C’est une évidence, personne n’existe tout seul. On est tous reliés, interdépendants. Cela me rappelle le professeur Jean-Pierre Gern de l’université de Neuchâtel (faculté des sciences économiques) qui parlait du sujet il y a… des années et nous, les étudiants, on se disait… je ne sais quoi, car il était évident que l’économie se nourrissait de chiffres, de nombres, de pourcentages, de rapports et que les relations humaines ne figuraient qu’à la fin des équations sous forme de résidus… De plus son cours n’était pas une branche principale. Or, la qualité des interactions est l’une des bases de notre économie, un de ses signes de bonne santé. Notre vie, notre instinct nous le dit et pourtant… qu’est-ce qui guide les dirigeants des entreprises ? Qu’est-ce qui fait la puissance d’une nation ? Vous connaissez la réponse. Espérons que cela change.
Toujours est-il qu’au marché de Neuchâtel, je trouve cette interdépendance, de l’amitié, du respect, de la chaleur dans les échanges ; je suis dans mon monde et je peux respirer librement ! Pour moi, le marché est l’une des racines puissantes de la ville. Ce marché, je l’avais toujours vu à la Place du Marché. Le nom de la place… On voit dans la première photo du bas qu’il est question de « La Place du Marché » et dans la suivante « Place des Halles »… Après enquête, j’apprends que le marché se tenait tout au début, au Moyen Âge, à la Croix-du-Marché, carrefour de la rue qui mène au Château (autrefois le château seingeurial) et de celle qui mène au centre de la ville basse. Cela s’explique aussi parce que le Seyon et le lac formaient un estuaire. Je n’ai pas trouvé de photo ou image. Dommage.
Mais, comme déjà dit, j’ai toujours connu le marché à la Place du Marché et les grands parents de mes amis y allaient là pour acheter des produits frais. Cela fait plus d’un siècle, raison pour laquelle, je sens le marché comme une racine. C’est simple. Si on change d’endroit le marché… Mais, restons encore dans cet environnement et voyons quelques unes des photos des premiers marchés photographiés de la ville :


Mes ralations au marché. Les stands où je vais sont des stands où je trouve des aliments qui nourrissent mes canaris qui sont chez moi en volière intérieure et extérieure. Mes oiseaux connaissent la pluie, le soleil, la neige qu’ils picorent. Certains ont même dormi sur le balcon par -9° ! Ils ont également des conversations avec des moineaux qui viennent leur rendre visite le matin, la journée et juste avant d’aller se coucher. J’aime mes oiseaux et essaie de leur procurer ce qu’il y a de mieux. Bref, si un stand vend des brocolis, des endives, des salades, du cresson et si en plus il a des fanes de carottes, c’est le rêve (voici une image) ! C’est le premier critère de choix d’un stand. Ensuite viennent des choses pour moi. N’étant pas une cuisinière passionnée, j’achète des légumes que je mets dans ma casserole dans une rosette pour faire cuire à la vapeur et basta. Mais, c’est sans compter avec certains horticulteurs et vendeurs passionnés par leur métier qui me font découvrir des aliments qui me permettent de mieux me nourrir.
Le gingembre : c’est le dernier aliment à être entré dans ma courte liste d’aliments. J’ai rendu je ne sais quel service à Michaël, l’un des horticulteurs dont la famille tient un stand depuis 1900 (!), et il m’a remerciée avec un rhizome de gingembre. Chose curieuse, je venais de découvrir chez Lidl des biscuits au gingembre que j’avais beaucoup aimés et voilà que Michaël m’offre du gingembre. Je ne peux refuser, c’était dans la logique des choses – la vie a des logiques qui nous échappent mais qu’on ferait bien de suivre. Le voici :

Gengis Khan ! Le soir, en faisant je ne sais quoi, je me dis que c’est le moment de boire de l’eau chaude avec un peu de citron – cela je le fais souvent – et, suivant le conseil de Michaël, de lui ajouter un tout petit peu de gingembre. J’ai donc râpé un rien de gingembre et j’ai bu. C’est allé. À un certain moment, je laisse passer dans la bouche un rien de gingembre, je le mâche et là… c’est Gengis Khan le conquérant, l’envahisseur asiatique de terres qui envahit mon système lacrimal. Tonneau, que c’est fort ! J’envoie un mot à Michaël pour lui parler de ce conquérant et il m’envoie une description des vertus de la plante. Après quoi je réponds qu’effectivement, ils avaient oublié de parler de Gengis Khan. On a bien rigolé.
Taxe douanière. Maintenant que je sais qui est Gengis Khan déguisé en gingembre ou l’inverse, dès que me dents le trouvent, il passe tout droit sans payer de douane !
Voici quelques unes des têtes des horticulteurs et vendeurs du marché avec lesquels je traite :

Au milieu : Michaël. C’est d’abord avec sa grand-mère que j’ai traité. Avec cette histoire de pandémie, je ne la vois plus et je le regrette. Elle a en tête le nom de chaque client, le prénom du fils ou du petit fils et pense même à mes canaris. J’ai beucoup d’affection pour tous les horticulteurs du marché, mais avec elle c’est particulier.
À droite : Pierre-André. Il y a un humour particulier. J’aurais dû noter « ses sorties ». Il faudra attendre la prochaine. Son stand en période de pandémie est très élégant, de plus c’est lui-même qui l’a construit. Chapeau ! J’ai réussi à faire une photo qui figure en bas de l’article. Les panneaux qu’il y a mis permettent au client de voir les produits mais les empêchent de les toucher. Chose que j’apprécie énormément. Il ne sert à rien de raconter des choses déplaisantes, mais l’hygiène des gens laisse très souvent à désirer. Point.

À gauche : on y voit Steve et Loïc. C’est le stand où travaille Paul, un étudiant toujours souriant, ici sur la photo à droite, portant un bac où il y a un sac avec du cresson et du pourpier qui feront les délices de mes canaris ! La photo est la reproduction fidèle de Paul. Je lui dois de grands services. Le stand où il travaille est le plus grand du marché. Un autre lien s’est établi lorsqu’une partie du personnel de ce stand est venue voir l’un de mes spectacles de danse. J’organise avec une élève des spectacles intimistes pour des amis et j’en ai fait un pour eux. À ce moment-là, Steven (à gauche sur la photo d’en haut) ne faisait pas encore partie du groupe et comme il a manifesté le désir de voir ce que je faisais, j’organise un autre spectacle pour la bande. On verra quand cela sera possible.

La communauté formée par les stands. On peut réellement dire qu’ils forment une communauté. Quand le marché était uniquement à la Place du Marché, je voyais l’un des horticulteurs aller vers un autre pour lui dire qu’il lui manquait tel ou tel produit et je voyais qu’il était dépanné. C’était très joli. Il y avait une réelle entraide. C’était plus que joli, c’était magnifique et c’est comme cela que nous devrions tous fonctionner. Maintenant que le marché est dispersé – je présenterai la chose plus loin – l’harmonie et unité qui se dégageait de l’endroit est aussi dispersée. Disons que je ne la sens plus, car je vois quand même aller un horticulteur vers l’autre pour se rendre des services. On me dira que tout change et notre corps, l’air, la nature sont toujours en mouvement, mais on a aussi des choses stables, la main droite reste toujours à droite, par exemple.
Neuchâtel, ma ville, Ma ville, change et la Ville applique une politique regrettable. Comme je le disais plus haut, on me dit que tout change et je répète que si changement nécessaire il y a, des repères, des points stables sont nécessaires, c’est pour cela même que la main droite, une fois de plus, reste à droite. Il devrait en être ainsi de Mon marché. Je n’aime pas les polémiques, mais il y a des constats à faire Je me dis que le marché était là le premier et qu’il devrait y rester. Il apporte une stabilité à cette ville, laquelle – comme bien d’autres – subit de grands changements dans sa zone commerciale et sociale. Ce que j’ai entendu dire de la part de bien des horticulteurs c’est qu’on leur a fait comprendre qu’ils n’étaient que locataires des places occupées. Avec ces changements, ils constatent que s’il y a plus de monde dans la zone piétonne, ils ont aussi moins de clients, donc moins de ventes qu’auparavant. clients peu imaginatifs aussi, faut-il le dire… car ils sont inconséquents.
Clients inconséquents. On le sait, on se fait une clientèle avec le temps. Maintenant qu’il y a ces changements, les horticulteurs et vendeurs remarquent qu’une partie de leur clientèle n’est plus là. Je fais partie de la clientèle d’avant, mais je vais chercher Mes stands, où qu’ils soient ! Ils ne sont plus à la place A, je vais à la place B ou C ou encore ailleurs. Cela me semble logique. Pour bien d’autres, déboussolés, ce n’est pas le cas et doivent avoir trouvé d’autres solutions, je ne sais lesquelles, car aucun des horticulteurs avec lesquels j’ai parlé ne s’en sort mieux qu’avant. C’est ici qu’on rejoint le début de cet article : l’interdépendance. Comment désirer que dans notre vie les choses se déroulent bien si lorsque nos horticulteurs sont dispersés on ne va pas les chercher pour que leur vie continue de bien aller ?
Les restaurateurs ne sont pas en reste ! Je vais dans un supermarché acheter une salade mixte qui plaît spécialement à mes canaris et… en plein après-midi, il n’y en a plus. Je parle avec l’un des vendeurs et il m’explique que des restaurateurs viennent s’en servir. L’endroit où se trouvent les fondues est aussi vide… Même commentaire. Je comprends qu’une fois ou l’autre on procède ainsi par manque de réserves, mais le faire de manière régulière et ne pas acheter au marché, même en cette période et surtout en cette péridode, me semble inélégant. Je discute avec l’un des horticulteurs que je connais bien et il me dit que les restaurants traditionnels neuchâtelois continuent d’acheter chez eux mais que d’autres…
Ces travers me rappellent une grande usine allemande. Les faits m’ont été rapportés par un ancien professeur d’économie d’entreprise : ladite usine a mis à la porte le personnel dit « ancien », car il « coûtait » plus cher – salaires et peut-être d’autres charges – et a engagé des « jeunes ». Mais, les jeunes ne possédaient pas le savoir-faire des « anciens ». Les dirigeants se sont vus contraints de rappeler les « anciens » qui ont demandé que leur salaire soit versé en intégralité jusqu’à la retraite en échange de leur transmission du savoir. Magnifique ! Belle leçon d’interdépendance. On peut féliciter l’intelligence des uns et des autres.
Les horticulteurs et les sacs à provisions. Les horticulteurs réfléchissent au remplacement des sacs en plastique. En effet, on trouve dans la nature, soit en ville, dans la forêt et au lac un tas de sacs en plastique. Je précise que ce n’est pas le plastique qui est « fautif » en l’occurrence, c’est l’usage que les gens en font ou plutôt, le mésusage. Ici non plus cela ne vaut pas la peine de rappeler les nombreux actes de négligence et de manque de conscience qu’on voit. Le plastique a son utilité.
Voici deux stands :

Le stand le plus ancien. Pierre-André l’a repris de son père qui est venu pour la première fois avec son stand à Neuchâtel en 1957. Mais la famille de Pierre-André fait son apparition de l’autre côté du lac en 1537. C’est précis. Comment le sait-il ? À l’époque, ceux qui tenaient des registres étaient les prêtres, les mariages, les baptêmes, les décès, bref, les principales étapes familiales. D’ailleurs, lorsque l’État voudra faire son premier recensement officiel, il va se baser sur les registres tenus par les religieux. Pierre-André dit que depuis cette époque-là, sa famille paternelle a toujours travaillé la terre et son père est le premier à se dédier uniqument à l’horticulture.
L’autre stand, le plus grand du marché est tenu par Xavier et autrefois par M. et Mme Reubi. Ces derniers ont été mes premières amours dans ce marché. Pourquoi ? Parce qu’ils m’amenaient du mouron, plante considérée comme une mauvaise herbe, mais qui doit avoir ses qualités que seuls mes canaris connaissent. Ils se précipitent dessus lorsqu’ils l’aperçoivent. M. et Mme Reubi me l’ont introduite sous son nom allemand « Vogelmiere », très joli. J’avais trois amours : le couple Reubi, Mme Hélène Pellet et Mme Brodard. Cette dernière vient encore au marché avec ses confitures et des fleurs pour mes oiseaux (pas les confitures, les fleurs !). Je note que les Reubi sont venus au marché en 1976.

La photo du stand de Mme Pellet mère me manque. J’en avais avec toute la famille, trois générations, et par de mauvaises manipulations sur mon téléphone, je les ai perdues. Je le regrette à chaque fois que j’y pense.
Une histoire : on le sait, en période de récolte, il y a besoin de main-d’oeuvre et souvent ce sont des étrangers qui viennent. Les expériences des uns et des autres vont dans tous les sens, mais je tiens à relever celle de Mme Hélène Pellet, grand-mère de Michaël. Il s’agit d’un Polonais, Andreas ; il avait une fiancée et voulait arranger la maison en vue de son mariage. Ayant besoin d’argent, il est arrivé chez les Pellet pour travailler. Il a été très soigneux à tout point de vue, tant de sa personne que des autres et du matériel. C’est vrai, on engage quelqu’un qu’on ne connaît pas et les habitudes des uns ne sont pas celles des autres. On le voit avec les clients au marché. Bref, le gaillard a eu un comportement exemplaire dans tous les domaines, il « n’allait même pas aux filles à Fribourg, comme certains ! », commente Michaël. La saison passe et le Polonais rentre chez ; un jour les Pellet reçoivent une invitation pour le mariage d’Andreas. Avec le métier de la terre, difficile de partir en voyage tous ensemble ; alors, c’est Mme Hélène Pellet qui décide d’y aller. Au retour elle a raconté qu’effectivement, Andreas avait bien arrangé sa maison qui, en plus, était la seule, dans son village, à avoir du goudron devant elle ! C’est une belle histoire.
« J’ai assez travaillé ! » Ce sont les mots que la même dame, Hélène Pellet, a dit à la famille il y a quelque temps lorsqu’elle est entrée dans les serres. J’imagine la scène et ma tendresse pour elle ne fait qu’augmenter.
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