Anton Romanovski – danseur, professeur et maître de ballet

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21 décembre. C’est le jour anniversaire de maître Romanovski et il me donne l’occasion de le remercier pour tout ce qu’il m’a apporté.

MaîtreAnton Romanovski, je l’ai connu vers la fin de sa vie. C’est une de mes amies de l’Opéra de Bucarest qui m’a amenée chez lui, Marta Herzeg, une ballerine qui dansait avec plaisir et qui exécutait chaque pas avec soin. C’était une bonne technicienne, un être fin, chaleureux, une amie. Je ne l’ai jamais vue sans un sourire, peu importe par quels moments elle passait.

Maître Romanovski était à la retraite depuis passablement de temps. Il me recevait à la maison et me donnait des cours, assis sur une chaise, le dos bien droit. Si par malheur, j’avais la jambe droite derrière, il disait : jambe droite devant ! Je n’ai jamais compris comment il pouvait le savoir puisqu’il ne voyait pas très bien ; néanmoins… Il m’a expliqué comment tenir les mains pour qu’elles aient l’air plus belles sur scène : allonger la main, c’est une chose, mais si on tourne les doigts un tout petit peu pour donner l’impression qu’elle va vers l’infini… c’en est une autre ! C’est pour cela qu’Anna Pavlova, qui a dansé avec lui à Londres, lui a dit qu’elle n’avait jamais vu un danseur avec d’aussi belles mains. Il me semble entendre maître Romanovski me rapporter les mots de la célèbre danseuse. Il disait encore « qu’au studio c’était bien de faire trois ou quatre pirouettes, mais sur scène une de moins, question de sécurité » . Une vraie leçon de diplomatie à ne pas oublier. Il m’a encore expliqué que si par hasard quelqu’un criait mon nom, ne jamais me retourner parce que ce n’est pas poli ; et si quelqu’un t’appelle par derrière, ne tourne que la tête, pas plus  » ! Je me rappelle très clairement ses conseils et je les applique. C’est aussi chez lui que j’ai appris la gargouillade, pas qui ne se fait que dans Giselle, acte I. À l’école, à cette époque, on ne l’étudiait pas.

La leçon la plus importante que j’ai apprise chez lui et que, par conséquent, j’applique encore est liée à une variation qu’on exécute sur scène et où on rate quelque chose. Conseil : « Si tu rates quelque chose dans une variation, finis-là avec brio ! Tu vas prouver que tu domines la situation et le public va te suivre ». C’est une leçon que j’applique dans ma vie depuis longtemps sans toutefois en être consciente.

En réalité, ce n’est que maintenant que je comprends que je me suis appropriée de la phrase de maître Romanovski. Au moment où j’écris ces lignes, je me rends compte combien ses mots sont ancrés en moi. Pourquoi ? Parce que à chaque fois que je dois faire face à une situation compliquée, même si au début je suis déroutée, remise en question, voire, complètement retournée, je reste debout. Je fais face. Je me dis que toutes les choses sont liées et la rédaction de cet article en ce moment est un exemple idoine. Cela faisait longtemps que j’avais envie de l’écrire et les souvenirs que je couche sur le papier prouvent ce que je disais plus haut, à savoir que les choses sont liées dans notre vie.

Pourquoi ? Je ne sais combien de fois les gens ont trouvé bizarre que je sois économiste et danseuse en même temps. Cela ne fait pas « sérieux ». En fait, leur réaction ne m’a finalement fait que du bien. Chez moi, les choses vont de soi, elles se présentent, je les prends et les fais miennes sans me demander si c’est utile, si cela vaut la peine, si cela me rapporte quelque chose ou pas. La chose me plaît et je fais, c’est tout. Cette phrase non seulement je l’applique, mais je l’enseigne aussi. Je dis souvent : si tu as une difficulté, quelque chose de compliqué, il te faut rester debout ! Il y a quelque temps, j’ai eu un gros problème avec mon studio de danse et je me suis dit : si je n’ai pas le choix, je ferai comme les autres l’ont décidé mais jusqu’au dernier moment, je danse ! J’ai alors organisé une série de spectacles pour un public restreint, des amis, des connaissances. Le comble a été que la donne a totalement changé et que je suis restée dans le studio. La solution qui vient n’est pas toujours celle qu’on désire, raison pour laquelle il faut rester ouvert et faire ce qui est en notre pouvoir sans compromis, sans tricherie. Autre exemple : j’avais gardé des dessins et catalogues liés à l’horlogerie laissés par feu mon ami. On m’a dit que cela n’intéressait personne et qu’il fallait les jeter. Déjà que je n’aime pas le verbe « jeter »… La vie s’est chargée de me faire croiser quelques personnes qui ont fait que les documents font maintenant partie du patrimoine du Musée d’Horlogerie du Locle et que la télévision locale, Canal Alpha, a fait un compte rendu de la cérémonie. En conclusion, j’applique ce que maître Romanovski m’a enseigné. Je lui dois bien des choses de ma vie.

Je reprends le fil avec maître Romanovski. Je le remercie pour tout ce que j’ai appris de lui, du temps précieux qu’il m’a offert. J’ai eu l’honneur d’avoir été sa dernière élève ! J’étais en Suisse au moment où sa vie est venue à terme sur cette terre, mais quelques jours auparavant, j’avais pensé à lui et avais commencé une lettre. Le lendemain de son départ, Madame Elena Oprescu, la secrétaire de l’Opéra – encore quelqu’un à qui je dois énormément de choses – m’a téléphoné pour me donner la nouvelle. Je me rappelle de ce moment comme d’une photo d’un album temporel. Cela a été comme si j’avais su. De retour à Bucarest, j’ai apporté la lettre à Mme Romanovski, laquelle m’a invitée à passer la nuit chez elle ; j’ai dormi dans le lit de maître Romanovski. Je sais, bien des gens sont superstitieux ou ont peur, mais rien de ce genre ne m’effleure. Le fait est que le lendemain à 7 heures du matin, j’ai entendu un « toc-toc », j’ai dit « oui ? » et à nouveau, j’ai entendu « toc-toc ». Je suis allée à la porte, j’ai ouvert, personne ; je suis allée dans la chambre où dormait Mme Romanovskil, laquelle… dormait. J’ai compris que maître Romanovski me faisait signe. J’ai été très heureuse. Je peux vous dire que je pense à lui à chaque fois que j’ai un spectacle.

Ileana Iliescu est la danseuse qui me rappelle le plus maître Romanovski : son port, sa technique, sa vitesse dans les chaînés, la façon dont elle finit ses variations, son élégance sur scène et dans la vie sont un prolongement des enseignements du maître. J’ai assisté aux leçons qu’elle donne et j’y ai vu le sens artistique et les différentes poses qui font penser à lui. Quand j’ai vu les ballets montés par elle à Iași, j’ai vu que chaque pas classique et de caractère avait de la vie, un sens, une plastique, une harmonie. J’ai toujours eu de la difficulté avec les danses de caractère dans les ballets bien que ce soit une tradition et une obligation. Ce qui leur donnait vie, c’était le plaisir des danseurs. Dans les chorégraphies de Luly, les danseurs jouent visiblement en même temps que les danses gardent leur caractère spécifique. Tout est lié, intéressant, beau, dansant. Luly a appliqué dans son métier de danseuse, de professeur et de chorégraphe tout ce qu’elle s’est appropriée de maître Romanovski.

Une phrase qui revenait comme le pendule d’une horloge pendant les répétitions : « Idiote, la danseuse qui ne tombe jamais ! » C’est vrai, quelques fois, quand on perd l’équilibre on a tendance à vouloir se contrôler et on se blesse au lieu de se laisser aller, tout comme les enfants chez lesquels la chute est quelque chose de naturel. Cette phrase aussi, avec l’accent de la voix de maître Romanovski est dans la mémoire de toutes les danseuses qui ont travaillé avec lui.

Si celui ou celle qui lit cet article a des photos ou des souvenirs de leçons, de répétitions avec maître Romanovski, je serais ravie de les inclure ici.

J’ai toujours aimé avoir des photos. Je regrette que j’en ai donné une avec l’autographe du maître à un étudiant qui ne me l’a jamais rendue. Mais, grâce à Liliana Cojanu, j’ai pu agrandir me collection :

J’aime bien que maître Romanovski et sa femme se regardent.

J’ai la chance d’avoir son tout dernier autographe, 24 janvier 1971, mais je le garde pour moi !

Comme c’est l’anniversaire de maître Romanovski, j’ai bu en son honneur du Mauler rosé dans une flûte à champagne achetée avec Luly.

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Dans le fond, on voit les voeux de Noël et de Nouvel An de Luly. Nous sommes en famille.

J’ai en ma possession toute la biographie du maître et les faits mentionnés ont été comparés à ceux de ses archives personnelles, mais, je trouve plus intéressant de partager avec les lecteurs mes souvenirs liés à lui. Si quelqu’un a une autre opinion…

Bien souvent, j’ai cherché des informations sur la Toile au sujet de maître Romanovski sans rien trouver d’intéressant. Aujourd’hui, j’ai eu de la chance et suis tombée sur une plateforme qui transcrit des témoignages. Les mots qui correspondent le plus à ce que je cherche sont ceux d’Ileana Iliescu. Elle m’a donné la permission de les reproduire ici. Il y avait un numéro de téléphone sur la plateforme, j’ai appelé et suis tombée sur une personne extrêmement chaleureuse et aimable qui m’a aussi accordé sa permission pour les mots de Luly. En fait, cela n’aurait pas pu être autrement parce que ceux qui s’intéressent à connaître l’apport de ceux qui ont construit la danse et notre culture en général sont ouverts et aimables. Je vais lui demander la permission de citer son nom.

Témoignage d’Ileana Iliescu (extrait) :

  • il avait le profil comme celui d’un personnage d’un médaillon et un port impeccable en dépit de son âge. Ce port, je dois le reconnais, je l’ai hérité de lui ; les ports de bras élégants, expressifs aussi, de même que la technique de virtuose qui m’a permis d’aborder des rôles de force. Les succès de ma carrière, je les dois à ce professeur et maître admirable ;
  • je n’oublierai jamais ses conseils dans tous les domaines de la vie et artistiques qui ont été des guides précieux. Il ne parlait pas correctement le roumain et disait « Chère amie, dans la vie ne fais jamais des excès, en aucun genre ; c’est ainsi que que tu auras une belle et longue carrière, jusqu’à arriver à la pointe de la pyramide artistique – pas de petits amis, pas de distractions, seulement le travail, la maison, le repos et une vie équilibrée de tout point de vue » . Cela est devenu mon crédo.
  • c’est lui qui m’a aidée à me perfectionner et à réaliser toutes mes aspirations, jusqu’à devenir danseuse étole sur la scène roumaine et internationale. Je ne peux oublier que maître Romanovski nous faisait faire beaucoup de relevés, ce qu’il considérait comme du ,,pain bénit” pour une danseuse parce qu’ils renforcent les chevilles et qu’ainsi le travail sur pointes devient un jeu.

Cette dernière phrase est particulièrement intéressante et profonde. Le travail, le métier et le plaisir doivent aller main dans la main. Le public le ressent et le public l’a bien senti lorsque Luly était sur scène.

Le destin m’a été favorable et j’ai trouvé dans mes archives encore une photo du maître. Elle date de 1927, ce qui correspond à sa première période professionnelle à l’Opéra Roumaine où il a été engagé en tant que danseur étoile et maître de ballet.

On le voit dans la photo, le maître est en pleine possession de ses moyens. Il est magnifique !

Autographe. On voit l’autographe du maître, écrit en polonais. Cela me donne l’occasion de dire que maître Anton Romanovski est né à Varsovie et donc était polonais. Pour déchiffrer l’autographe, j’ai eu recours à l’amabiité du Premier Secrétaire de l’Ambassade de Pologne à Berne, M. Jakóbiec Wojciech. Il et il est écrit : Na pamiątkę p. Perecia… ofiaruje A. Romanowski. Traduction : En souvenir à M. Perecia (nom incomplet), de la part d’A. Romanowski. On voit aussi que maître Romanovski écrivait son nom avec « w » mais, par la suite on l’a écrit avec « v ».

Il est près de minuit. Bon anniversaire Maître Romanovski !

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