Denis Froidevaux est parti au ciel

Ce qui fait la valeur d’un homme c’est sa bonté.

Proverbe. C’est celui que ses deux soeurs, Danièle et Madeleine, ont choisi pour caractériser Denis. Tout le monde a été d’accord. C’est vrai, je n’ai jamais entendu Denis critiquer quelqu’un ; je l’ai toujours vu de bonne humeur ou, si la situation pouvait être sujette à caution, il disait : « Ouf ! », levait les bras, tournait un peu la tête et rigolait. Il n’y avait pas besoin d’en savoir plus. Il voulait dire que l’on ne pouvait rien faire et que ce n’était pas la peine de perdre son temps et son énergie à débattre d’une chose qui nous échappait. Denis était le savoir-vivre même. D’ailleurs, parmi les gens qui sont venus lui dire un dernier au-revoir, il y avait la conservatrice des archives privées et des manuscrits de la bibliothèque de Neuchâtel, Martine de Ceuninck Noirjean, que je connais bien et trois autres anciens collègues. Elle a dit combien elle avait eu du plaisir à travailler avec Denis. J’ai trouvé cela significatif d’autant plus que cela faisait une vingtaine d’années que Denis était à la retraite…

Il semble toutefois qu’il n’a pas toujours été ainsi. Denis a été turbulent dans sa jeunesse. Il y a eu quelques anecdotes racontées lors de la verrée qui a suivi le dépôt de ses cendres au jardin du souvenir de Beauregard. En voici quelques-unes :

  • il était avec un groupe de garçons et ne voulaient pas de filles. Cela arrive dans les meilleures familles ! Mais voilà qu’une fillette les suit. Denis se tient à une rampe, fait semblant de la lécher et dit : « Mmm, c’est bon ! ». La fillette l’imite, mais sa langue reste collée à la rampe. C’est le moment de préciser que c’était en plein hiver… L’un des garçons a couru appeler la maman au secours qui est arrivée avec un seau d’eau chaude. Voilà le genre de plaisanteries auxquelles il pouvait se prêter ;
  • il y avait une employée que bien des gens n’aimaient pas. Denis et Jules (le fils de l’avocat Jules Biétry) ont crevé les pneus avec de gros clous ; les quatre, et cela par deux fois. Jules me raconte que feu mon ami, André Oppel, les regardait par la fenêtre et les saluait de la main. Je reconnais bien là André ;
  • Denis et Jules se trouvent à la gare et voient un tas de colis. Comme le service des Objets trouvés ne se trouve pas loin, ils prennent des paquets et les y apportent peu à peu. C’est au bout d’un moment que l’employé des CFF s’est posé des questions en recevant tant d' »objets perdus » !
  • ceci n’est pas une plaisanterie mais l’effet aurait pu être dévastateur. Je crois bien que cela se passait à la fabrique et Denis était avec un groupe de copains. Il faisait froid et pour se réchauffer, Denis a eu l’idée d’allumer un tas de bois dans une chambre. Un quart d’heure plus tard, le feu a embrasé la chambre et il a fallu bien des efforts pour éviter que la fabrique ne prenne feu ;
  • ici non plus, il ne s’agit pas d’une plaisanterie, mais un fait assez remarquable : Denis a parcouru toute la Suisse sur son Solex. Il en a fait de même à la retraite en train. Quand même, je reste admirative de l’imaginer sur son Solex.

Encore un mot sur le caractère de Denis. Je le dis plus haut, Denis était la bonté et la gentillesse mêmes. Il a eu un rôle important dans la famille. Cela a été rapporté dans les paroles prononcées lors de la cérémonie : « Dans une famille où les relations n’ont pas toujours été simples, Denis avait trouvé une position rare : il savait, tel un diplomate, maintenir la juste distance avec chacun. Sans jamais prendre parti, il a su être l’élément d’équilibre ; celui que reliait sans juger, celui qui apaisait par sa présence tranquille. Il était ce point d’ancrage qui relie sans contraindre. « 

Quelques jours avant son départ. Lors d’un moment de confidences avec Danièle « qui lui disait combien elle l’admirait pour la manière dont il avait surmonté les difficultés de sa vie, Denis avait alors répondu, avec la sincérité qui était la sienne : ‘J’ai simplement essayé de ne pas oublier de vivre le meilleur entre tout ce qui ne l’était pas’. »

Denis et les Frésard. Charles Frésard a été le comptable de la Fabrique d’horlogerie Froidevaux S.A. Neuchâtel. Denis était son employé. Entre monsieur Frésard et Denis s’est établi une belle relation filiale qui a duré toute une vie. Lorsque les affaires de monsieur Froidevaux ont commencé à péricliter et que monsieur Frésard s’est vu obligé à trouver un travail ailleurs, il a pris Denis avec lui. De plus, les deux habitaient dans des appartements mitoyens dans la maison que monsieur Froidevaux avait fait construire près de sa fabrique. Ils avaient aussi l’amour du sport en commun. Ils regardaient les courses à vélo, les matches de foot et de tennis ensemble et tous les fins d’après-midi, ils prenaient leur apéro ensemble. C’est rare d’avoir une telle relation. Et pour clore la chose, Denis est né un 3 juillet, le même jour que Charles Frésard. Ils étaient prédestinés !

Des cadeaux pour moi. Denis savait que j’ai de l’admiration pour Einstein et s’est dit que c’était l’occasion de me faire parvenir deux choses que bien des gens ignorent à son sujet. Il s’est ingénié à faire parler Marlyse Biétry, la soeur de Jules. Il ne faut pas faire beaucoup d’efforts pour faire parler Marlyse, mais là, j’ai bien senti que les anecdotes qui suivent étaient pour moi. Merci Denis ! :

  1. La marraine de Marlyse avait habité dans la même maison qu’Albert Einstein, là où il y a le musée à Berne. Lorsqu’elle a eu six ans, elle a perdu sa maman. Albert Einstein allait les chercher, elle et son frère, pour les promener. Il vaut la peine de mentionner que la marraine, Nina Guillaume, était la petite nièce d’un autre physicien, Charles-Édouard Guillaume, qui a eu le prix Nobel en 1920 ( ses travaux sur la dilatation des métaux ont été utiles pour la métrologie, l’horlogerie et même contribué à l’invention de la télévision !) ;
  2. Lorsqu’on allait au restaurant, nous avons croisé madame Rossel, la femme de feu le professeur Paul-René Rossel. Or, le professeur avait été l’étudiant d’Einstein au poly de Zurich.

Ce sont des choses qui me rendent Einstein (voir le lien pour l’article que je lui dédie) plus proche encore. Mais, Denis m’avait aussi permis de compléter l’article sur les montres Froidevaux en me montrant celles qu’il avait en sa possession. C’est dans l’article sur l’homme Froidevaux dont le lien figure plus bas.

Denis et la musique : Denis aimait le folklore suisse et la musique douce. C’est ainsi que Danièle a choisi la valse no 17 de Chopin pour finir la cérémonie. Or cette musique a aussi une grande signification pour moi et je l’écoute presque tous les jours. Un autre cadeau ! Voici une interprétation sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=eN5z1mu6j4M&list=RDeN5z1mu6j4M&start_radio=1&ab_channel=Kassia

Voici Denis il y a un peu plus d’une année, à Noël, chez monsieur Frésard. C’est touchant. Son regard accompagné de son sourire si particulier est celui de toujours, chaleureux et si plein de *j’ai saisi et je comprends ». Les lumières roses des bougies et de la lampe lui vont si bien… et il est assis à la place qu’il occupait lors des apéritifs.

Commentaires : certains anciens collègues ont aimé l’article et ajouté qu’ils étaient émus de le retrouver de cette façon ; une personne a rappelé que « Denis avait été une belle personne, pleine d’humanité et qu’elle avait eu de la chance d’avoir partagé une partie de sa vie professionnelle avec lui ». Je me dis que c’est une belle carte de visite pour aller au ciel !

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