Cette histoire évoque une certaine résonance.
Mardi, j’ai reçu un appel téléphonique de Valentina, la petite-fille d’une dame qui m’a beaucoup aidée dans la vie alors que je vivais à Bucarest. La grand-maman est partie au ciel depuis un moment. Valentina a son caractère bien à elle et ne le comprenant pas toujours, j’ai laissé la relation de côté. Elle ne m’a jamais appelée et lorsque je me rends à Bucarest, je ne la vois pas. La surprise est de taille de l’avoir de l’autre côté du fil pour me dire que son grand-oncle est parti au ciel, mais dans l’ordre des choses. Pourquoi ? De temps à autre, j’appelais Ionel, mais ces derniers temps les conditions ayant un peu changé, j’ai téléphoné moins. Tout à coup, un besoin me fait l’appeler, mais pas de réponse. Une fois, deux fois, trois fois… je me dis que quelque chose est arrivé. Voilà la raison de ma surprise non-surprise. Elle m’annonce le départ de son grand-oncle.
Histoire de mon ami. Il a vécu une vie simple et a accepté tout ce qui lui est arrivé. C’est admirable et je n’ai pas vraiment eu l’occasion de le lui dire parce qu’on parlait plutôt des chats qu’il accueillait dans son jardin, voire chez lui et des oiseaux qu’il nourrissait sur le toit du garage en face de chez lui. J’ai des canaris, j’ai un lac près de chez moi et cela remplissait nos conversations. Ce que j’aimais c’est qu’il me disait, en fin de conversation numai bine. C’est une expression typiquement roumaine qui est tellement belle : ne souhaiter à l’autre que du bien. Non pas souhaiter ce que je pense qui est bien pour l’autre, non pas dire au revoir simplement, mais souhaiter du bien à l’autre, pour son bien à lui, est le plus beau des cadeaux que l’on puisse faire. Même quand il n’a plus pu bien marcher, il m’a toujours souhaité ce numai bine. J’étais toujours touchée que même dans cette situation, il pense à me souhaiter du bien.
Viens me rendre visite. Un jour que nous parlions au téléphone, il m’a dit : « Si tu viens au pays, viens me rendre visite ». Jamais, il ne m’avait parlé de la sorte et j’ai eu l’impression que ce serait la dernière fois qu’on allait se voir. C’est en décembre 2023 qu’on s’est revus. Quelle chance !
Son départ au ciel. Peu avant, il avait été interné dans un établissement médicalisé parce qu’il n’y avait plus moyen de le garder à la maison. Bien des familles ont affaire à cette situation si difficile, et ce, partout dans le monde. Nous ne vivons plus à plusieurs générations ensemble, chacun a ses occupations et l’entourage s’épuise jusqu’à la maladie. Prévoyant le pire, la petite-nièce a pris les choses en main et a trouvé le meilleur endroit pour son grand-oncle. C’est bien un trait de son caractère : si elle fait quelque chose, c’est fait jusqu’au bout et bien. Puis, lundi passé, il a décidé de s’en aller au ciel.
Intervention de la petite-nièce. Cette dernière, déjà une adulte avec droit de vote (!), donc citoyenne à part entière, discute avec Iulia son amie d’enfance que je connais aussi et lui dit : « Mon grand-oncle n’a eu, toutes ces dernières années, que des habits de seconde main, il lui faut quelque chose de neuf pour son dernier voyage ! » Ni une ni deux, elles vont dans un magnifique magasin italien, choisissent un superbe costume bleu nuit, une splendide chemise, une très belle cravate, des chaussettes ainsi que des chaussures en cuir assorties au costume. Un vrai tableau !

Mon évaluation de la petite-nièce de mon ami. Vous le savez, il y a toute sorte d’évaluations : les journaux demandent aux lecteurs de leur dire si les articles leur conviennent, les magasins demandent aux clients s’ils sont contents avec leurs articles et s’il y a quelque chose à améliorer… À croire que les études ne forment pas correctement. Toujours est-il qu’après avoir entendu la magnifique réaction de la petite-nièce de mon ami, je lui dis que sa note chez moi avait été plutôt au ras-du-sol mais que maintenant elle était au-dessus de 10 ! (10 étant la note maximale en Roumanie) Pour moi, le fait que la relation ait été inexistante ne veut pas dire qu’elle le restera toujours, l’action de cette fille, aidée par son amie, est remarquable et elle me nourrit. Lorsque je l’ai racontée à diverses personnes, elle leur a fait du bien.
Valentina et le soudoku. Quand le soudoku est entré dans nos moeurs, c’est Valentina qui m’a appris les règles. Elle a non seulement un caractère, elle est aussi une tête ! Je suis reconnaissante à Valentina parce que ce jeu est intéressant à plus d’un titre, au point que j’en ai fait une métaphore avec la vie.
Mon enseignement et Valentina. J’aime enseigner. Une fois, j’étais en vacances dans la famille et Valentina devait préparer un travail d’histoire qui lui posait des problèmes. Je lui ai alors suggéré d’imaginer les divers personnages, d’en faire une scène vivante. Je crois bien que c’est là que j’ai pris conscience que l’apprentissage des leçons pouvait être autre chose que l’apprise par coeur. Cela se fait automatiquement dans la danse, la transposition dans la vie n’est plus qu’une « application » , pour utiliser le langage actuel mais qu’est-ce que cela rend service !
Une certaine résonance. C’est ici qu’intervient le sous-titre de cette histoire si touchante. Lorsque la grand-maman était venue me rendre visite une fois, sa fille allait avoir un bébé, une fillette, soit Valentina, la petite-nièce de mon ami. Elle avait acheté des habits de seconde main et mes amies lui en avaient aussi donné. Je m’étais dit qu’un bébé tout neuf avec des habits d’autres… il fallait qu’il sache qu’il pouvait aussi porter des habits tout neufs et je les lui avais achetés. L’héroïne de cette histoire ignorait ce fait, mais elle est d’accord pour dire que rien n’est dû au hasard. Pour moi, c’est comme un cercle qui s’est fermé ou une résonance qui a eu lieu et je trouve que c’est comme dans un conte !
Mais, la vie continue… bon... il faut comprendre le mot « vie » d’une façon spéciale. J’ai un autre ami, Jacques, qui est parti au ciel dans la nuit de lundi à mardi. Lorsqu’ils viennent me rendre visite pour voir comment c’est chez moi, Jacques remarque le costume de mon autre ami. Celui-ci lui dit : « Tu veux le même ? Pas de problème, ici il y en a tant que tu en veux ! » C’est ainsi que jeudi, lorsque j’ai présenté mon spectacle de danse-théâtre à un groupe d’amis, ils étaient aux premières loges avec leur bel habit entourés d’une belle lumière ! Je vous dis, c’est un conte.
Dans tous les contes il y a une morale. Ionel a participé au fait que lorsque j’allais passer des périodes à Bucarest, à la maison, j’étais chez moi. Valentina ignore que ses explications sur le soudoku m’ont induite à écrire un article qui est une philosophie de la vie qui aide des personnes à comprendre une façon de vivre. Nous avons tous une influence les uns sur les autres et il vaut mieux que ce soit pour le numai bine de Ionel.
Liens vers d’autres histoires de départ au ciel :
- Le soudoku, cendrillon et la vie – (English version here) ;
- Jacques Collin a rejoint son étoile ;
- Histoire de départ au ciel 1 – Histoire 2 ;
- M. Charles Frésard est allé rejoindre sa Gretel au ciel :
- Mme Brodard s’en est allée au marché du ciel :
- Histoire d’une bise et Jacques de Montmollin ;
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