Comme je le disais dans l’article précédent, tous les endroits sont bons pour échanger quelques mots, faire des observations, s’enrichir.
Quand je donne un cours, mon désir est d’enrichir les autres. Il arrive aussi que je m’enrichisse. C’est ce qui s’est passé il y a peu de temps. J’utilise toute sorte de choses pour donner mes cours et voici que je donne une sorte de petit disque – au centre d’une ficelle circulaire – qui tourne lorsqu’on tend la ficelle une fois qu’on l’a enroulée. Il donne l’occasion d’utiliser diverses articulations. Tout d’abord, il faut faire passer la ficelle à travers le disque qui doit rester au milieu et faire un noeud pour que ledit disque ne tombe pas. La ficelle n’est pas d’une très bonne qualité et il m’est arrivé de la remplacer par une plus solide. Cette fois-ci, on est trois personnes et chacune fait son noeud. On fait le cours et une fois que je vais ranger les disques, je vois le noeud fait par l’une des participantes. Il est bien plus beau que ceux que je fais. C’est celui tout à droite de l’image no 1.
Quelle importance ? Les noeuds tiennent et cela devrait suffire. Oui, mais… Je me dis que toute chose devrait être bien faite. Pour moi, tout fait partie d’un tout. Je me dis que si j’étais le noeud, j’aimerais être celui de la première image tout à droite. C’est pourquoi, je lui ai mis un soleil. On voit mieux les noeuds dans l’image no 1.2.
Que faire avec les autres noeuds ? Je les ai défaits et, m’inspirant de celui de la participante, les ai refaits. C’est l’image no 2. Là, tous les noeuds sont contents et donc brillent comme un soleil.
Mes noeuds vont changer et d’ores en avant, ils auront meilleure allure. J’ajoute un quatrième disque et on en voit le détail dans l’image no 3.1, toujours avec un soleil. Je pourrais même brûler le bout afin qu’i ne s’effiloche point !
Oui, encore une fois, quelle importance ? Une nouvelle fois, je répète, tout fait partie d’un tout. La participante en faisant son noeud n’a pas pensé à l’effet qu’il pourrait produire. Voilà, c’est comme cela qu’on devrait tout faire, bien ou au mieux. Je remercie la participante à mon cours.
Dans un magasin. Je rencontre une dame qui travaille à 70 %. Elle m’explique qu’elle a en plus du travail à la maison. Je lui dis :
Et voilà une articulation sociale en parfait état : pas de rigidité, ni d’inflammation. Elle est huilée !
Tous les endroits sont bons pour échanger quelques mots, faire des observations, s’enrichir.
Au bord du lac. Je courais au bord du lac avant de faire mon bain et je vois un monsieur, assis sur un banc, regarder son téléphone portable. Il était environ 13 h 30 et le soleil était dans toute sa splendeur. Je demande au monsieur s’il voit quelque chose sur son écran. Il répond qu’il l’a passablement éclairci et que donc il peut l’utiliser. Je ne sais plus de quoi on parle et je lui demande :
Dans un magasin. J’entre dans l’ascenseur qui monte au premier étage. Deux hommes, d’une cinquantaine d’années, de belle allure et très bien habillés entrent aussi. Je presse les boutons et l’ascenseur se met en route. Comme ils ne disent rien, je dis :
Restaurant sans déchets ! Le festival des Sports a invité les enseignants à une discussion sur la dernière session et ensuite à un repas. Lors du repas, je me suis trouvée assise à côté d’un enseignant de capoeira, Manuel. On discute de diverses choses et me dit qu’au Brésil il y a un restaurant où l’on commande le plat au poids ; on paie et on ne laisse rien dans l’assiette ou alors… on paie à nouveau ce qui reste ! Cela fait, qu’en principe, il n’y a pas de déchets dans les poubelles du restaurant.
Je raconte l’histoire à l’une de mes amies qui me dit que le restaurant Touring au Lac , Neuchâtel, procède de la même façon. C’est magnifique !
Un mot au sujet du repas : excellent ! Cela s’est passé au restaurant Café des amis. Un repas très bien présenté, de beaux plats et copieux. À un moment, j’ai regretté de ne pouvoir finir l’assiette, mais, tout à coup, Manuel m’a dit que l’une de nos voisines de table venait d’avoir son repas dans une boîte pour la maison. Cette dame ne sait pas combien elle m’aura rendu service. Là, on touche l’un de mes thèmes favoris : rendre service. C’est pour cela que tout ce que nous faisons devrait être bien fait parce qu’il y a toujours des effets, des effets attendus et des effets inattendus. J’ai quand même pu remercier la dame au moment où j’ai quitté la table. C’est ainsi que deux jours plus tard, le lendemain étant jour hebdomadaire de jeûne, j’ai pu me régaler. Je continue d’être reconnaissante à cette dame, au personnel du festival qui nous a invités et au personnel du restaurant qui a si bien travaillé. Un vrai régal que tout cela.
Le personnel d’un grand supermarché de Neuchâtel. J’ai peu d’invités chez moi, mais l’autre fois, j’ai voulu innover mon menu et ai demandé à un traiteur de ce magasin s’il savait faire des sirops qui accompagnent les fruits. Oui, a-t-il dit.
Je l’ai remercié et appliqué la recette avec des pruneaux et des patates douces. Cela a été un délice. Aujourd’hui, j’ai voulu savoir quelle sorte de sucre blanc était le bon, le mien était dans un bocal sans étiquette, il fallait pour le sirop et ne vois qu’un jeune vendeur. Je m’approche et lui demande s’il peut, par hasard, répondre à ma question… Il dit qu’il mange beaucoup de sucre mais qu’il peut venir au rayon avec moi. Il lit les étiquettes… puis dit qu’il va demander à un collègue qui vient de passer. Le monsieur s’occupe plutôt du rayon des viandes mais, sait-on jamais. Quelle chance, il en connaît… un rayon sur l’affaire.
On a bien rigolé. Je lui ai demandé si du sucre brun irait aussi et il a confirmé. Je suis retournée vers le jeune vendeur et lui ai expliqué ce que je venais d’apprendre.
Je suis touchée par ce jeune vendeur et raconte l’affaire à un autre vendeur que je connais et qui s’occupe des légumes. Je lui dis que je n’aurais jamais reçu de pareils conseils de la part d’une machine et cela le met aussi de bonne humeur de savoir que ses collègues m’ont rendu service. J’ai l’impression que ce personnel est très uni. C’est rare de nos jours de voir des gens impliqués et se soucier les uns des autres. De plus, le magasin a fait une affaire parce que j’ai acheté du beurre ; je n’en achète plus depuis longtemps.
Je me demande si le mal de dents qui m’a obligée à aller consulter le dentiste à Bucarest n’a pas été ce qu’on appelle un mal pour un bien !En tous les cas, mon ami le hasard s’est invité et a inventé de drôles de choses.
Chez Liliana. J’ai donc des problèmes dentaires et seul le dentiste R. Duinea, en Roumanie, me comprend. Je raconte l’affaire à mon amie Liiana qui est une mécène à toute épreuve et elle m’invite chez elle.
Odonyme qui mène de chez Liliana à la station de bus.
Discours, volume I.
I.C.Brătianu. J’ai fait le parcours à pied de bien nombreuses fois et la plaque ne cessait d’attirer mon attention. J’arrive une fois chez le dentiste Duinea et vois un tas de livres sur l’art, l’architecture. Je les laisse là. Une autre fois quelque chose me dit que je dois jeter un coup d’oeil à ces livres. L’un d’eux a presque le même nom que celui sur la plaque. Il contient des discours. Je lis est apprends le rôle fondamental que cet autre Brătianu a eu dans la l’histoire roumaine, dans l’unification du pays.
Lorsque je fais le parcours en sens inverse pour aller chez Liliana, la plaque me sourit. Vous trouvez cela bizarre ? En fait, c’est une traduction émotionnelle de ce que la plaque m’a dit Je pourrais aussi dire qu’elle brillait, maintenant que je savais qui le personnage était. Il était non seulement le père de celui dont on a publié les discours mais il a également été un protagoniste dans l’histoire du pays. Sans lui, pas de Ion I.C. Brătianu et surtout pas de Roumanie. Il a joué un rôle clef dans l’union des principautés, la constitution de l’État roumain et été le fondateur du parti libéral national. Il a été Premier ministre à de nombreuses reprises. Il est un personnage central de l’unité du pays et a contribué tant à sa modernisation qu’à sa consolidation. Mon Dieu, moi qui éprouve une admiration sans bornes pour tous ceux qui font du bien ! Je suis émerveillée et, étant à Bucarest, un sentiment d’unité m’habite.
Le soir-même, j’envoie un mot de remerciements à mon dentiste pour lui dire que grâce à lui, je sais qui est Ion Constantin Brătianu. Il me répond que c’est son arrière-grand-père ! Là, je ne sais quoi dire. J’ai des frissons. Il m’est arrivé d’avoir des coïncidences (on les appelle ainsi), mais là… De plus, le docteur Duinea est le dentiste de la maison royale. Il me dit que pendant dix ans, il n’a rien dit des liens qui l’unissaient à I. C. Brătianu (qui est celui qui a appelé le roi Carol I. en Roumanie). Ils l’ont appris par hasard.
Monsieur Duinea me dit qu’il existait une maison Brătianu à Bucarest mais qu’elle était en mauvais état. Je l’ai trouvée avec peine, un concierge de l’hôtel Sheraton m’a donné un sérieux coup de main. C’est ainsi que j’ai pu me diriger à la rue de l’Église Amzei, no 5-7. L’émotion a été intense. On ne voit pas la maison depuis la rue, elle est en retrait, il faut traverser une cour et ensuite, on la voit. Elle est imposante et a de l’allure malgré le peu de soin dont elle souffre depuis des années.
Les portes. Autre chose qui m’émeut, ce sont les portes et leurs poignées. J’ai l’impression que le locataire de la maison y a laissé son empreinte. La première fois que j’ai eu cette sensation, cela a été avec la porte de la maison Einstein à Berne, la deuxième fois, c’est avec celle d’Henri Poincaré à Paris et maintenant avec celle de Ion I.C. Brătianu. Ici on voit nettement une serrure moderne et que la poignée a été changée. Il n’en reste pas moins que l’entrée de la clef est l’originelle et que la porte l’est aussi. J’ai encore l’impression qu’elle me parle. J’ai voulu entrer dans la maison, mais la porte est scellée. On le voit sur la photo.
L’histoire. J’en reviens à mon idée, presque fixe : l’histoire est ce qui fait de nous qui nous sommes et on se doit de la connaître. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut éviter des erreurs… Or l’histoire n’est qu’une branche qu’on apprend par coeur… Dommage.
Encore une photo. Celle de l’endroit où Ion I. C. Brătianu se tenait il y a X années lorsqu’on lui a pris la photo qui figure sur son livre. Je pense souvent à ces personnes qui ont le don de se situer à un endroit ou de prendre l’objet d’une personne décédée et de dire comment a été la personne et ce qu’elle a vécu. Il me semble qu’un rien me sépare de cela, mais… rien. Quand même quelque chose se passe en moi.
Mes dents. Je me demande si le problème que j’ai eu avec les dents n’a pas été une raison pour que je vive de telles émotions et pour que je puisse dire : un mal pour un bien !
Suite. Je raconte l’affaire à Liliana qui me dit qu’elle avait eu à l’école une copine de classe qui s’appelait Rodica Brătianu et de sa soeur dont le prénom devait être Delia. Je reprends contact avec le dentiste qui me dit que oui, Rodica avait été sa tante, avec laquelle il avait eu des liens très étroits, et que sa mère était bien Delia.
C’est ainsi que les protagonistes de cette histoire se sont réunis. Je me dis souvent que si on avait inventé une pièce de théâtre avec de tels événements, on aurait dit que dans la réalité de telles choses n’existent pas. On a tort, la réalité dépasse la fiction. Je ne peux m’empêcher de dire que la plaque vue se trouve dans les environs de l’entrée du cimetière et qu’en passant, j’avais une pensée chaleureuse pour ceux qui pouvaient en avoir besoin. De plus, normalement pour aller chez le dentiste, il me fallait prendre deux bus, un métro, encore un bus et marcher quinze minutes. C’est parce que le premier bus avait des horaires fantaisistes que j’ai préféré rajouter quinze autres minutes de marche et que donc, je suis tombée sur la fameuse plaque parlante. Alors, je remercie ce bus et sa fantaisie qui m’ont mise « sur le bon chemin ». Ah, les voies du destin…
Je mets une dernière photo. C’est celle d’un arbre tout à fait à droite de la maison. Il a certainement vu Ion Constantin Brătianu entrer et sortir de la maison. Il doit connaître ses pensées, ses émotions… J’aimerais pouvoir parler avec lui. Mais, il sait que je sais qu’il sait. J’ai un peu arrangé la photo parce que l’arbre, autant que la maison, méritent un meilleur sort.
Voici les dates qui ont ponctué la vie de Ion Constantin Brătianu. On les trouve dans une seconde plaque plus loin dans la rue :
On comprend que I.C. Brătianu a été un révolutionnaire et le fondateur du parti libéral national . Le terme « pașoptist » désigne le mouvement culturel et politique de 1848 ayant pour but la liberté et la nationalité roumaine. C’est rigolo, on voit sur la plaque « n. 1821 – d. 1891) ; « n » voulant dire « né et « d » voulant dire « décédé ». Je n’avais jamais vu ailleurs une telle datation. Monsieur Brătianu est parti au ciel au mois de mai, le jour de mon anniversaire… Cela me fait quelque chose.
Florin Niculescu. De retour en Suisse, je vais rendre visite à Florin, ami ingénieur en mécanique et horloger qui est devenu le patron de Tavannes Watches Co et lui raconte mes péripéties bratianesques à Bucarest. Et là… Il me dit que l’école qu’il a ouverte à Bucarest avec deux autres collègues, le lycée technique (microtechnique) qui forme des horlogers a ses locaux dans le lycée Ion I.C. Brătianu ! Cela ne s’invente pas ! Pour ceux que cela intéresse, je vous mets le lien pour le lycée.
Am o secție despre conversațiil pe care le am pe stradă, în magazine, în mijloacele de transport. Fiind la București, scriu pe românește.Am noroc că prietena la care stau, Liliana Iacob, este o stea a limbii române și a corectat textul. Ea n-are vină pentru ceea ce scriu… numai corect să fie.
În mășină. Eram așezată pe primul scaun și s-au urcat o doamnă cu un băiat de vreo 9 ani. El s-a agățat de ușă. I-am spus că era periculos și și-a schimbat punctul de sprijin. Mai târziu, s-a urcat o altă doamnă care s-a ținut și ea tot de la ușă. I-am făcut un semn din ochi băiețelului câtre doamna. Și i-am spus : « Doamna este deja adultă ; sau nu i-a spus nimeni, sau n-a ascultat. Tu ai ascultat. Felicitări ! » În acel moment ochii copilului au strălucit de fericire și am fost pe aceeași dimensiune. I-a venir rândul să coboare, mi-a făcut semn cu mâna și când a fost pe trotuar am « văzut » că-i povestea mamei sale ce se întâmplase. Când mi se întâmplă așa ceva, am impresia că am transmis ceva.
Tot în mașină. Mă întorceam la prietena mea și am vrut să știu la ce oră trecea mâșina. O doamnă a răspuns că la fără 20 de minute. A doua zi am fost la stație la și 27 de minute, în caz… Am așteptat până la și 15. A trecut un domn cu un aparat de fotografiat (prietena mea locuiește pe lângă lacul de nuferi). L-am întrebat pe domnul acela dacă a făcut poze interesante. Mi-a spus că puține, pentru că erau cuiburi și păsări mici cu mamele lor și nu voia să le deranjeze. Mi s-a părut un gest nobil. L-am întrebat la ce oră trecea mășina, dar nu era din zonă. I-am povestit că așteptam de mult și s-a oferit să mă conducă pentru că, a adăugat, nu putea să mă lase în drum. Un om foarte nobil, v-am spus.
Tot în mașină. Mașina care îmi trebuia tocmai plecase când ajungeam la stație. M-am urcat în următuarea mașină a altei linii și l-am întrebat pe șofer dacă trecea pe la metrou. – « Nu. Dar dacă sunteți pe fază, puteți să-l prindeți pe colegul din față ». Mășina din față era separată de a noastră de un camion lung și de două mașini. I-am răspuns : « Nu știu dacă pot să alerg așa mult până-l prind ». Doar că în acel moment, camionul și-a schimbat culoarul și nu mi-au rămăs în față decât două mășini. « V-am spus să fiți pe fază, adică în gura ușii, gata să coborâți ! ». Atunci am văzut că mașina din față se apropiase de stație… dar a « noastra » nu, pentru că era blocată în trafic. M-am așezat repede « în gura ușii » și șoferul « meu » m-a întrebat : « Dacă vă las aici vă convine ? » A fost o clipă în afăra timpului, pentru că am înțeles că îmi făcea o favoare, că știa că voi prinde mășina din față și am răspuns imediat : « Da ! ». Am alergat și înainte să mă urc în mășina cealaltă, i-am făcut un semn de mulțtumire, el mi-a făcut un semn din cap și am împărțit o clipă în afară timpului.
La un magazin. Căutam ardei verzi pentru prietena mea și-l văd pe un domn care alegea ardei galbeni-albi dintr-o ladă, din alta, din încă una și dintr-o a patra. Când a terminat treaba și voia se plece, l-am întrebat : – « Lăsați lăzile așa ? – Păi, așa le-am găsit. – Ați fi putut să le aranjați. » i-am răspuns. Atunci domnul a aranjat una și a plecat. I-am spus că ar fi putut să facă mai bine, dar n-a mai ascultat. Când m-am apropiat de casă, l-am văzut pe domnul aproape de mine, el m-a văzut, dar ne-am ignorat. Pe urmă m-am dus la stație și am așteptat vreo 20 de minute făra să vină mășina. Dintr-o dată, cine apare ? Domnul ! M-am utat la el, s-a utitat la mine, eu n-am spus nimic și deodată spune el : – « Iar ne întâlnim ! – Este un semn al destinului »- i-am răspuns. I-am povestit că mă întorsesem la sectorul legumelor ca să iau un brocoli pentru prietena mea, că am profitat să golesc o ladă care avea doar trei roșii și că l-am văzut pe un vânzător aranjând lăzile cu ardei. Când l-am întrebat de ce, el a zis : « Ca să arate frumos ». I-am spus că oamenii nu prea sunt atenți… dar el a insistat și mi-a mulțumit pentru că aranjasem roșiile.
Domnul mi-a explicat că înaintea lui o doamnă răsturnase toate lăzile ardeilor. I-am răspuns că nu era un motiv. Domnul a adăugat că noi nu puteam să le aranjăm pe toate. Am replicat că una în plus sau în minus era deja ceva. În acel moment a apărut un băiat de vreo 11 ani care colecta sticlele plastice de la gunoi. Eu aveam una de apă minerală aproape goală și i-am făcut semn că putea s-o ia. A luat-o, a vârsat apa pe jos și a aruncat capacul sticlei printe plantele din stație. M-am dus la el și i-am spus că așa ceva nu se făcea și am vrut să-i au sticlă înapoi. El a rezistat, dar am invins si i-am spus că lucrurile nu mergeau așa și că trebuia să ia capacul. L-a căutat și l-a pus la gunoi. Atunci i-am dat sticla înapoi și el mi-a mulțumit. Domunul asistase la scenă fără să scoată un cuvânt. I -am spus că de acum încolo acest băiat nu va mai azvârli capacele sticlelor oriunde. In creierul domnului ideile își căutau un drum și când m-a înțeles a avut un zâmbet și mi-a urat sănătate și numai bine înainte să se urce în mașina care venise.
La un alt magazin. Este un magazin francez care a suprimat casierele ; tendință de eliminare a locurilor de muncă peste tot, atât în Elveția, cât în Franța și aici. Erau două locuri unde oamenii puteau plăti cu numerar și câteva case unde se putea plăti doar cu card. Proprietarii magazinului, știind că nu toată lumea se descurcă cu asemenea mașini, au pus o casieră-vînzătoare să-i ajute. Dar deja la coadă oamenii o chemau, îi puneau întrebări. Doamna alerga la dreapta, la stânga, jos, sus și m-a ajutat și pe mine. Când am terminat, i-am spus că avea o muncă grea. « De unde știți ? Sunteți șaman ? Nu, i-am zis, doar văd. » Atunci mi-a zâmbit și eu la fel. Ne-am înțeles. Ce bine !
O armată de iubitori ! Care ? Țințarii. Sunt de o generație nouă pentru că nu fac zgomot, doar simți deodată că te-au înțepat. Așa că am picioarele cu mușcături, par că sunt un tablou modern.
Temperatura în București. Majoritatea timpului a fost între 40 °C și 43 °C la umbră. Predicțiile după plecarea mea sunt de 27 °C – 29 °C. Ce se spun… Bucureștiul m-a văzut și s-a înfierbăntat. Dacă mi-a fost cald ? Da, dar am găsit pe drum locuri unde puteam cumpăra apă de izvor și asta a fost foarte bine. Am putut cutreiera străzile de sus in jos și de jos în sus, de la Universitate la Piața Unirii, am fost pe la Bucur Obor și la Dragonul roșu. Am primit alarme de caniculă pe telefonul mobil dar nu mi-a păsat și nu mi s-a întimplat nimic.
Surpriză plăcută ! În câteva locuri am întâlnit niște instalații care împrăștiau pe trotuar un nor de picături fine de apă pentru a răcori trecatorii înfierbântați. M-am scăldat cu voluptate în el minute în șir ! Dacă aș fi putut, aș fi luat una cu mine. Felicitări Primăriei pentru inițiativă. Instalația se găsește pe lângă piața Unirii.
Am făcut un montajpentru că mereu era un cineva.
Un regret. Aici, în București ,ca și la Neuchâtel, magazinele particulare sau mici dispar. Am vrut să mă duc la niște mercerii care erau în Bucureștiul vechi dar s-au desființat. Ce păcat ! Și încă ceva : tare mult îmi plac plăcintele cu brânză dulce sau cu dovleac. Locurile unde le cumpăram sunt mai puține iar cel care le făcea pe cele mai bune este în concediu. Noroc că prietena mea mi-a făcut ieri surpriza de a-mi pregăti o tavă întreagă cu aceste plăcinte minunate din care o parte mi-am pus în bagaje.
Am ajuns la mine cu plăcintele, dar până am făcut poză… aproape un etaj de plăcinte a ales domiciliu în mine !
Dans tous les métiers il y a toute sorte de gens, ceux qui font juste ce qu’il faut, d’autres qui appliquent des recettes, d’autres encore qui vivent ce qu’ils font. C’est le cas de Chambaron.
Commençons par dire qu’il se définit lui-même comme un incorrigible correcteur, mangeant langues vivantes et étymons antiques à tous les repas. Dans une vie antérieure il a travaillé dans l’énergie, notamment en Suisse. J’ajoute que s’il a un bac scientifique, il a étudié le grec et le latin. La littérature lui est tombée dessus en étudiant… la gestion. Ah, les voies du destin…
Je l’ai rencontré via la plateforme Question-orthographe.fr, issue du Projet Voltaire lancé par les deux frères Hostachy, que je remercie une nouvelle fois. Pierre, ah, oui, j’ai oublié de vous dire que sous le nom de plume Chambaron il y a Pierre Buffiere de Lair. La graphie du nom est correcte, pas de è ni d’apostrophe.
Portrait fidèle de Pierre, toujours franc et joyeux !
Correcteur – complice – cornac. C’est lui qui m’a appris le mot cornac (guide), c’est aussi un trait de sa personnalité : la délicatesse. Il est devenu le complice de toutes mes révisions de texte qui comprennent tant la mathématique, l’histoire de la Grèce ancienne, la science-fiction, la musique, le Moyen Âge, l’histoire de la France, la typographie, l’horlogerie, ainsi que des livres sur la langue française. Il trouve toujours une explication. C’est fabuleux.
Chambaron l’écrivain. Il est un fervent des nouvelles et c’est un genre où il excelle. Celles qu’il publie, la plupart primées lors de concours, sont des nids de trésors tant par les mots que par les idées. Lors d’un échange de messages, je lui avais écrit : J’ai connu des gens qui connaissaient les règles sur le bout des doigts mais qui n’avaient aucun talent pour l’écriture, vous vous avez les deux et en plus de l’imagination. C’est vrai, Pierre sort du chemin battu. Voici quelques commentaires et extraits tirés du recueil Ni vent ni nouvelle. Dans ce titre assez inattendu, on retrouve l’expression de jadis « je n’ai eu ni vent ni nouvelles de Untel ». Le titre est fait pour intriguer tout en affichant le mot nouvelle. C’est bien le genre de jeu de mots que Pierre aime.
Métamorphose sabbatique. C’est la première nouvelle du recueil et la phrase qui saute à mes yeux est en lien avec le spectacle sur les mots que je prépare. En effet, je monte un spectacle sur la métamorphose des mots. Sacrée coïncidence ou alors c’est cet ami appelé hasard qui me rend visite. L’histoire de la nouvelle se situe à Prague et il est question de Kafka et de situations étranges. Voici le texte : Les mots se suivaient, comme autant de pavés dans une rue de Prague, chacun ne se joignant au précédent que par le lien syntaxique habituel qui unit des noms à des verbes, puis des verbes à d’autres noms qui s’accouplent eux-mêmes à des adjectifs. Et tout le petit peuple obscur d’articles, de conjonctions, de prépositions qui grouillaient entre les mots, s’affairait à lier, articuler, à coordonner les princes de la fête pour en faire phrases, chapitres et un livre… On comprend bien comment naît une phrase, un texte.
Pierre réussit à rendre vivants des pavés et donne une vie à des mots ; les pavés sont des mots et les mots sont des pavés. Je suis comblée !
Et voici encore la séance de rasage du héros de la nouvelle. Se raser n’est pas pour l’homme une opération anodine : c’est souvent la seule vraie confrontation avec son propre regard dans une journée, et l’on se confie oculairement tant de choses pendant que la lame vous redonne l’air imberbe du premier matin du monde. Je trouve le monologue avec le miroir et le premier matin du monde un délice. J’ai déjà vu des hommes se raser et senti qu’il se passait quelque chose, mais Chambaron y met les mots.
Autre qualité de Pierre-Chambaron : s’il respecte les règles, s’il connaît l’étymologie des mots, s’il connaît l’histoire ou l’évolution de ces derniers, il connaît en plus la typographie. C’est un grand atout. Que vient faire la typographie ici ? C’est quand même la mise en pages des textes, comment et quand utiliser des guillemets, ou l’italique, quand mettre une majuscule à un titre, au nom d’un institut. Par exemple, lorsqu’on écrit une lettre on écrira : Cher monsieur ou Chère madame. Je sais, on voit très régulièrement, et ce de la part de toutes classes sociales confondues, une majuscule au nom, mais ce dernier n’est pas un titre, c’est une civilité. Il ne viendrait à l’esprit de personne d’écrire Cher Élève, mais c’est une habitude qui s’est prise et lorsque j’ai suivi des cours de sténo-dactylo, c’était la règle. Cela me met dans de drôles de situations parce que si j’écris à la représentante de ma gérance Chère madame, elle va se dire que je lui manque de respect… De plus, Pierre réfléchit et relève bien des contradictions qui me rendent service.
Le mot orthographe. Je ne peux pas ne pas parler de ce mot qui est si mal utilisé. C’est Pierre qui a attiré mon attention sur le sujet et voici le lien pour l’article que je lui ai consacré, mais en bref : le mot orthographe veut dire j’écris correctement, celui qui sait écrire, tout comme le géographe est celui qui connaît la Terre, le savant de la planète. Il est plus pertinent alors d’utiliser le mot graphie qui veut dire représentation d’un mot ou d’un son par l’écriture. Pierre a fait des émules grâce au compte qu’il a sur Twitter !
Prenons une autre part de dessert dans le recueil de Pierre-Chambaron intitulé Ni vent ni nouvelle. On le trouve dans Correspondance des quatre saisons. Une dame et un monsieur, qui vit dans un endroit isolé, échangent des messages. Le monsieur écrit : Heureusement, vous êtes là. Je reçois vos billets par Partounet, c’est amusant. Celui du 1er novembre m’a vraiment fait sourire : des photos de Vous, entourée de vos chats, avec la Pastorale en fond musical et cet entêtant parfum de cannelle, c’était vraiment… stupéfiant. Vous l’avez compris, Partounet est une version postérieure à Internet puisqu’on peut même s’envoyer des parfums. C’est délicieux !
La même inventivité, le même plaisir, je les retrouve lorsque Pierre m’envoie des éclaircissements sur tel ou tel point relatif à la langue. Le français a des caprices ou des logiques ou des exceptions (heureusement que le dictionnaire est plein de subtilités pour m’aider à mettre un mot sur mes interrogations) que je ne connais pas et Pierre me sort des mauvais pas.
Des exemples ? C’est un peu compliqué parce que je ne voudrais mettre qui que ce soit mal à l’aise. Quelqu’un pourrait se reconnaître et personne n’est exempt de commettre une erreur. Parfois on écrit trop vite, parfois on tape à côté, parfois on se fait avoir parce qu’on lit ou entend. Les journaux, tout ce qui touche aux médias, les déclarations des personnalités, les films, les livres… tout contient des abus et des coquilles aujourd’hui. Ah, voici un exemple des explications de Pierre avec le mot aujourd’hui. Autrefois, pour parler du jour, on utilisait le mot hui (du latin hodie). Au Moyen Âge, on a ajouté jour, pourtant issu du même mot, pour différencier la période en journée de celle de la nuit ; cela a donné aujourd’hui qui crée déjà un pléonasme. Si en plus, on ajoute au jour d’aujourd’hui il y a double redondance. Si par exemple, dans le monde de la mode, certains disent la mode au jour d’aujourd’hui désirant mettre en exergue l’époque, on pourrait leur donner raison, mais il vaut mieux être précis et utiliser d’autres mots ou expressions (actuellement, de notre époque, à ce jour, de nos jours, de notre temps, etc.).
Richesse d’esprit et désir d’aider. Je monte un spectacle basé sur deux livres de Jean-Loup Chiflet et cherche à compléter des noms de personnages, des histoires, me pose des questions et Pierre est là avec son imagination. À un moment donné, je lui demande quelque chose, il répond et signe « Al Fabey ». J’ai mis du temps à déchiffrer « Alphabet » ; d’autres fois, il a signé « Inspecteur Gétouluz ». Et on arrive à l’un des sujets traités dans ce spectacle : les homonymes, les homographes, les mots qui ont plusieurs graphies, bref d’un tas de plaisirs pour certains et de tourments pour d’autres ! Je le disais, Pierre n’est pas seulement quelqu’un qui remarque des contradictions, qui regrette certaines mesures prises ou au contraire oubliées, il apporte sa pierre à l’édifice. C’est ainsi que j’ai pu compléter les catégories de mots qui prêtent à confusion et su qu’il avait dans sa base de données 1’200 groupes d’homonymes ; cela doit représenter quelque 5’000 mots (2 ou 3 mots par groupe, avec un record à 6) !
Que dire en conclusion sinon que j’ai beaucoup de chance d’avoir rencontré pareil personnage et que les éditeurs devraient s’arracher un tel réviseur (tout comme moi, il n’aime pas le mot correcteur. Si je mets parfois, c’est pour être compréhensible par des non-initiés) !
Juin 2025. Un texte de Chambaron remporte le deuxième prix dans un concours littéraire ! Il s’agit de Transhumance, un poème en prose sur le thème imposé du Rhône, fleuve nourricier et destructeur. Une évocation qui a pris un relief surprenant quelques jours avant la catastrophe de Blatten (village valaisan)…
Juillet 2025. Je le dis, Chambaron est le cornac qui me comble ! Voici un exemple : (à suivre)
On peut se dire tellement de choses en si peu de temps…
Un cycliste à pied. Je marche sur le trottoir, à un pas mesuré, et vois un monsieur d’un âge certain me dépasser en sautillant et en tenant un vélo. Je me dis qu’il est alerte. Il reste encore un bon bout avant les feux rouges. Je continue de marcher, arrive au bout du trottoir, vois le monsieur et lui dis :
Je suis encore sous le charme de la conversation. Je ne saurai sans doute jamais qui ce monsieur est, mais il m’a marquée.
Dans un supermarché.1 On est un lundi et arrive près de la caissière que j’avais déjà vue le samedi précédent où elle avait travaillé toute la journée.
Je trouve curieux que des copains ne sachent pas quels sont les rêves des uns et des autres.
Je ne sais plus à quel moment, je leur ai demandé si les fautes de français comptaient dans des branches comme les sciences, etc. Ils ont dit que non et l’un d’eux m’a dit : « L’essentiel c’est qu’on se comprenne ! ». C’est un argument que j’entends souvent et qui m’échappe. Je lui dis : *Tu te rends compte qu’on a vingt siècles de civilisation derrière nous et tout cela pour arriver à « se comprendre » ? À de moment-là, j’ai vu l’étonnement envahir son esprit et il a dit : « Ah, oui, c’est beaucoup ! » J’ai été ravie d’avoir passé un moment avec ces ados.
Dans le même supermarché.2 Je fais la queue pour payer et derrière moi, deux garçons d’environ 9 ans. Je leur demande ce qu’ils ont acheté.
Un camion Cardinal en train de décharger à Neuchâtel. Bon, il est évident que je ne peux pas parler avec un camion, mais avec un de ses chauffeurs ou accompagnants oui. Le camion est immense et je le trouve beau.
Merci Roberto, pour toutes ces informations ! Je me suis enrichie. De plus, j’avais assisté à la distribution de cette bière Bilz. Cela avait été un samedi matin et j’en avait pris une pour l’un des vendeurs au marché. Il l’avait trouvée bonne. Alors, santé ! Roberto.
Ce sont des scènes qu’on pourrait trouver dans un film
No 1. Sur le trottoir. À propos de trottoir, j’ai appris que le premier trottoir qui a existé à Paris se trouve sur le pont Neuf, celui qui mène à la maison d’Abraham-Louis Breguet. Cela a dû être quelque chose ! Cette fois-ci, je me trouve à Neuchâtel et je traverse au feu vert, près de mon appartement. Un couple, dans la quarantaine, marche sur le trottoir devant moi. Le monsieur avance d’un pas décidé et regarde sa compagne sans rien dire, mais son allure dit qu’il ne va ni l’attendre, ni retourner la chercher. Elle suit, s’arrête… Je continue et la dépasse. Le monsieur continue d’avancer tout en la regardant de temps à autre. Il fait juste un geste de la tête en signalant qu’il va traverser la rue (quand ? je ne sais pas). À un certain moment, la dame me dépasse. Je lui dis : « Il a gagné ! »
J’ai eu l’impression de parler avec un autre moi mais me demande si une telle relation peut durer longtemps…
No2. Scène de cinéma. Je me trouve dans un supermarché ; je fais la queue pour passer à la caisse. Le monsieur devant moi met la séparation, la barre qui sépare ses produits des miens. J’ai envie de le féliciter parce que c’est plutôt rare. Je n’ai pas le temps de le faire parce que sa séparation tombe ou plutôt se couche. Certains magasins n’ont pas assez d’argent pour investir dans du bon matériel… La main du monsieur s’allonge pour la remettre debout. J’admire. Je demande au monsieur dans quel métier il travaille. Il dit qu’il travaille dans le marketing et me demande pourquoi je pose la question. « C’est que vous êtes une personne soigneuse ». Je vois que cela travaille un peu dans sa tête. Pendant ce temps, la caissière, Nathalie, a eu affaire à une cliente un peu inattentive, disons la chose comme cela. Il y a eu un problème avec un produit, mais la caissière a trouvé une solution. La dame paie avec de la petite monnaie. La caissière passe du temps à faire le compte ; il lui manque encore des sous. La dame les lui tend et la caissière commence à ranger chaque pièce à la bonne place dans la caisse. Elle lève la tête et dit en même temps : « Merci beaucoup, bon week-end ! » Quand elle finit de lever la tête, elle voit que la dame était partie et les clients qui étaient avec moi avons tous ri. Elle rit avec nous. Je lui dis que cela a été comme une scène de cinéma.
Je dis à Nathalie que je ne pourrais pas travailler dans ces conditions. Elle répond qu’elle a travaillé dans une cantine avec des adolescents et qu’elle est vaccinée et rit. Elle a un rire sonore et chaud. Elle me fait du bien. Mon tour arrive et je lui donne un bout d’étiquette qui était collé au tapis. Elle le prend, le lit et dit : « Ah, c’est ce qui manquait à la cliente ! » Je félicite la caissière au si joli prénom parce que malgré que la cliente ne s’est pas bien comportée, elle est toute à son affaire. C’est non seulement une scène de cinéma, mais une scène de vie pleine d’enseignements.
À propos du prénom Nathalie, je viens de voir qu’il vient du latin natalis dies, jour de la naissance, sous-entendu de Jésus. En tous les cas, il est bien porté par le personnage de cet épisode.
Nathalie a beaucoup d’humour. Je vais deux fois de suite au magasin et elle me dit : « Ah, vous ne pouvez plus vous passer de moi ! Je vais vous faire une place ici ! » et on éclate de rire.
No 3. Laboratoire de chimie 1950 et 2024. à l’école de Commerce de Neuchâtel. Je suis allée à la bibliothèque de la Ville et, en passant devant une salle au rez-de-chaussée, j’ai aperçu par une porte ouverte ce qui avait l’air d’être un de laboratoire de chimie. J’ai demandé au monsieur que j’y ai vu avec une blouse blanche si je pouvais entrer : – Oui, bien sûr. – De mon temps, la salle de chimie se trouvait là où il y a actuellement l’atelier de reliure. – Cela m’intéresse. J’aime l’histoire. Je suis préparateur et pas professeur. Je travaille ici et à ce qui s’appelait l’école de Commerce. – Ah ? Il y avait des cours de chimie ? – Oui. Le cours consistait en l’analyse des marchandises. – Je n’en reviens pas, je n’ai jamais imaginé une telle chose. Lorsque j’étais à la faculté de commerce extérieur en Roumanie, on avait bien une histoire des marchandises, mais on ne les a jamais analysées. Cela change ma façon de penser aux étudiants neuchâtelois. Il me semble qu’à l’époque, le directeur était M. Richard Meuli. J’ai fréquenté l’école pour suivre des cours de sténo-dactylo. – Cela vous intéresserait de revoir les locaux ? On est en train de faire des travaux et tout va changer. J’ai des photos datant de 1950. Elles vous intéresseraient ? – Ah, oui !
Je suis ravie. Je n’avais jamais vu ce monsieur et tout à coup le courant passe. Je me rends un matin à l’École de comm, qui va changer de nom. J’ai un peu la nostalgie et même si je n’ai pas réellement fréquenté l’école, elle fait partie de mon paysage, ce paysage change, mais il me fait signe ! Voici les photos que monsieur Mathez, c’est le nom de ce personnage qui aime l’histoire, m’a aimablement transmises :
On est donc en 1950. Les étudiants ont l’air sérieux, ils sont très bien habillés (aujourd’hui, ils seraient en… disons simplement qu’ils auraient une allure différente). Je me demande si j’en ai croisé en ville. Je voudrais les rencontrer, leur parler…
Je ne me rappelle plus à quoi elles correspondent. Il faut que je demande des explications (à suivre)
No 4. Je me trouve une nouvelle fois dans un supermarché. Je fais la queue et devant moi il y a une dame d’un âge respectable et devant elle, un monsieur basané. Il abandonne le grand chariot qu’il a utilisé à côté de lui et continue de faire la queue. Le chemin est étroit et ce n’est pas une bonne idée de le laisser ainsi. Je lui fais signe qu’il pourrait le ranger plus loin. Il ne fait rien. La dame, toujours celle d’un âge respectable, dit que cela ne sert à rien de s’énerver. Je lui dis que le monsieur ne parle peut-être pas le français mais qu’il ne fait pas grand-chose pour comprendre non plus. Il doit nous entendre, mais ne bouge toujours pas. La dame prend le chariot, le soulève et se dirige au bon endroit. Je touche le bras du monsieur et lui dis que la dame, plus âgée que lui, va le mettre à la bonne place. Il ne bouge toujours pas. La dame revient et dit que c’est comme cela et que ce n’est pas important. Je ne suis pas de son avis et lui raconte que lorsque les personnes posent les produits dont ils ne veulent plus n’importe où dans les magasins, je le leur signale. Elle trouve que je suis « sévère ». Ah, mon Dieu ! Il s’agit tout simplement de respecter les choses. Chacun s’attend à ce que sa vie soit simple. Alors, il faudrait aussi penser à simplifier celle des autres. « Vous avez empêché ce monsieur de faire quelque chose, il n’a rien appris » lui dis-je. D’ailleurs, vous voyez, il part et ne remercie même pas la caissière. – « Bon, la prochaine fois que cela se produira, je dirai quelque chose… », me répond la dame et on se quitte avec le sourire.
Mes remerciements à ceux qui ont imaginé et incarné le Centre culturel neuchâtelois, CCN, et à la Ville de Neuchâtel. Sans eux, pas de Cave perdue et pas d’activités de Zully !
Zully et la Cave perdue (mon studio-atelier de danse). Je voudrais présenter en quelques tableaux mon aventure avec la Cave perdue. Dans un autre article, je raconte comment je suis arrivée à ce lieu et l’histoire des principaux protagonistes. Pour relater les faits, tels qu’ils se sont déroulés, je montre dans l’organigramme de droite la manière dont je me suis représentée, pendant de très longues années, ma relation avec le CCN, jusqu’en 2019 :
Le centre était dirigé, à ses débuts, par Jacques de Montmollin, directeur administratif et André Oppel, directeur artistique. Il y avait également un régisseur, Ernest Grize, et une secrétaire-comptable, Mado Grize. J’ai donc été persuadée que c’était à la direction que je devais mon insertion à la Cave perdue.
Il y a environ trois ans, j’ai appris par Mado, Mado Grize – elle a été, aux premiers temps du CCN, secrétaire, comptable, barmaid, à l’accueil, à la billetterie et à la caisse des spectacles, comment la chose s’était déroulée. Mado était aussi la femme d’Ernest Grize, le premier régisseur du lieu ainsi que personnage clef dans la création du centre. Elle m’a raconté que c’est Ernest qui a insisté pour que je puisse occuper la Cave perdue. Cela change la vision de mon histoire qui devient :
Mado me raconte que c’est Ernest qui a insisté pour que le CCN me loue la Cave perdue.
Autre fait important qui découle de l’action d’Ernest : ma rencontre avec André, le directeur artistique. Cela s’est fait sans qu’on y pense et nous avons vécu dix-sept ans ensemble ; dix-sept ans que je peux représenter ainsi :
J’espère que vous comprendrez si je dis qu’André et moi avons été deux un ou un deux, soit deux personnes, chacune elle-même mais en même temps l’autre ou alors un seul être en deux entités jusqu’au moment de son départ de ce monde.
Je reprends l’histoire de la Cave perdue. Les années passent et les directeurs se suivent, chacun avec un désir de marquer sa période et mon occupation de la Cave perdue s’est vue réduite à une portion congrue jusqu’à ce que le destin tourne et je me trouve seule occupante du lieu sans que j’intervienne. Cela s’est fait tout seul. Cela n’a pas été facile de voir mon temps d’occupation diminuer, mais, finalement, je sors gagnante parce que j’ai développé d’autres cours, pour adultes, et peux les proposer, en majorité, au Service des sports de la Ville. J’ai repris mes spectacles en solo qui sont devenus des spectacles intimistes et qui sont en train de s’enrichir d’un spectacle de lecture-théâtre. Le Service de la culture de la Ville a été sensible à mon parcours et m’octroie une aide.
L’aide de la Ville. Elle n’est pas seulement matérielle. Au moment le plus difficile de ma relation avec le CCN, Patrice Neuenschwander, chef du Service de la culture et Thomas Facchinetti, conseiller communal en charge du dicastère de la culture, m’ont conseillé de m’approcher du Service des sports. C’est comme cela que l’idée de créer des cours pour ce service est née. Voici l’organigramme actuel :
2019 est une année importante de ma vie.
La mémoire. Je sais que nous ne sommes rien sans les autres et j’aimerais aussi être utile aux autres. Lorsque cela arrive, je suis aux anges. Je remercie, tous les jours, ceux qui m’ont formée et aidée. Je reprends le début de cet article pour remercier une fois de plus les protagonistes du CCN qui m’ont accueillie et la Ville de Neuchâtel, au travers du Service de la culture, qui prend soin des siens.
Je précise encore qu’après le départ d’André, il n’y a plus eu de directeur artistique. C’est dommage, ce sont des sensibilités différentes. Jaques de Montmollin a été l’un des rares directeurs que je connaisse à avoir eu une fibre administrative et théâtrale.
2024, le rôle du Service de la culture de Neuchâtel : grâce à l’intervention du même conseiller communal, Thomas Facchinetti, la Bibliothèque publique universitaire de Neuchâtel a créé un fonds André Oppel. Je vais écrire un article sur le sujet, si j’en parle ici c’est parce qu’en revisitant les documents qui pourraient alimenter ce fonds, j’ai découvert une lettre qu’André à envoyée à Mado, le 15 juin 2002, lors du départ au ciel d’Ernest qui avait eu lieu trois jours auparavant où il écrit que c’est « grâce à Ernest qui a accueilli Zully à la Cave perdue » qu’il fait ma connaissance et qu’il a retrouvé goût à la vie. J’ai l’impression qu’ils (Mado, Ernest et André) sont à côté de moi… Le plus fantastique est de voir que c’est l’action de M. Facchinetti, bien actif en ce monde, qui me permet de compléter mon passé. C’est le genre de choses qui m’enracinent encore plus à Neuchâtel et me rendent meilleure.
Je reprends en partie l’introduction de l’autre article parce que la situation s’y prête. J’aime Paris et quand on aime quelqu’un ou quelque chose on n’a pas besoin d’expliquer. Cette fois-ci, j’y ai rencontré des situations qui m’ont apporté du bien ou qui m’ont fait rigoler.
1. Les cyclistes. Il y a cyclistes et cyclistes ! Je vais parler de ceux que je félicite. Dans les quelques jours de mon séjour, j’en ai croisé dix que je félicite. Le tout premier a été dans le XVIIIe arrondissement. Le feu venait de passer au rouge pour les voitures, il n’était pas encore vert pour les piétons et je vois le vélo s’arrêter.
Nous avons échangé un regard chaleureux et j’ai traversé.
La chose est arrivée avec un autre cycliste du IIe arrondissement, sur le Pont-Neuf. Je venais de revoir la maison d’Abraham-Louis Breguet et j’allais traverser le pont pour reprendre le métro. Ici aussi le feu vert pour les piétons n’était pas encore allumé que j’ai vu un cycliste d’un âge respectable s’arrêter. Je n’ai pu que le féliciter. Il m’a demandé pourquoi et je lui ai dit que la plupart des cyclistes continuent alors même que le feu est rouge pour eux ; qu’il était une exception et que cela méritait des félicitations. Cela lui a fait plaisir. Les autres, c’était vers l’Arc de Triomphe et encore ailleurs. À chaque fois, j’ai remercié, j’ai reçu des sourires et j’ai eu le coeur en joie !
2. Ticket rose chez Castorama. Je vais dans ce grand magasin pour acheter des articles pour le bricolage et reçois un ticket rose. Je suis surprise parce qu’à Neuchâtel, la mode est au gris, un vieux gris qui rend les tickets illisibles. Les gens qui mettent en circulation de tels tickets veulent bien faire mais ignorent les conséquences. Tout le monde parle de la planète et de l’écologie et s’y prend par bouts. Avoir conscience que tout ce qu’on fait a une conséquence est magnifique, dans le cas présent, la solution proposée va à l’encontre de la vision physiologique. Pour bien voir, il faut un contraste, le mieux est noir-blanc, sitôt que l’on met une couleur, cela exige un effort des yeux, or dès qu’il y a effort, la vue s’abîme. La population européenne est vieillissante et donc il faudrait lui éviter des efforts. Alors, ceux qui pensent bien faire, ne prennent pas en compte tous les facteurs. C’est désolant. Le gris du magasin suisse Migros est affreux, Aldi suit aussi, c’est désolant. Alors, voir du rose c’est déjà mieux. Je regarde donc mon ticket et dis au caissier :
C’est si joli et dit avec un tel sourire que je suis sous le charme. Je n’ai pas le temps de donner des explications. Mais voici les deux tickets :
Je viens d’entendre une émission française sur la problématique écologique du ticket, et là aussi le problème de la vue est passé sous silence. Je vais envoyer un mot. On verra.
3. On dirait du carton. Je suis sur le boulevard de Clichy et vais traverser comme si j’allais prendre le métro Blanche. Je lève la tête et vois un immeuble plus haut que les autres ; il se situe peu avant Le Moulin Rouge. Il me fait un drôle d’effet. Ce n’est pas la première fois que je vois un tel édifice et à chaque fois, j’ai la même impression. La différence, cette fois, c’est qu’un piéton à ma droite va aussi traverser. Sans autre, je lui dis en lui montrant le bâtiment :
On dirait que le bâtiment blanc est un décor en carton !
Le temps que mon cerveau assimile sa réponse, quelques fractions de seconde, et qu’on échange un regard et on a éclaté de rire en même temps. On était du même monde !
Même maintenant que je regarde la photo, j’ai toujours l’impression que c’est un décor et pas un vrai édifice. Il n’y avait pas assez de place pour la photo, mais tout à gauche il y a Le Moulin Rouge. Chaque fois que je passe par là, j’ai une pensée pour Toulouse Lautrec, le peintre.
4. Un avocat dans un bus. C’est rare que je prenne le bus à Paris, mais c’était le plus pratique pour aller voir le musée des mathématiques. Je ne sais plus très bien comment la chose s’est passée, mais, je dois avoir allongé mes jambes et plongé dans mon esprit… Tout à coup, je vois des jambes d’un monsieur à côté des miennes et je retire les miennes en présentant mes excuses.
Le monsieur n’a pas l’air fâché, il sourit même. Puis, je le vois sortir un dossier. J’essaie de voir s’il y a un titre, mais n’arrive pas. Il le ferme et le remet dans son sac.
Je ne sais plus très bien ce que l’avocat a dit, mais on était d’accord pour dire que l’argent et le pouvoir prenaient parfois le dessus sur la justice. Et voilà que le bus arrive au quartier de l’Horloge et passe à côté du Palais de Justice. L’avocat me dit au revoir et il se met devant la porte. Le bus passe tout droit devant l’arrêt. L’avocat va vers la jeune femme qui conduit le bus.
Il me regarde comme s’il me disait que j’avais raison. Je lui demande à quelle heure est sa plaidoirie et il répond que c’est à 9 h 30 (il est 9 h 15) et il descend. J’espère que j’ai eu raison. J’ai réellement admiré la façon de prendre les choses chez cet avocat.
5. Chez Driss, boulevard de Clichy. Ici l’histoire est un peu plus longue. J’ai vu dans un magasin, lors d’un de mes séjours en 2023, des écharpes en vente avec comme motif des tableaux de peintres impressionnistes et postimpressionnistes français. J’ai demandé au vendeur s’il savait quel était le peintre de tel ou tel tableau reproduit. Il ne le savait pas. J’ai pensé que ce serait bien qu’il le sache et lui ai dit que j’allais prendre tous les foulards en photo et faire des recherches. Ne connaissant pas tous les artistes, j’ai demandé à un ami peintre un coup de main, mais il m’a dit que certains tableaux avaient été retouchés ou composés à l’ordinateur et donc n’ai pu apporter mon aide au vendeur. Cela m’est resté sur le coeur. Cette fois-ci, je passe devant son magasin et entre pour présenter mes excuses au monsieur qui me dit :
J’ai été tellement soulagée de savoir que le monsieur a trouvé une solution que je le remercie de m’avoir ôté un poids. Il sourit et il dit que c’est lui qui me remercie. Je n’en reviens pas, je ne lui ai pas apporté de solution, il m’enlève un poids et il me remercie ! C’est comme dans un conte. Je lui dis que j’avais ce poids depuis l’année précédente. Il me répond que non, que cela ne fait que peu de temps (or, en vérifiant dans mon ordi c’est bien neuf mois…). Je lui demande alors de me montrer comment fonctionne l’application.
Je n’en reviens pas ! Je lui demande s’il peut faire la même chose avec ma montre, celle que j’ai achetée à des Africains sur un stand à la fête des Vendanges de Neuchâtel l’année passée. Il dit oui et s’exécute.
Voici Driss avec son iPhone magique ! Il l’a posé sur ma montre et tout de suite est apparue la référence.
Non seulement Driss ne m’en veut pas, ne me fait pas de reproche, mais en plus, il m’apprend des choses et tout cela avec le sourire et le coeur ouvert. Je lui dis que je vais écrire un article sur lui sur ma plateforme et ne peux que me pencher pour choisir des souvenirs. Je choisis la boîte « Van Gogh » et d’autres choses dont des cartes postales. Au moment où je lui demande combien je lui dois, il me dit le montant et ajoute : « Je n’ai pas compté les cartes postales ». C’est absolument inouï. De plus, les cartes postales ont comme image le Sacré-Coeur et la place de la Concorde. Deux places qui me tiennent à coeur à Paris. Avec la place de la Concorde, j’ai un lien spécial parce que liée à Ramsès ii. et au sujet duquel je prépare un article sur cette plateforme. Je me sens portée !
Je retourne à Paris et rends visite à Driss. Il est content de l’article où je le mentionne et remarque une tour Eiffel comme ces boules de neige qu’on secoue et la neige tombe. Je trouve l’objet intéressant – j’ai une admiration particulière pour monsieur Eiffel et je montre à Driss ce que je vais faire avec l’objet :
Effet Driss ? me demande-t-il. Oui, je donne des cours sur l’ossature, le corps. Lorsqu’on reçoit une mauvaise nouvelle, la matière se densifie, devient dure et rien ne circule, quand on reçoit de bonnes nouvelles, quand les choses vont bien, c’est comme lorsqu’on agite ce magnifique objet, toutes les particules du corps bougent ! Le regard de Driss brille et je comprends qu’il a compris !
Une fois de plus divers pans de ma vie se réunissent pour faire un tout : maquillage fantaisie, Jean Mentha le typographe, ma passion pour la révision de textes, mon plaisir de découvrir de nouvelles choses et je ne saurais dire lequel est le premier de la chaîne mais elles se retrouvent dans l’imprimerie C-G.
Pour cet article, on peut commencer par la fin ; une fois n’est pas coutume. Je viens de visiter l’imprimerie Courvoisier-Gassmann qui se situe près de Bienne. Je suis passionnée par la langue française sous tous ses aspects, l’imprimerie comprise, cela va presque de soi. J’ai bien connu des imprimeurs et des typographes et vu les métiers changer et souvent disparaître. À Neuchâtel il y avait les rotatives de la Feuille d’Avis, aujourd’hui, l’impression du journal se fait je ne sais plus où et il n’y a plus de correcteurs. Cela se sent, se voit, se vit et c’est dommage. Chez Courvoisier-Gassmann (C-G), je découvre une entreprise qui date de 200 ans, j’aime les entreprises qui ont un passé, celle-ci se porte bien et en plus a une éthique. Ce dernier point me rend l’entité vivante et cela me rend heureuse, c’est comme si on ne faisait qu’un.
Pour l’historique de l’entreprise, je vous laisse aller sur sa plateforme. Ce que je peux dire c’est qu’en deux cents ans, elle a subi bien des mariages, des refontes, pour utiliser le langage typographique. Actuellement elle a concentré ses domaines et emploie une quarantaine de personnes.
Exploits. Il faut le dire, j’admire le premier imprimeur de la boîte, Fridolin Gassmann : il a changé son premier métier de meunier pour celui d’imprimeur ! Cela s’est passé au xviie siècle : « Fasciné par l’art noir, il quitte la farine blanche »1 et se construit une nouvelle existence dans la « ville des ambassadeurs » soit Soleure : en effet, la ville a abrité l’ambassade du royaume de France en Suisse de 1530 à 1792 (Wikipédia). Fridolin Gassmann a dû être guidé par son intuition, il doit s’être senti capable de faire autre chose et ce qu’il a semé alors donne aujourd’hui encore des fruits. Cela me fascine ! Notre société est le fruit d’actions passées et quand j’en découvre une, cela me transporte. Je répète donc l’admiration que j’éprouve pour celui qui est la racine de l’entreprise C-G. Parmi les derniers documents imprimés, on trouve le livre « Armorial du Jura » que l’Office fédéral de la culture a considéré comme l’un des plus beaux livres suisses de 2022 ainsi que » Le Cèdre. Jean-Tschoumi 1951-1956 « , hommage à cet architecte, figure clef du xxe siècle, qui a donné un visage aux bâtiments administratifs des années 1950 .
Citation extraite de l’historique de l’entreprise.
Le chemin qui mène vers l’entreprise :
Sylvain Villarsest le personnage à qui je dois cette histoire et une partie de la mienne. Il est l’un des organisateurs de la Fête d’automne d’Hauterive. Il y a deux ans, il cherchait une maquilleuse pour sa fête et est tombé sur moi. Le hasard a fait que j’y avais déjà participé des années en arrière ; retourner à la fête a été le signe d’une continuité en même temps que celui d’un nouveau départ. C’est parce que j’ai remarqué le français soigné de Sylvain que je lui demandé quel était son métier et il m’a dit : « Lithographe de formation et je travaille dans une imprimerie où je suis responsable de production ». Mon Dieu ! Le fait de savoir que quelqu’un que je voyais physiquement travaillait dans une imprimerie, une vraie, m’a fait demander si je pouvais aller voir l’entreprise et la réponse a été positive. Quelle chance !
Un autre bout : Jean Mentha. Il a été typographe. J’ai entendu son nom par feu mon ami André Oppel qui fut directeur artistique du Centre culturel neuchâtelois, l’actuel théâtre du Pommier. André avait fait ses études de graphiste à Zurich et forcément suivi le mouvement Bauhaus. Il lui allait si bien… Je ne sais plus le détail mais André et Jean Mentha avaient collaboré. Cela suffit pour me rendre quelqu’un sympathique. Il y a quelques années, je me suis dit qu’il fallait que je rencontre Jean Mentha parce que j’avais dans mes affaires divers guides de typographie dont celui du Typographe romand, 1982, que j’avais envie de parler avec lui de son métier et surtout de le remercier pour ce qu’il avait fait. Je constate bien des fois qu’après que les personnes quittent leur poste, ils sont quelque peu oubliés et cela me donne l’occasion de leur apporter un peu de chaleur. Je suis redevable à ceux qui ont travaillé avant moi et je me dois de le leur dire. Les sujets de discussion n’ont pas manqué parce que le guide mentionné m’a rendu bien des services dans mes rédactions.
Malheureusement la pandémie s’en est mêlée et Jean a eu interdiction de recevoir des visites. Mais, lors de l’une de nos dernières rencontres, il m’a mis entre les mains le dernier exemplaire qu’il avait du Guide du Typographe romand - Choix de règles typographiques, publié en 1943, « son » exemplaire, revu et corrigé par lui. Je revois le moment où il me l’a donné. J’avais été surprise parce que je ne le lui avais pas demandé. C’est en repensant à ce moment que je me dis qu’il fait partie de ce que j’appelle mon album temporel. Un album est fait de photos, ici c’est plus qu’une image, c’est un film : je revois Jean aller chercher le guide et se pencher pour me le donner alors que j’étais assise à sa table à manger. À ce moment, j’ai pensé : « Je n’ai rien demandé » et reçu, simultanément, la réponse mentale de Jean : « C’est mon héritage, gardez-le ! ». C’est ce que je fais. Et comme typographie et imprimerie ne font qu’un, lorsque j’ai rencontré Sylvain, on a parlé de ces sujets et je suis même allée à Bienne avec les livres de Jean comme si j’allais avec lui.
Je montre l’exemplaire de Jean Mentha à Sylvain et il s’exclame : « Quelle belle écriture ! » En effet, on n’en voit plus de semblables. On voit la précision, l’harmonie, le plaisir d’écrire, tout un portrait de la personne qui sait où elle va.
J’ai dû beaucoup agrandir l’extrait, mais de voir toute la page vous donne un sentiment de clarté et de beauté.
2024 m’apporte une information au sujet de Jean Mentha. Chez moi, je le dis au début de cet article, les pans de mon histoire se rejoignent de façon inattendue. Je viens d’écrire que je ne sais plus quel lien unissait Jean à André et voilà qu’en revisitant des documents d’André que je vais donner à la bibliothèque de la ville qui vient de créer un fonds à son nom, je tombe sur la lettre qu’André a écrite à Mado – (secrétaire, comptable, barmaid, accueil, billetterie et caisse des spectacles au Centre culturel neuchâtelois, le CCN) après le décès de son mari, Ernest Grize, premier régisseur du CCN et personnage clef lors de sa création – où il lui rappelle que leur complicité à tous les trois (Ernest, Jean et lui) allait jusqu’à avoir les mêmes étagères (plan d’André et construction d’Ernest) et les mêmes haut-parleurs (construits par Ernest et habités par les amplis de Jean) dans leurs appartements respectifs. J’ai l’impression que les esprits me font signe.
Ma passion pour la révision de textes. Il paraît qu’avant de venir au monde, on sait ce qu’on va faire. En ce qui me concerne, je n’ai jamais eu la moindre idée de ce que j’allais devenir. D’ailleurs, encore aujourd’hui, je cherche le métier que je ferai « quand je serai grande » ! J’ai eu diverses formations et divers métiers et ils se sont complétés les uns les autres. La révision de textes et l’une de mes dernières passions et elle m’a amenée à travailler avec et pour quelques écrivains dans des domaines aussi variés que les romans historiques, la vulgarisation scientifique, la santé, l’humour, la langue française. Je fais aussi des propositions à divers auteurs de plateformes sur la Toile et, de façon générale, c’est bien accueilli. Alors, aller voir ceux qui impriment entre dans la norme !
Les bureaux : ils sont beaux, bien décorés et l’air, autant que les idées, circule.
Le papier. Pas d’imprimerie sans papier ! D’où vient-il ? Sylvain m’explique que l’entreprise a des principes et qu’ils en achètent aux pays voisins, la France, l’Allemagne, un peu en Italie et pour le papier très spécial dans les pays nordiques qui ont beaucoup de forêts. Je suis conquise en écoutant ses explications.
Recyclage du papier. Le papier maculé n’est pas éliminé, jeté, il est recyclé. Je trouve cela magnifique. La nature a produit du papier et celui dont on n’a plus l’usage lui est restitué pour ainsi dire et il peut continuer son processus sous d’autres formes. Il est bien connu que les particules qui sont de ce monde viennent de la création et qu’à chaque changement de forme la mémoire se reporte. J’aimerais bien pouvoir parler avec les particules de ces papiers !
L’éthique de l’entreprise et mon atelier La valse comme chemin de vie. Une entreprise est le reflet de la direction qui est à sa tête. La direction de C-G a décidé de célébrer les dix-sept objectifs de développement durable de l’ONU via une série d’affiches faites par dix-sept artistes bénévoles. Un exemple de ces objectifs : énergie propre et à un prix abordable. Nous avons plus de vingt siècles de civilisation et néanmoins avons encore bien des problèmes. À propos d’énergie, l’ancien locataire de mon appartement avait inventé un moyen de produire de l’énergie sans pétrole… Il n’a pas été écouté et est parti au ciel avec son idée. Souhaitons simplement que de tels cas ne se reproduisent plus et œuvrons pour le bien de tous. En tous les cas, l’imprimerie Courvoisier-Gassmann donne le bon exemple.
Alors quel lien avec La valse comme chemin de vie ? C’est que pour danser la valse, la danse de salon la plus élégante qui soit, il faut être deux, danser sur le même rythme, aller de pair dans la même direction et les deux partenaires guident tour à tour le long de la valse. Le couple de valseurs se retrouve partout : vendeur-client ; chef-employé ; chauffeur-passager ; professeur-élève. Toutes ces paires vont aussi dans l’autre sens : client-vendeur ; employé-chef ; passager-chauffeur ; élève-professeur. Dans le cas qui nous concerne nous avons : imprimerie-papier et papier-imprimerie ; imprimerie-lecteur et lecteur-imprimerie ; imprimerie-mémoire de la société et l’inverse ; imprimerie-environnement et on tombe sur l’illustration des points retenus par l’ONU. Ici, l’imprimerie danse avec le développement durable en jouant divers rôles. On ne peut que la féliciter !
Qualité de l’impression. J’ai vu un imprimeur appeler un collègue et comparer un document avec celui récemment imprimé, aller vers sa machine qui dose les teintes et lancer une nouvelle impression. C’est magnifique et maintenant que vous, cher lecteur, avez été initié à la valse comme chemin de vie, on peut dire que c’est une belle valse entre le collaborateur et son imprimé !
On passe aux machines d’impression. Je regarde les employés travailler et en écoutant les explications de Sylvain, je me dis que décidément le travail manuel est plein d’enseignements : on ne doit pas mélanger n’importe comment les encres, on doit calculer le passage d’une couleur à l’autre, on doit aussi avoir grand soin des machines car la moindre erreur a des répercussions non seulement sur les documents mais même sur les machines qui peuvent s’abîmer. Je parle d’enseignement car c’est un mode d’emploi qui est transposable à tous les domaines. Je pense souvent à des lois qui ont des effets pervers… Je me dis que tout le monde devrait avoir une formation manuelle comme repère. On doit tout et tous bien traiter car le résultat de l’investissement s’en ressent.
Ce sont les machines les plus perfomantes à ce jour !
L’une des machines a été achetée par le dernier investisseur.
Ici nous avons une plaque d’aluminium. Elle est installée dans la machine, prend l’encre, la couleur, et l’imprime sur le papier.
L’histoire. Il y a une salle exposition où il y a des machines utilisées autrefois dans l’imprimerie. C’est un moment touchant parce que j’ai l’impression de voir des employés s’affairer. Les machines sont belles et bien entretenues. Je félicite ceux qui ont eu l’idée de les exposer pour marquer le chemin parcouru. Elles sont les parents des machines actuelles.
Autrefois l’impression était plus compliquée, les passages des couleurs demandaient plus de temps, beaucoup plus de temps, d’autres produits et d’autres savoirs. Dans la photo, on voit la main de Sylvain sur une pierre de lithographie.
Si on se trompe sur un papier, on efface ou on en prend un autre ; sur une pierre…
Domaines d’impression. Courvoisier-Gassmann se centre sur les livres d’art, des magazines, de la publication scientifique, des livres scolaireset la publicité en général. J’ai vu de très beaux ouvrages de grandes maisons avec des reliefs, des dessins et des dorures de rêve que je ne peux reproduire ici. Mais voici un autre ouvrage intéressant, c’est un conte destiné également aux aveugles. Il faut, pour une telle impression, un grand savoir-faire. Il y a non seulement du braille, mais également des images en relief. C’est magnifique !
Flûte, j’ai raté une photo ! Il y avait à un endroit des papillons sur lesquels était inscrite la langue : anglais UK, anglais américain, anglais international. Je n’avais jamais vu une chose pareille ! Je crois que le fait d’avoir fixé l’image dans ma rétine m’a fait croire que je l’avais prise en photo.
Les correcteurs. J’ai été tellement prise par tout ce que j’ai écouté et vu que j’ai passé outre l’une de mes principales raisons de ma visite : discuter avec les correcteurs ! Il n’y en a plus sur place… Correcteur est un métier qui disparaît, je le regrette et le constate à chaque fois que je lis le journal de Neuchâtel (oh, pas seulement !). Cependant, C-G, selon l’oeuvre imprimée, fait appel à des spécialistes avec lesquels elle travaille depuis longtemps.
Le secteur de l’imprimerie. La société change, les emplois changent, certains disparaissent, d’autres se créent et cela se ressent dans le domaine de l’impression sur papier. Dans les années 2 000 il y avait en Suisse 2 000 imprimeries, aujourd’hui il y a en 500 parmi lesquelles des bureaux qui font de la photocopie. Je vous laisse réfléchir…
Oeuvre de Saype
Paris, pour finir. J’ai un faible pour cette ville. Aussi, lorsque j’ai vu la photo ci-contre, je n’ai pas résisté à la prendre en photo à mon tour. Il s’agit de l’une des œuvres éphémères de l’artiste contemporain Guillaume Legros dont le pseudonyme est Saype (contraction du verbe anglais to say et du mot peace). Pour ses fresques, il utilise une peinture biodégradable qu’il a inventée. Ici on voit, sur le Champ-de-Mars, le symbole de la chaîne humaine. L’œuvre est un soutien à l’association SOS Méditerranée.
« Les paroles s’envolent, les écrits restent ». Après avoir écrit l’article, la citation a affleuré à mon esprit. Je l’ai entendue de la bouche de ceux qui attiraient l’attention de ceux qui allaient écrire quelque chose. Désirant vérifier son sens, j’ai cherché sur la Toile et j’apprends qu’on la doit à Horace et qu’elle était utilisée dans l’Antiquité pour inciter les gens à écrire leur savoir afin de le transmettre et se créer une mémoire. Tout être vivant a une mémoire et une société, une civilisation se doit d’avoir la sienne. Le rôle de l’imprimerie Courvoisier-Gassmann est de la transmettre. Une fois de plus, les choses se lient les unes les autres ; en revisitant le portail de Courvoisier-Gassmann, je trouve la phrase : « L’invention de l’imprimerie est le plus grand événement de l’histoire. » Ce sont les paroles de Victor Hugo. S’il était présent, il serait d’accord avec la première citation aussi.
Le personnel. Ici aussi Courvoisier-Gassmann se distingue. Il engage du personnel non seulement en fonction des qualifications mais des capacités personnelles. C’est ainsi, que dernièrement, une personne qui n’avait jamais fait d’impression a été engagée parce que du fait de son métier de base, la précision, le sens du détail et le goût du travail bien fait ont pesé lourd sur la balance. Je me dis que Fridolin Gassmann doit être content !