Conversations en patchwork.9

Ce sont des scènes qu’on pourrait trouver dans un film

No 1. Sur le trottoir. À propos de trottoir, j’ai appris que le premier trottoir qui a existé à Paris se trouve sur le pont Neuf, celui qui mène à la maison d’Abraham-Louis Breguet. Cela a dû être quelque chose ! Cette fois-ci, je me trouve à Neuchâtel et je traverse au feu vert, près de mon appartement. Un couple, dans la quarantaine, marche sur le trottoir devant moi. Le monsieur avance d’un pas décidé et regarde sa compagne sans rien dire, mais son allure dit qu’il ne va ni l’attendre, ni retourner la chercher. Elle suit, s’arrête… Je continue et la dépasse. Le monsieur continue d’avancer tout en la regardant de temps à autre. Il fait juste un geste de la tête en signalant qu’il va traverser la rue (quand ? je ne sais pas). À un certain moment, la dame me dépasse. Je lui dis : « Il a gagné ! »

J’ai eu l’impression de parler avec un autre moi mais me demande si une telle relation peut durer longtemps…

No2. Scène de cinéma. Je me trouve dans un supermarché ; je fais la queue pour passer à la caisse. Le monsieur devant moi met la séparation, la barre qui sépare ses produits des miens. J’ai envie de le féliciter parce que c’est plutôt rare. Je n’ai pas le temps de le faire parce que sa séparation tombe ou plutôt se couche. Certains magasins n’ont pas assez d’argent pour investir dans du bon matériel… La main du monsieur s’allonge pour la remettre debout. J’admire. Je demande au monsieur dans quel métier il travaille. Il dit qu’il travaille dans le marketing et me demande pourquoi je pose la question. « C’est que vous êtes une personne soigneuse ». Je vois que cela travaille un peu dans sa tête. Pendant ce temps, la caissière, Nathalie, a eu affaire à une cliente un peu inattentive, disons la chose comme cela. Il y a eu un problème avec un produit, mais la caissière a trouvé une solution. La dame paie avec de la petite monnaie. La caissière passe du temps à faire le compte ; il lui manque encore des sous. La dame les lui tend et la caissière commence à ranger chaque pièce à la bonne place dans la caisse. Elle lève la tête et dit en même temps : « Merci beaucoup, bon week-end ! » Quand elle finit de lever la tête, elle voit que la dame était partie et les clients qui étaient avec moi avons tous ri. Elle rit avec nous. Je lui dis que cela a été comme une scène de cinéma.

Je dis à Nathalie que je ne pourrais pas travailler dans ces conditions. Elle répond qu’elle a travaillé dans une cantine avec des adolescents et qu’elle est vaccinée et rit. Elle a un rire sonore et chaud. Elle me fait du bien. Mon tour arrive et je lui donne un bout d’étiquette qui était collé au tapis. Elle le prend, le lit et dit : « Ah, c’est ce qui manquait à la cliente ! » Je félicite la caissière au si joli prénom parce que malgré que la cliente ne s’est pas bien comportée, elle est toute à son affaire. C’est non seulement une scène de cinéma, mais une scène de vie pleine d’enseignements.

À propos du prénom Nathalie, je viens de voir qu’il vient du latin natalis dies, jour de la naissance, sous-entendu de Jésus. En tous les cas, il est bien porté par le personnage de cet épisode.

Nathalie a beaucoup d’humour. Je vais deux fois de suite au magasin et elle me dit : « Ah, vous ne pouvez plus vous passer de moi ! Je vais vous faire une place ici ! » et on éclate de rire.

No 3. Laboratoire de chimie 1950 et 2024. à l’école de Commerce de Neuchâtel. Je suis allée à la bibliothèque de la Ville et, en passant devant une salle au rez-de-chaussée, j’ai aperçu par une porte ouverte ce qui avait l’air d’être un de laboratoire de chimie. J’ai demandé au monsieur que j’y ai vu avec une blouse blanche si je pouvais entrer : – Oui, bien sûr. – De mon temps, la salle de chimie se trouvait là où il y a actuellement l’atelier de reliure.Cela m’intéresse. J’aime l’histoire. Je suis préparateur et pas professeur. Je travaille ici et à ce qui s’appelait l’école de Commerce. – Ah ? Il y avait des cours de chimie ? – Oui. Le cours consistait en l’analyse des marchandises. – Je n’en reviens pas, je n’ai jamais imaginé une telle chose. Lorsque j’étais à la faculté de commerce extérieur en Roumanie, on avait bien une histoire des marchandises, mais on ne les a jamais analysées. Cela change ma façon de penser aux étudiants neuchâtelois. Il me semble qu’à l’époque, le directeur était M. Richard Meuli. J’ai fréquenté l’école pour suivre des cours de sténo-dactylo. Cela vous intéresserait de revoir les locaux ? On est en train de faire des travaux et tout va changer. J’ai des photos datant de 1950. Elles vous intéresseraient ?Ah, oui !

Je suis ravie. Je n’avais jamais vu ce monsieur et tout à coup le courant passe. Je me rends un matin à l’École de comm, qui va changer de nom. J’ai un peu la nostalgie et même si je n’ai pas réellement fréquenté l’école, elle fait partie de mon paysage, ce paysage change, mais il me fait signe ! Voici les photos que monsieur Mathez, c’est le nom de ce personnage qui aime l’histoire, m’a aimablement transmises :

On est donc en 1950. Les étudiants ont l’air sérieux, ils sont très bien habillés (aujourd’hui, ils seraient en… disons simplement qu’ils auraient une allure différente). Je me demande si j’en ai croisé en ville. Je voudrais les rencontrer, leur parler…
Je ne me rappelle plus à quoi elles correspondent. Il faut que je demande des explications (à suivre)

No 4. Je me trouve une nouvelle fois dans un supermarché. Je fais la queue et devant moi il y a une dame d’un âge respectable et devant elle, un monsieur basané. Il abandonne le grand chariot qu’il a utilisé à côté de lui et continue de faire la queue. Le chemin est étroit et ce n’est pas une bonne idée de le laisser ainsi. Je lui fais signe qu’il pourrait le ranger plus loin. Il ne fait rien. La dame, toujours celle d’un âge respectable, dit que cela ne sert à rien de s’énerver. Je lui dis que le monsieur ne parle peut-être pas le français mais qu’il ne fait pas grand-chose pour comprendre non plus. Il doit nous entendre, mais ne bouge toujours pas. La dame prend le chariot, le soulève et se dirige au bon endroit. Je touche le bras du monsieur et lui dis que la dame, plus âgée que lui, va le mettre à la bonne place. Il ne bouge toujours pas. La dame revient et dit que c’est comme cela et que ce n’est pas important. Je ne suis pas de son avis et lui raconte que lorsque les personnes posent les produits dont ils ne veulent plus n’importe où dans les magasins, je le leur signale. Elle trouve que je suis « sévère ». Ah, mon Dieu ! Il s’agit tout simplement de respecter les choses. Chacun s’attend à ce que sa vie soit simple. Alors, il faudrait aussi penser à simplifier celle des autres. « Vous avez empêché ce monsieur de faire quelque chose, il n’a rien appris » lui dis-je. D’ailleurs, vous voyez, il part et ne remercie même pas la caissière. – « Bon, la prochaine fois que cela se produira, je dirai quelque chose… », me répond la dame et on se quitte avec le sourire.

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