit elle qui parle le jour de ma cérémonie ! Mado, quant à elle, a déjà tout proganisé pour son dernier départ. Elle a même pensé à acheter des enveloppes, y inscrire le nom des personnes à avertir et à les affranchir. Comme cela , il n’y aura plus qu’à mettre l’avis de décès, dit Mado ! Elle est décidément impayable !
L’histoire d’Ernest et de Mado se mêlent à d’autres histoires qui font la mienne:
Je travaillais donc à la Cave perdue et présentais mes spectacles au Théâtre de Poche devenu le Théâtre du Pommier, mais toujours aussi Centre culturel neuchâtelois. Je croisais André Oppel, le directeur artistique, forcément. Le destin nous a unis après le décès de sa femme. Cela s’est fait sans qu’on y pense ;
André est parti au ciel et a laissé quelques affaires que je garde avec soin. Je me dis qu’une fois ou l’autre, elles iront à la bonne place. Parmi ces affaires,il y a une montre.De temps en temps, je regarde la montre et la remets dans sa boîte. Un jour, je la montre à Jack Froidevaux (il a travaillé dans l’horlogerie et a connu André qui a été graphiste dans l’entreprise de son père !). En expert, il retourne la montre (ce je n’ai jamais eu l’idée de faire) et il lit « Grize Ernest, Noël 1951 ». Ernest a 16 ans ;
Les choses s’arrangent de telle façon que je peux rendre visite à Jacques de Montmollin , cofondateur du CCN, qui est près de quitter ce monde et qui ne veut voir personne. J’ai de la chance ; on me conduit dans sa chambre et Jacques me salue comme si on s’était quittés la veille. Je lui raconte l’histoire de la montre et dis que je cherche à entrer en contact avec la femme d’Ernest, Mado. Mais son prénom au complet ? Madeleine, me dit Jacques ;
Nouvelle chance, Mado a gardé un téléphone fixe et je peux la localiser via Local.ch. Mado dit qu’elle vit au bout du monde, au Sentier, dans le canton de Vaud. Je me débrouille et des connaissances me conduisent chez elle ;
Mado reçoit la montre d’Ernest. Elle est tout émue mais n’arrive pas à s’expliquer comment Ernest avait pu avoir une telle montre qu’elle ne l’a jamais vue au poignet d’Ernest. À l’époque, elle avait dû coûter fort cher, et en plus elle est gravée à son nom. Le mystère sera résolu quand Mado retrouvera Ernest dans l’autre monde ;
Je dis à Mado que je suis friande d’informations au sujet du CCN. Elle me donne des articles qu’Ernest avati gardés. Je prends ;
Flûte ! me dis-je en parcourant ces articles. Ils ne parlent pas du CCN mais du TPR, du premier Théâtre populaire romand. Je lis quand même parce qu’André y a travaillé en tant que décorateur et acteur dans cette troupe et qu’Ernest y a aussi joué. À ma grande surprise, ces articles sont des commentaires sur le TPR et signés Freddy Landry ;
Décidément, c’est comme si le monde tournait autour de moi et me comprenant avait décidé de m’aider ! Freddy Landry, cela fait des années que je cherche à lui rendre service parce que je le vois bien « décliner ». Mais, rien à faire. Il désire rester indépenant. Je salue son attitude à regret. Les articles de Mado me fournissent un autre angle d’entrée en matière. Cela marche à merveille. On se découvre un tas de gens communs et des passions communes. Freddy illumine ma vie, c’est un miracle ;
Mado revient à Neuchâtel afin de recevoir un don pour son association. Elle me fait l’honneur de loger chez moi et m’apporte encore un dossier d’Ernest. Une fois de plus, j’espère trouver des choses sur le CCN… À leur place, je trouve des documents sur l’histoire personnelle d’Ernest. Une nouvelle fois, je lis quand même et suis récompensée, car, moi qui aime l’histoire et qui aime remercier ceux qui ont participé à ma vie, j’ai de la matière pour remercier Ernest par le biais de cet article. Je suis servie et ravie !
En parlant de laFabrique d’Horlogerie Froidevaux, Mado me dit que son père, Jules Yerly, y avait travaillé en tant que chef d’équipe dans les années 1945 !
Le désert. Le désert a été un autre ciment entre Mado et Ernest. La toute première fois qu’Ernest y est allé a été pour accompagner dea amis qui voulaient être filmés et Ernest allait en être le réalisateur. Il hésitait, car cela signifiait un long voyage, des frais, mais Mado lui a dit « c’est une expérience formidable, vas-y ! » Ernest – le film terminé – a dû rentrer plus tôt que prévu car il était tombé malade. Il avait attrapé une dysenterie, perdu 20 kilos en 3 jours et avait dû être rapatrié. Il tenait à peine debout, raconte Mado. Le temps passe et Mado lui dit qu’il faudrait retenter l’expérience et mieux s’organiser. Cela a marché et donc, chaque année, ils y asont allés passer les deux mois d’été. Deux ans après le départ d’Ernest au ciel, Mado retourne dans le désert et arrive en Mauritanie, pays qu’ils n’avaient pas visité mais qu’Ernest aurait bien voulu voir. La meilleure ? Elle y reste dix ans (2004 – 2014) ! Sa montre terrestre avait déjà tourné 70 cycles au moment où elle arrive dans ce pays et quand nous discutons elle y retourne tous les ans pour passer trois mois.
Pendant les dix années mentionnées, elle tient une auberge pour étrangers avec un associé mauritanien (c’est magnifique !) et revient en Suisse pendant deux mois afin de vendre les articles artisanaux faits par des femmes mauritaniennes sous sa direction. Elle raconte qu’à l’époque on voyait traîner des sacs en plastique partout. Mado est une personne pratique et sait mettre les autres en évidence. Elle a l’idée de ramasser autant de sacs qu’elle peut, les coupe en fines lanières et enseigne le macramé aux femmes de l’un des quartiers les plus pauvres d’Atar. Ces femmes ont produit des sacs, des sets de table, etc. Je suis admirative.
Unpeu de chronologie pour mettre de l’ordre : 2004 – 2014 Mado vit en Mauritanie. De 2004 à 2007, elle tient une auberge pour étrangers avec un associé mauritanien. L’affaire prend fin parce qu’il y a des attentats et que le tourisme chute. La même année, elle rencontre Amiod de Dardel, un autre Neuchâtelois digne d’admiration, député au Grand Conseil dans les années 1970-1980, qui lui donne de l’argent pour aider des personnes en état de détresse. Elle crée son l’association des chèvres, décrite plus bas et dont le premier président est le même M. de Dardel, ouvre un centre de soutien alimentaire pour des enfants et leur fait donner des cours de rattrapage scolaire.
Anecdotes :
Quand Jacques de Montmollin râlait, Mado lui disait qu’il avait une crise de directeur et la chose s’arrangeait !
L’histoire du trompettiste oublié. Je la raconte, car ce sont des choses qui arrivent à tout le monde. Un jour, en fin de journée, Mado et Jacques voient arriver un monsieur avec une drôle de valise et il dit « Bonjour, je viens pour le spectacle de ce soir »… C’était un trompettiste dont la présentation était passée à la trappe ! Jaques court à l’hôtel du Marché réserver une chambre et chercher du monde pour le spectacle qui avait été oublié. Quelle chance, tout a bien marché !
Mado décide de tester la « solidité » de sa tête dans le désert. Elle demande à un Touareg de la conduire à 150 km de toute civilisation. Elle y est reste deux semaines toute seule. Elle a survécu. Elle n’avait pas pris de livres, seulement des crayons et du papier, un sac de couchage pour dormir à la belle étoile, de l’eau et du bois pour faire du feu. Pour les repas ? Des conserves de sardines, du thon, des potages, des dattes. Pendant ces deux semaines, Mado a consommé 40 l d’eau. Les deux premiers jours, elle s’est demandé ce qu’elle faisait là et puis les choses sont rentrées dans l’ordre. Elle est contente de s’être testée. Cela s’est passé à sa cinquantaine. Pas besoin de commentaires, mais mon admiration arrive tout en haut de l’échelle !
André et Ernest avaient une voiture en commun. Chacun l’utilisait à tour de rôle le week-end ! Je trouve cela tellement joli.
Relation Mado – Ernest. Citation : « Depuis que je l’ai rencontré, je ne me suis jamais dit, c’est mon Ernest, et quand on s’est mariés, je ne me suis pas dit ‘ c’est mon mari ‘, c’est Ernest. Il ne m’appartient pas. Les gens disent : c’est ma voiture, c’est mon frigo, c’est mon mari. Alors le mari est comme le frigo ! Ce n’est pas comme cela. Je vis avec Ernest, mais il n’est pas « mon » mari.
Le restaurant brûle et Mado prend la relève. Le restaurant du Marché est entré dans la vie du CCN par Falik, Henry de son prénom, un passioné de théâtre qui plus tard deviendra professeur à l’École de théâtre du CCN. Il en était le tenancier et avec les copains a fondé l’associaion « Mimosa » dont les bénéfices étaient destinés au Théâtre de Poche. J’ouvre une parenthèse pour remercier Henry d’avoir trouvé les fonds nécessaires pour installer une salle d’eau à la Cave perdue ! Quand je suis arrivée, il n’y avait rien. Fin de la parenthèse (l’ouverture et fermeture de la parenthèse, je les emprunte à André qui les utilisait lorsqu’il lisait au public les écrits d’Alphonse Allais. C’était un pur plaisir !). Je reprends l’histoire du restaurant : un jour, il y a un incendie et les habitués ne savent où aller. Mado est là ! Elle raconte qu’elle quittait le bureau du Centre à 11 h, allait chez elle et à 13 h, tout le monde mangeait du frais. Il y avait entre 10 et 15 personnes tous les jours. Je demande à Mado comment elle faisait pour calculer les quantités. Elle demandait aux gens de dire la veille s’ils prenaient le repas et elle multipliait. « C’est tout simple », dit-elle. Je reste admirative, car pour moi cela a l’air très compliqué. Elle ne me comprend pas. Elle préparait une entrée, un plat et le dessert. Elle avait arrangé une grande table pour cela, soit une grande plache avec deux chevalets. Mado avait été très claire : je m’occupe du repas, mais pour les boissons, chacun se débrouille. Cela avait très bien fonctionné. Il faut ajouter que Mado et Ernest habitaient un deuxième étage sans ascenseur. Mado raconte que l’ambiance avait été magnifique pendant les deux mois de l’expérience. Quels bénéfices financiers ? Oh, dit Mado, Ernest et moi avons pu manger gratuitement pendant ce temps. C’est tout.
Quand Mimosa a été liquidée, il restait Fr. 25 000.- Lors de l’assemblée de liquidation, il avait été décidé de donner cet argent à l’association de Mado. Elle ne les a jamais vus… Mais, dit-elle, ce qui compte c’est l’intention.
ACHEMA, l’association de Mado. Voici quelques mots. Mado dit que pendant les premières dix années de son association, elle avait eu tous les ans Fr. 50 000.- sur son compte. Des donateurs sont peu à peu décédés et la situation est devenue plus difficile. Elle doit absolument trouver Fr. 15 000.- par année pour nourrir les 100 enfants de son association (repas du matin et de midi), payer les frais de location, de personnel et pouvoir aussi donner des cours de rattrapage scolaire. Elle me dit que pour obtenir une fois une aide de Fr. 10 000, elle a dû remplir 28 feuilles et y travailler tout un mois. Elle sait aussi qu’après son décès, son association… Cette dernière se situe à Atar, dans un quartier pauvre. Depuis que Mado s’y est installée, il n’y a plus de malnutrition et un infirmier y va tous les mois peser les enfants. Je félicite Mado qui répond que c’est une petite goutte d’eau, mais une goutte d’eau nécessaire.
Mado et la réclame pour son association. Elle a vu sur place, en Mauritanie, à Atar, qu’il y avait des enfants dans un état assez terrible. Mais, dit-elle, « je trouve que ce n’est pas bien de faire de la réclame avec des photos de ce genre. Jamais, je ne ferai une telle chose. Cela a un côté marchand de bas étage ». Mado est classe ! Toujours.
L’association en 2020. Mado vient de confier la démarche deschèvres aux Mauritaniennes. Elle se dit qu’elle a assez fait, que cela roule et estime que les femmes mauritaniennes peuvent prendre la relève.
Mado et sa relation à l’argent. Elle dit qu’elle a vu beaucoup d’argent, mais qu’elle a toujours tout distribué. Elle me dit, en toute confidence, que l’argent de son association est uniquement pour son association. Les voyages annuels qu’elle effectue dans ce pays sont payés de sa poche.
La Cave perdue. Jacques me dit en 2019, le 14 juin, qu’André ne voulait pas de la Cave perdue. C’est Ernest qui connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui l’a fait entrer au bercail. Au début, c’était un lieu de bricolage et de dépôt de décors, puis, elle a été transformée. Je ne sais pas comment elle était au tout début. Quand j’y suis arrivée, il y avait le sol et la scène actuels. C’est Ernest qui les a posés et Alain Jelmi, a été son assistant ! Je suppose que cela a été la première transformation pour qu’il puisse y avoir des répétitions. Puis, il y a eu un incendie. Il faut savoir que ce local est une sous-cave et donc de température « plutôt fraîche ». Alors, il y avait des chauffages mobiles, bruns, et qu’une fois quelqu’un les avait laissés allumés avec une couverture dessus… Pas besoin de dire la suite. La « Cave perdue », ainsi nommée du fait qu’elle se trouve dans un endroit difficile à trouver, a été laissée à son sort. C’est avec ma venue qu’elle a retrouvé un sens culturel.
Le TPN – compagnie Salamalec. Jaques dit « Il y a d’abord la Compagnie Salamalec, ma compagnie de théâtre qui date de 1953. En 1960, je fusionne avec le TPN de Pierre von Allmen, et on arrive au Centre de culture, Théâtre de poche neuchâtelois qui par ma volonté est devenu le Centre culturel neuchâtelois. Le changement de nom s’est fait pour des raisons politiques, parce qu’il y avait le TPR et afin d’éviter les confusions… Nous avons ainsi l’histoire du premier nom du Théâtre du Pommier« . C’est Jacques de Montmollin qui a désiré avoir un théâtre en ville. Sa compagnie amateur était à Peseux où Ernest Grize et Alain Jelmi étaient régisseurs. Jacques me dit que sa mère, Antoinette Freymond, avait une culture considérable. En fait c’est elle qui a fait les démarches nécessaires avec un conseiller d’Etat et le chef des impôts (le local était occupé par les archives du service des Contributions). Cela a pris bien des années avant de pouvoir disposer du local.
André a fait les décors du premier spectacle du CCN. La pièce était « Le Révizor » de Gogol. Or, quand André et moi sommes allés en Union soviétique, à Léningrad, nous sommes entrés chez un antiquaire (contrairement à chez nous, un antiquaire dans les pays de l’Est vendait des livres et des gravures), je suis tombée sur un livre que j’ai voulu acheter « Le Réviseur ». Le livre retrace les 100 ans de mises en scène de la pièce depuis ses débuts. André me dit que c’est la première pièce pour laquelle il a fait les décors au CCN ! La boucle est bouclée. J’achète ou André Achète, à cette époque c’était lui qui achetait pour moi, le livre. Il est tojours avec moi.
Départ 1 du CCN: celui d’Ernest. Ernest a eu tendance à « lever le coude », comme on dit. Il faut dire que dans certains milieux on associe volontiers le plaisir de se réunir à un verre. Mais, je dois dire que les fois où Ernest s’est occupé de mes spectacles, jamais il n’a commis d’erreur ; jamais, de plus, Ernest a toujours fait une régie très lumineuse de mes spectacles. Ils dégageaient une sorte de soleil. Seulement, certaines personnes du Conseil de fondation ont trouvé à redire et un lundi matin, alors qu’Ernest était rentré de « son » désert, il retourne au travail et tout de go, le directeur administratif lui annonce qu’il n’est plus le bienvenu. Une telle attitude n’a pas d’excuses surtout dans un milieu culturel, où l’on sait, en principe, s’adresser aux autres. C’était aussi oublier qu’il n’y aurait jamais eu de Centre culturel neuchâtelois ni de Conseil de fondation sans le travail accompli par les précédesseurs dont Ernest avait été un rouage important.
Départ 2 du CCN: celui d’André. Il s’est passé dans des circonstances tout aussi désolantes que celles d’Ernest. Je m’en souviens, car le hasard a fait que j’aie eu une répétition générale le même soir que le Conseil de fondation se réunissait au centre. André est entré à la séance en ayant eu la promesse que son mandat serait recondtuit car on ne voyait personne pouvoir lui succéder et il en est ressorti avec rien du tout. Il n’y a plus jamais eu de directeur artistique d’ailleurs.
Tous les grands théâtres que je connais ont un directeur artistique et soit un directeur administratif soit un administrateur, car ces deux fonctions demandent des qualités différentes. Il en va de même dans les associations, il y a le président, le meneur et ceux qui s’occupent des comptes. C’est rare de voir ces deux capacités en une seule personne, cela arrive qu’on soit artitste et comptable, mais c’est rare. D’ailleurs, il y a bien des formations commerciales et des formations artistiques. Ou est-ce que je me trompe ?
Départ -1 du CCN : celui de Mado. Je mets « -1 », car ce n’est que maintenant que j’en connais la raison. Mado a vu une certaine passion s’éteindre chez ses collègues. Elle les a vus « assis » alors qu’avant il y avait une « course », une « recherche ». Elle quitte le centre en 1981. Je me dis que le centre des préoccupations avait changé, de lutte pour la survie, ils étaient passés à une situation où il fallait rendre des comptes, faire une programmation et justifier des choix.
Mado est partie à la Cité universitaire (il restait un lien avec le centre puisque la salle de spectacles de la Cité était gérée par le CCN) où elle a pu, à nouveau, reprendre son rôle « d’épaule ». Elle devait se débrouiller pour trouver des logements, des appartements pour les étudiants ; elle était le réconfort de ceux qui avaient des problèmes ; elle était la banque qui avançait les sous lorsque les étudiants n’avaient pas reçu l’argent de la maison et qu’ils devaient payer leur loyer – je demande à Mado si elle a toujours été remboursée et elle répond que c’est le cas. Même le dimanche, alors que tout était fermé, si un étudiant arrivait, elle lui trouvait où loger. Mado me dit que c’était passionnant !
Départ de Mado de la Cité universitaire : les étudiants se sont réunis, des anciens et des nouveaux, environ 150, lui ont fait un magnifique couscous et une soirée dansante formidable !
Il existe un « aprés ici », une autre dimension ; c’est sûr. Toutes ces choses qui se sont réunies pour que je puisse retrouver Mado et qu’on voie tous ces fils tisser la trame d’une bonne partie de notre vie… c’est magique. En tous les cas Mado et moi sommes émerveillées.
Quand on quitte ce monde, dit-on, on revoit sa vie. C’est l’impression que j’ai ; je vois et vis tout en même temps.
Finalement, Mado a remis son association ! Je viens de parler avec Mado qui me dit qu’elle a présenté sa démission à l’association et qu’elle part en Mauritanie au mois d’octobre. C’est fantastique ! Il y a moins d’un an elle me disait qu’après son départ, l’association ne survivrait pas… Je lui demande si c’est toujours dans le cadre de l’association – cela m’étonne quand même – et elle dit « Non, c’est fini. Avant, j’ai vécu pour les autres, maintenant, je ne vis que pour moi, très égoïstement ». D’ailleurs, elle vivra dans un tout autre endroit. C’est dire s’il y a un nouveau départ !
Curieuse, je demande à Mado quels ont été ses emplois : régleuse dans l’horlogerie – gérante du feu kiosque près de la Poste (juste avant d’arriver à la Poste quand on va en direction de Marin) – CCN : secrétaire, comptable, barmaid, accueil, billetterie et caisse des spectacles, et Cité universitaire : administratrice du logement des étudiants. À la suite d’autres questions, Mado ajoute : le métier de régleuse était très bien payé, je n’aurais pas pu aider Ernest autrement. Ensuite, j’ai voulu voir autre chose.
Trois jours avant son départ au ciel, Jacques me dit des mots que je ne sais où placer, je le fais ici :
Mado était une femme adorable. Je l’auî formée à la comptabilité et à un tas de choses dont le théâtre avait besoin ;
Thomas Facchinetti est un très très chic type ;
Alain Jelmi est un type adorable, charmant.
Conclusion de Mado.C’est la fin d’un très long chapitre et le commencement d’un autre. La vie c’est une chaîne, parfois il y a des anneaux qui se détachent, il faut espérer qu’ils créent une chaîne ailleurs. C’est l’ensemble des éléments qui fait la solidité d’une chaîne.
Voici Timiane la magnifique !
Timiane. J’avais pensé ne rien devoir ajouter à mon article et voilà qu’en parlant avec le chef d’orchestre neuchâtelois, Valentin Reymond, il me dit qu’Ernest avait un chien du désert. Je profite du fait que Mado ne retourne au désert que demain pour lui demander des détails. Effectivement, une fois qu’ils étaient au Niger, une chienne s’était jointe à eux. Au moment de repartir en Suisse, la chienne se couche, lève les yeux comme seuls les chiens savent le faire. Mado et Ernest demandent si elle a un propriétaire ; personne. On leur dit que s’ils le désirent, ils peuvent la prendre. Il n’en fallait pas plus pour que la chienne fasse partie de leur vie et devienne un membre de leur famille pendant 16 ans. Quel prénom ? Et quand vous retourniez en été au désert ? Demandè-je. Comme on l’a trouvée dans un village du nom de Timian et que c’était une femelle, on l’aappelée Timiane et, bien sûr, elle retournait dans le désert avec nous. La race ? Mado doit épeler car je n’en ai jamais entendu parler – sloughi. Mado raconte encore qu’elle avait cherché un maître de chien pour qu’il lui dise comment lui donner une sorte d’éducation et, elle rit en me racontant l’affaire, ce dresseur lui a dit que c’était une race qui n’acceptait aucune sorte de dressage ! Le fait est qu’ils se sont bien entendus.
Suite de la Cave perdue. Depuis que je suis entrée à la Cave perdue, j’ai pris autant de soin que possible du local, mais il est clair que depuis que j’en suis la seule locataire, c’est un autre chez-moi. Je peux librement appliquer ma devise « prendre soin des autres et des choses comme de moi-même ». Je remercie tous ceux qui ont permis que je travaille dans cet endroit et espère le rendre dans un bel état le jour de mon départ au ciel. Voici d’autres articles en lien avec la « Cave perdue« .