Le titre n’est pas celui qui convient, mais c’est celui que j’ai donné à un jeune homme au bord du lac et je dois m’y tenir. En fait, aujourd’hui, en allant vers le bord du lac, j’ai fait six rencontres. Il fait partie de la dernière, mais on le sait les derniers seront les premiers ; dans le cas présent, cette dernière rencontre fait le lien avec Pierre Dubois (qui refait surface dans ma vie), l’homme à la pipe, d’une façon tout à fait inattendue.
Du Mauler rosé. J’ai un faible pour ce vin et il y a « une action » chez Denner, comme on dit en Suisse. J’aurai deux cartons mercredi et ainsi j’aurai une bonne réserve. En sortant, je vois un homme qui sort les cigarettes du cendrier et les jette par terre. Je lui demande pourquoi il fait cela. L’homme se retourne, je le reconnais et très vite dans ma tête je me dis qu’il ne doit pas aller bien ni physiquement ni financièrement. Il marmonne quelque chose (j’imagine qu’il cherche une cigarette encore consommable) et lui dis que ce n’est pas une raison pour les jeter par terre. Il me demande comment je vais tout en s’en allant. Je retourne chez Denner, demande du papier mégage, ramasse les mégots et les mets à la poubelle. Je reçois des remerciements de la part du personnel.
Je continue mon chemin et vois deux pré-ados avec des pétards (feux d’artifice) et un papier tombe. Les gaillards poursuivent leur chemin.
- Eh, le jeune, tu ramasses ça !
- Le gaillard se retourne et ramasse son papier.
- Excusez-moi, je n’avais pas vu.
- Vous avez des pétards ?
- Oui.
- Comment les avez-vous obtenus ?
- C’est un copain de classe qui les vend.
- Il fait des affaires avec vous ?
- Oui.
- Et il les vend à combien ?
- Douze pour cinquante centimes.
- Et il y gagne ?
- Oui.
- L’un des enfants lance un pétard.
- La maison qui est là, est une garderie et des bébés dorment.
- Ah…
- Mais, il faudrait vous renseigner s’il est permis de lancer des pétards à cette époque.
Troisième rencontre. Je vois un adulte, trente ans, examiner quelque chose dans la boîte à troque.
- Quelque chose d’intéressant ? Demandé-je.
- Oui, des sachets de café. Ils ont l’air en bon état.
- Oui (ce sont des petits paquets qui n’ont pas été ouverts). Vous pourriez les prendre.
- C’est un café que je ne connais pas et je pourrais le goûter. Vous en voulez un ?
- Non, merci. Je ne bois pas de café.
- Celui-ci, en revanche, je vais le jeter car il était ouvert.
- C’est peut-être pour indiquer ce qu’il y a dedans.
- Le monsieur plie le sachet dans sa main et son visage est en direction d’une poubelle.
- Mais, la chose se recycle !
- Le monsieur ne se retourne pas et dit.
- Oui, bien sûr.
- Les graines dans le vert et…
- Oui, oui.
- Le monsieur ne s’est toujours pas retourné mais du moins il passe le long de la poubelle sans même la regarder.
Quatrième rencontre. Vers le Temple du Bas il y a des arbres entourés de bancs en métal. Un homme discute au téléphone. Il est assis sur le bord du dossier et les pieds sur la partie prévue pour s’asseoir.
- Si je m’assieds après vous, je vais ramasser toute la saleté de vos chaussures !
- Le monsieur « descend » d’un étage et s’assied comme il faut.
Cinquième rencontre. Je vois un magnifique gaillard, très grand, avec un beau costume et de belles chaussures assis sur les escaliers d’une maison privée. Ne me dites pas comment je sais qu’il n’habite pas là, je le sens. Il a ouvert une bouteille de coca qui a moussé et s’est un peu renversée sur une marche.
- Vous avez magnifique allure !
- Merci.
- Bon, le coca détonne un peu…
- Il sourit.
- Mais la tache, là…
- Je vais mettre de l’eau.
- Vrai ?
- Oui.
- Je suis au Paradis !
Sixième rencontre. J’arrive enfin au bord du lac et revois un couple de la veille. La jeune femme est dans l’eau à mi-cuisses et hésite à continuer. Le copain lance des pierres assez loin pour ne pas trop la mouiller, mais quand même assez près pour être un peu giclée. Elle me voit et dit :
- Il m’embête !
- Je me dirige vers le jeune homme et lui dis :
- Tu arrêtes ou je te mets une mauvaise note !
- Je ne sais pas comment la tirade m’est venue, mais tous les deux éclatent de rire.
- Oui, j’arrête tout de suite.
- Très bien, sinon, mauvaise note.
- Vous, dit le jeune homme, vous avez une bonne note pour votre trajet. Vous marchez sur les mêmes pierres qu’hier. Vous faites cela tous les jours ?
- J’explique que les jours où il fait très chaud il y a beaucoup de monde et beaucoup de bruit je ne viens pas ; je ne comprends pas ceux qui viennent au bord du lac avec leur musique. Mais, je cours et entre dans le lac le reste de l’année.
- La nature se suffit à elle-même dit la jeune femme.
- Oui, il n’y a qu’à regarder le lac ; il remplit la vue ajoute le jeune homme.
- Je ne sais plus trop comment va la conversation mais je me sens dans un terrain commun et sens que je peux leur dire quelque chose.
- Il vient de m’arriver quelque chose qui m’a remplie. Cela concerne un homme qui a été très connu.
- L’homme à la pipe ! dit le jeune homme.
- C’est cela qui est fantastique. Je n’avais même pas dit dans quel domaine il avait été très connu et voilà qu’il sait qu’il s’agissait de Pierre Dubois !
- Mais comment avez-vous su que j’allais parler de lui ?
- Vous avez dit qu’il avait été très connu. C’est le seul que je connaisse à Neuchâtel. Il a aidé beaucoup de jeunes, des jeunes qui faisaient du foot. J’ai joué chez Xamax (j’ai oublié les autres équipes), il m’a aussi aidé. Il arrivait avec sa pipe et son siège et il regardait.
- Ce qui vient de m’arriver est magnifique et le fait que vous ayez connu Pierre Dubois, ajoute une touche magique à l’article que je vais écrire sur les rencontres d’aujourd’hui ! Je vais voir Pierre demain.
- C’est là que je dis que j’ai une rubrique sur les conversations et je ne sais pas pourquoi je dis que c’est à bâtons rompus. Voilà le pourquoi du comment !
- Le jeune homme sort son téléphone portable, je lui donne le nom de ma plateforme et le tour est joué. Je ne sais même pas comment il tombe sur le premier sujet que nous avons discuté, à savoir que si nous sommes composés à 70 – 80 % d’eau, nous sommes composés à 99,6 % de molécules d’esau. L’article sur lequel il voit cela est le premier que je dédie à Jacques Collin.
- J’étais en train de m’éloigner et je retourne vers le couple.
- Quel est votre métier ? demandé-je au jeune homme.
- Cela fait quelques mois que je suis au chômage. Je travaille dans les assurances.
- Que s’est-il passé ?
- Des collègues ont été indélicats et, comble, c’est moi qui ai été mis à la porte.
- Ne vous en faites pas. Il faut toujours rester droit quoi qu’il arrive.
- La jeune femme abonde dans mon sens et le jeune homme précise qu’elle est professeur de yoga. Comme j’ai fait des années de qi gong, nous sommes sur un autre terrain connu. Pas étonnant que je me sois approchée d’eux !
- J’ai aussi été mal traitée par un employeur ou deux. Finalement les choses se retournent toujours vers ceux qui agissent mal.
- Avant de partir je dis à la jeune femme qu’elle est une belle femme et au gaillard qu’il est beau. C’est vrai.
Je rentre chez moi et passe là où le jeune homme, rencontre numéro cinq, s’était assis. Alors ? Vous supposez que la tache de coca n’est plus là ? Vous avez tort ! Je vais dans le bâtiment où le gaillard travaille. Il est parti. Le patron sort et je dis que je voudrais tirer les oreilles de son employé qui en plus était assis sur des escaliers d’un bâtiment privé. Je dis que je me fiche bien que le coca ronge ses intestins, mais pas qu’il ronge le béton des escaliers (ce qui est vrai). Le patron dit qu’il va lui-même tirer les oreilles dudit gaillard. J’ai dit que j’allais passer le lendemain et reprendre une photo. Je précise que si le gaillard m’avait dit que la tache était un rien du tout, que j’exagérais, que la pluie allait l’effacer, je ne serais pas allée chez son patron ; il aurait été conséquent avec lui-même. Or, j’ai entendu un tout autre discours.
Lien vers :
- Conversations de rue en patchwork ;
- Attitude des clients, confinement ou non ;
- Le personnel à la caisse des grands magasins.
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