Ces histoires, Roger me les raconte quand on est dans mon studio de danse la Cave perdue. Ce studio a déjà une histoire et continue à s’enrichir d’histoires. Parfois, quand je regarde ma Cave perdue, j’ai l’impression qu’elle vit.
Roger a tout le temps quelque chose à raconter. Cette fois-ci, je l’invite à venir voir ma dernière danse. C’est une version en solo d’une danse chorégraphiée pour deux personnes. Le rythme de la danse change car je n’ai plus de partenaire avec qui avoir un « dialogue » dansé ; j’ai dû repenser le tout afin d’avoir une relation directe avec le public. Roger arrive et me voyant en costume dit tout de suite : « Vous avez un nouveau costume ! » C’est cela qui est plaisant avec lui, il est tout le temps présent, même si mille et une idées traversent sa tête.
Je lui présente ma danse et comme il est le premier spectateur à la voir, cela crée en moi une certaine tension et flûte ! je rate la fin, le moment clef de la danse pour ainsi dire. Je dois me trouver à un endroit précis pour faire un effet et comme je n’ai trouvé tous les pas de la chorégraphie que la veille… c’est un peu frais dans mon corps. Je réfléchis et propose à Roger de lui remontrer la danse comme si c’était la première fois. Il dit oui. Je refais le tout, c’est encore mieux que la première fois et je réussis mon coup d’effet. Roger applaudit et me demande : « Comment avez-vous fait ? » C’est bien Roger, il veut tout savoir ! Je lui réponds que je me demande si je n’utilise pas parfois ma tête comme la sienne : « J’ai modifié deux trajets qui on fait que la suite s’est déroulée comme prévu ». Je suis contente parce que j’ai réussi et Roger est content parce qu’il sait comment j’ai fait. Voilà comment deux personnes peuvent être contentes avec une même danse.
Ensuite, on passe aux réjouissances de ce monde !

Roger aime les framboises et j’aime servir mes invités dans de jolis plats arrangés à ma façon. J’ai mis les framboises sur une assiette transparente, accompagnées de fromage et le tout sur une assiette dorée qui vient de mon dernier voyage à Paris.

L’assiette dorée. Je dis à Roger que j’aime les reflets dans les miroirs ainsi que ceux dans l’assiette que je lui ai préparée – on la voit mieux ici. Roger fait le lien avec la conversation de l’article précédent où l’on avait dit que la valeur de l’or était due à sa rareté et rappelé que le pyramidion de l’obélisque en l’honneur du président G. Washington avait été revêtu d’aluminium, matériau à l’époque rare et dès lors très cher. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et l’or parade en tête pour le commun des mortels, mais en réalité il y a encore trois autres devant : l’ osmium dont la résistivité est extraordinaire – l’iridium qui a une grande résistivité à la chaleur et le rhodium qui a une grande dureté et durabilité. Ce sont des métaux très rares. À propos des reflets, je dis à Roger que je suis allée voir les nouveaux locaux du Figaro à Paris et que je suis tombée en extase devant le plafond des escaliers de l’entrée.

Entrée du Figaro : tout s’imbrique si naturellement que l’image fait une unité. Le reflet me transporte dans des dimensions absolument extraordinaires, je suis dans une sorte d’extase. Roger a été émerveillé et se dit également inspiré. Je suis ravie. Il ajoute qu’il a beaucoup de respect pour les architectes français. Ils arrivent à allier les styles historiques avec des éléments modernes. Ici le plafond est fait d’acier inoxydable martelé et poli, ce qui donne ces effets absolument remarquables.
Sujets traités lors de la dégustation des fraises-fromage. Roger s’intéresse à tout, à l’histoire, à l’art, à la musique, à la littérature, aux sciences, aux découvertes. La différence est qu’il cherche à savoir et dans mon cas, les choses se présentent, je les prends et les découvre peu à peu. Alors, cette fois-ci on parle vocabulaire allemand, physique, horlogerie et mathématique.
Gönnen. Roger a dit qu’il y a des moments où on peut se réjouir pour quelqu’un parce qu’il lui arrive une chose de bien et que cela se traduit par jemandem etwas gönnen en allemand et iemand iets gunnen en néerlandais (pour mémoire : Roger est néerlandais). Il a été étonné de constater que ce verbe n’existe pas ni en français ni en espagnol ni en anglais. Je lui ai dit que je n’ai jamais vu ce verbe dans le vocabulaire allemand appris à l’école mais que cela m’arrivait d’être heureuse pour quelqu’un et qu’en général je dis que je suis heureuse pour la personne tout comme si c’était à moi que cela arrivait. Je trouve que c’est beau d’être heureux pour les autres.
La gravité. On le sait, la gravité est une attraction de corps dans notre univers. Roger me dit que la lumière voyage à une certaine vitesse, vitesse qui est la même que celle de l’électricité, de l’électromagnétisme et qu’il vient d’apprendre, du haut de ses 55 ans, que la gravité se déplace à la même vitesse que les trois autres. Il râle parce qu’on aurait dû le lui dire à l’école ! Il me dit que la lumière du Soleil nous parvient en 8 minutes et celle de la Lune en 1,8 seconde, et, par conséquent, la gravité entre la Lune et la Terre se fait sentir en 1,8 seconde également. Lorsque j’entends Roger me dire qu’il y a cette interaction entre la Lune et la Terre en une seconde, j’ai l’impression que la Lune s’adresse à moi, que je vois et sens presque le déroulement de l’interaction. Une chose c’est le savoir intellectuel et une autre c’est le vivre. Roger profite pour me dire que le problème des sciences, comme la mathématique, est de rester abstraites. J’abonde dans son sens et lui dis que le professeur que j’ai eu dans cette matière à l’université avait commencé par donner des explications et des cas précis puis, comme il lui restait peu de temps pour finir le programme, avait dit qu’il ne donnerait plus d’explications. Alors, on a avalé les formules.

Encore la gravitation. Je trouve fascinants tous ces phénomènes physiques. Ainsi, la gravitation est le résultat de deux corps qui s’attirent avec une force proportionnelle au produit de leur masse et inversement proportionnelle au carré de leur distance. J’aimerais pouvoir entrer dans le calcul pour le comprendre. Ce sera dans une autre vie. Pour le moment, la Lune me fait cadeau de la sensation.
Les fabriques horlogères à Neuchâtel dans les années 1960 – 1975. Je fais une recherche sur les horlogers, les fabricants, de cette époque. C’est en lien avec feu mon ami André Oppel, graphiste et directeur artistique du Centre culturel neuchâtelois et René Froidevaux, fabricant horloger, pour lequel il avait travaillé. Dans ces années, il y avait foison de producteurs horlogers, puis la crise est venue. Je voudrais savoir où il y avait des fabriques et des horlogers dans ma ville à ce moment-là. Je n’ai pas fini le tableau mais je sais que cela intéresse Roger et surtout je me réjouis de ses commentaires. Dans les années 1960 – 1965 il y a environ 130 entreprises horlogères. Il me dit qu’actuellement il doit y avoir 8 marques (oui, on peut avoir 130 entreprises horlogères mais certaines ne font pas leur propre montre, elle peuvent faire des composants). Roger dit que si beaucoup d’entreprises font le même travail, il n’y a pas d’économie d’échelle (c’est-à-dire que les coûts fixes sont élevés pour chaque entreprise et que la production est limitée ; on le sait, la diminution du coût de production augmente le profit). Toutefois, il y a un avantage dans telle situation : c’est celle de trouver des pièces de remplacement facilement puisque beaucoup de gens font la même chose alors que lorsqu’il y a deux ou trois grosses entreprises, les éléments, les pièces de rechange, ne sont plus interchangeables, on est dépendant de la marque. Roger fait d’autres remarques ; elles feront partie de l’article consacré à ces horlogers. Mais disons déjà que lorsque Roger se lance dans une aventure, il a déjà tout calculé, sait ce dont il a besoin etc. alors que chez moi, je prends un sujet, je vis avec lui un moment et ensuite surgissent les questions.
A very math trip. Je dis à Roger que je suis allée voir le spectacle A very math trip à Paris et que je l’ai trouvé très intéressant. J’ai acheté le livre et l’auteur est d’accord pour que je lui envoie les coquilles que j’y trouve. J’apprends, en lisant le livre que si le jeu de cartes a 52 cartes c’est parce qu’il y a 52 semaines dans l’année et les quatre couleurs correspondent aux quatre saisons ! Vous auriez dû voir la tête de Roger quand je lui ai raconté l’affaire. Il a commencé à compter les cartes, comme s’il les voyait, et finalement est arrivé au nombre de 52. Il a dit : « Ah, oui ! ». Là, j’ai vu qu’une nouvelle donnée (celle des cartes de jeu) avait trouvé une place ordonnée dans son cerveau.
J’ai envoyé la photo des framboises à Roger et il me répond qu’il « considère les framboises comme le fruit le plus élitaire pour plusieurs raisons :

- lorsque j’étais enfant, je n’ai vu de framboises que dans mon jardin ;
- la framboise a une très petite taille (par rapport à une banane, un ananas) ;
- elle est très fragile et il faut la consommer tout de suite ;
- dans la BD Asterix le Gaulois, Panoramix et Obelix sont prisonniers des Romains et le premier demande à un centurion de lui apporter des framboises pour préparer la (fausse) potion magique qui rend transparent alors que ce n’est pas la saison. Vous voyez, dans le dessin ci-contre, le pauvre centurion qui ramène finalement les fraises.
Je vous laisse vous souvenir de la fin ou d’aller la lire… C’est drôle et cela nourrit bien Roger !
Liens vers :
- Les histoires de Roger Peeters.1 ;
- Hooke & Huygens montre – Roger Peeters – Zully ;
- Hooke & Huyens, montre annulaire et des pieds par Zully ;
- De l’art de l’utilisation des épingles de sûreté et nos propres ressources ;
- Les animaux pensent-ils ?
- Les portes du monde de Zully ;
- Cendrillon, le sudoku et la vie, quels points communs ?
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