M. Charles Frésard est allé rejoindre sa Gretel au ciel !

Même si je suis contente pour lui, j’ai un vide.

Vendredi 27 octobre, je vais chez M. Frésard lui apporter l’herbe pour son chat Max. Je la mets à la bonne place et m’assieds pour discuter un moment avec lui. Il me demande ce que je raconte de beau. Il aime que je lui raconte des choses qui vont bien et me dit souvent qu’il bien aime me voir. Cette dernière remarque ne vaut que parce que monsieur Frésard est un homme de goût et que comme il ne sort plus, je dois lui apporter un peu de couleur. Je lui dis que je révise le texte d’un ami médecin-écrivain qui va publier un livre sur Jeanne d’Arc et que j’y apprends plein de choses ; par exemple, le mot aujourd’hui. Au Moyen Âge, on disait « ce jour d’hui ». L’expert que je consulte, Chambaron, me dit qu’à l’époque on distinguait la journée (en opposition à la nuit mais aussi à hier et à demain) du jour calendaire (24 heures). Ce qui fait que le mot aujourd’hui est déjà un pléonasme et que ceux qui disent « au jour d’aujourd’hui » font une triple répétition ! On rit un moment, puis il me dit :

– Je suis au bout du rouleau. Je vais aller rejoindre Gretel.

– C’est une déclaration d’amour pour votre femme ! me suis-je exclamée. Si vous partez, vous viendrez me le dire. Il a souri et ajouté :

– Merci beaucoup pour tout, pour tout, pour tout.

À ce moment-là, j’étais sur le pas de la porte de la cuisine. Maintenant que je revis le moment, je me rends compte que le temps s’était suspendu pendant qu’il me remerciait. Il ne l’avait jamais fait de cette façon. Depuis que Gretel, sa femme, est partie cu ciel en juin de cette année, monsieur Frésard est devenu plus affectueux, plus démonstratif. J’ai pensé que sa femme lui soufflait des mots depuis l’autre dimension. Pourquoi ? Monsieur Frésard était un homme très poli, droit, aimant les bonnes manières , les belles choses, mais il était chef dans l’âme. Je le lui ai dit une fois qu’il me disait qu’il allait prendre des dispositions pour aller finir sa vie dans un home. Pour moi, c’était impensable :

C’est la dernière photo que je lui ai prise (juin 2023).

– Mais non, monsieur Frésard, vous êtes un chef dans l’âme, (il l’a aussi été avec moi !) vous avez été le chef de tous les domaines de votre vie. Un home n’est pas un endroit pour vous, vous n’y avez aucune décision à prendre. Vous vous devez de finir chez vous. Il m’a écoutée avec attention et m’a dit : « Alors, je mourrai chez moi. »

Je reprends le moment où j’étais sur le pas de la porte. Je disais que le temps s’était suspendu. C’est effectivement ce qui s’est passé. Pendant ce moment-là, il était en train de me dire : « Je vous dis adieu. Je m’en vais ». Je ne l’ai compris qu’au moment où j’ai appris son départ. Ce genre d’expérience, je l’ai vécu de différentes façons, mais ce n’est toujours qu’après « le départ de la personne » que je peux le déchiffrer. Cela m’apaise et met les choses en place même si je ressens un vide. Quand même, ne plus revoir quelqu’un…

Le départ des êtres chers. Il arrive un moment dans la vie où l’on n’a plus envie de continuer et monsieur Frésard était dans ce cas. Je lui avais proposé deux ou trois choses pour qu’il retrouve un peu de forces, mais, j’avais compris qu’il partait.

Madame Brodard. Ce même jour, je lui ai dit que madame Brodard s’était rendue au ciel. Il m’a dit : « La dame du marché, la femme de l’ancien postier ? J’ai eu quelques-uns de ses enfants à la bande des Armourins.  » Monsieur Frésard a toujours gardé sa tête en parfait état. Je viens de faire part à Marc, fils de madame Brodard, du départ de monsieur Frésard et il m’informe que la bande comptait 40 à 50 musiciens. Alors, que monsieur Frésard se rappelle, des années et des années après, du nom d’enfants qui sont passés dans ses listes, c’est à relever. Il faisait sa comptabilité comme un expert. On faisait mentalement le calcul des courses que je lui apportais. C’était remarquable. On avait du plaisir à le faire.

Arrivée de monsieur Frésard au ciel. Je dis « au ciel », mais ce doit être un changement de dimension. Ceux qui en parlent disent qu’il y a une lumière dorée, plein d’amour et que les êtres chers sont là pour vous accueillir. Alors, j’imagine l’arrivée de monsieur Frésard, tout comme si une ouverture temporelle me permettait de suivre la scène :

J’ai mis un fond rose parce qu’en fait M. Frésard était un romantique. Tous les samedis, il achetait des fleurs.

La Danse chinoise. Depuis que les amis Frésard sont venus voir le spectacle, à chaque fois que j’exécute cette danse, j’entends, à un certain moment de la musique, sa voix dire : « C’est beau ! ». Monsieur Frésard est un homme qui a beaucoup voyagé et beaucoup vu. Le fait de l’avoir touché est un privilège.

Monsieur Frésard et mes cours. Je donne un cours sur des percussions osseuses au sein du programme Midi Tonus du Service des sports de la Ville et monsieur Frésard m’avait fourni un témoignage absolument différent de tous ceux avec lesquels j’avais pratiqué la technique : il avait pu faire le vide en lui ! Vous trouverez un lien pour l’article à la fin de cette page.

Dans un jardin-souvenir. Lors de l’une de nos dernières conversations. monsieur Frésard m’avait dit qu’il venait d’aller déposer les cendres de feu sa femme dans le jardin-souvenir d’un ami. Il avait y avait aussi prévu sa place et dans la photo qu’il m’a montrée de l’endroit , on y voit un cerf. Cela a beaucoup touché monsieur Frésard. Il m’a dit : « Gretel est à l’air, loin de tout et le cerf lui rend visite » puis, il a souri. C’était un de ces moments où toute la tendresse de monsieur Frésard affleurait. J’ai un peu arrangé la photo, mais l’endroit où le couple se trouve est sous les pierres.

Merci monsieur Frésard ! Si je lui ai rendu des services, il m’en a aussi rendu parce que j’ai dû apprendre à couper les cheveux d’une dame (sa femme), d’un homme, (lui, et ce n’est pas la même chose), à réparer une télévision dont je ne comprenais pas le système, idem avec le téléphone, le câble électrique des lumières que je lui avais offertes une fois à Noël, etc. ; en bref, une série de choses que je n’avais jamais apprises mais du fait que monsieur Frésard se disait que je pouvais l’aider, je ne pouvais le décevoir et le ciel m’a apporté son aide. Ses amis, venus l’accueillir, le lui diront !

Le vide. Je reprends la coupe de cheveux. Je la faisais avec des ciseaux d’André, de gros ciseaux qui plaisaient aussi à monsieur Frésard. Il disait : « La semaine prochaine, vous venez avec vos ciseaux ! ». Cela voulait dire « Pourriez-vous me couper les cheveux la semaine prochaine avec les ciseaux d’André ? ». Je vous l’ai dit, monsieur Frésard était un chef et les autres des apprentis ! Cela tombait bien, j’ai toujours aimé être apprentie. Il était l’un des derniers liens avec la vie d’André. Mon monde se désagrège.

Liens vers :

Si vous désirez laisser un commentaire, deux façons de procéder :

  • directement par courriel (voir contact sur ma page d’accueil) ;
  • si vous avez une plateforme WordPress, vous pouvez facilement l’insérer au bas de cette page.

Laisser un commentaire